La contre-attaque a viré au bain de sang. Au lendemain du lancement de l’offensive tchadienne au Nigeria contre Boko Haram, les islamistes nigérians ont mené ce mercredi matin un raid sanglant dans la petite localité camerounaise Fotokol, à la frontière du Nigeria. Au moins 81 civils ont été tués, sans doute plus. Ils ont été égorgés, d’apès des témoignages. Treize militaires tchadiens ont également été tués et ainsi que six militaires camerounais.

Mardi, l’armée tchadienne avait lancé l’assaut pour chasser les islamistes de la ville frontalière de Gamboru, voisine de Fotokol, selon son état-major. A l’aube mercredi, de nombreux islamistes partis de Gamboru et de petits villages nigérians frontaliers du Cameroun se sont infiltrés dans Fotokol et ont attaqué la ville. Ils tentaient ainsi de prendre à revers les soldats tchadiens déployés à Gamboru — séparée de Fotokol par un grand pont surplombant la rivière frontalière —, alors occupés à une vaste opération de ratissage à la recherche d’islamistes embusqués.

«Je connais au moins dix personnes qui ont été tuées. Il y a parmi elles deux de mes amis, deux frères», a témoigné auprès de l’AFP un habitant originaire de Fotokol réfugié dans une autre localité.«Ils ont égorgé des gens, dont le grand marabout de la mosquée. Ils ont brûlé des maisons et la grande mosquée.»

«Boko Haram a fait vraiment beaucoup de dégâts ici ce matin. Ils ont tué des dizaines de personnes, au moins 20 à la grande mosquée», a assuré un autre habitant, Umar Babakalli, ajoutant: «Dans une autre mosquée, aucun fidèle n’a pu s’échapper». 

 

Mardi, l’armée tchadienne avait lancé son offensive terrestre au Nigeria depuis Fotokol après de violents bombardements aériens et d’artillerie sur Gamboru, désertée par la population. Ces combats ont fait neuf morts et 21 blessés côté tchadien et «plus de 200» dans les rangs de Boko Haram, selon l’état-major tchadien.

Les attaques incessantes de Boko Haram, qui étend depuis des mois son emprise dans le nord-est du Nigeria, menacent de plus en plus l’équilibre régional en pesant sur les frontières du Cameroun, du Niger et du Tchad. Ils ont entraîné la réaction militaire de N’Djamena, soucieuse d’empêcher des infiltrations de jihadistes sur son sol et de maintenir ses principales voies de ravitaillement.

De nombreux islamistes étaient présents depuis des mois dans ces villages nigérians proches de Fotokol. Jusqu’à présent, leurs tentatives d’incursion à Fotokol ont toujours été repoussées.

Devant la contre-attaque de Boko Haram, des troupes tchadiennes ont retraversé la frontière mercredi pour épauler les forces camerounaises à Fotokol.

L’armée nigériane, incapable d’enrayer seule l’expansion militaire de Boko Haram, a assuré mardi que la présence de troupes tchadiennes ne remettait pas en cause «l’intégrité territoriale du Nigeria», à dix jours de l’élection présidentielle. Le chef de l’État Goodluck Jonathan vise un nouveau mandat dans un pays miné par les attentats et les attaques de Boko Haram. Mercredi, la commission électorale a annoncé qu’elle envisageait de repousser la date limite de distribution des cartes d’électeurs mais réfuté tout projet de report du scrutin, démentant ainsi des articles de presse dans ce sens.

Outre Gamboru, les Tchadiens ont fait mouvement par une autre «entrée» au Nigeria, et massé des troupes soutenues par 4 à 500 véhicules, selon différents témoignages, à la frontière entre le Niger et le Nigeria, à proximité immédiate de bastions de Boko Haram. N’Djamena n’a pas confirmé officiellement ce mouvement au Niger, qui laisse à penser que les Tchadien pourraient tenter de prendre leurs adversaires en tenailles, par le nord et le sud.

Paris, très présent dans la zone sahélienne, soutient l’action tchadienne avec des reconnaissances aériennes au-dessus du Tchad et du Cameroun.

L’insurrection de Boko Haram, qui prône l’instauration d’un islamisme radical et affiche sa proximité idéologique avec Al-Qaeda et l’organisation État islamique, a fait plus de 13.000 morts et 1,5 million de déplacés au Nigeria depuis 2009.

source : AFP