Par ce coup de force des jeunes de Kayes, c’est toute la chaine de l’économie et des finances qui se trouve affectée. En tête des services d’assiette directement touchés, la douane se trouve en quasi chômage technique en cette fin du mois d’août.
La route du développement passe par le développement des routes. Ceci n’est pas un simple jeu de mots, car la quasi-totalité des échanges commerciaux dans notre pays passe par la route. L’axe Dakar-Bamako, passant par Kayes, Didiéni et Kati, se voit tailler la part du lion du volume du trafic avec plus de la moitié des importations de marchandises.
En revendiquant de meilleures conditions de vie – quoi de plus légitime ? – la jeunesse de Kayes n’est donc pas allée par le dos de la cuillère : blocus de la route nationale qui nourrit le reste du pays. Comme pour asphyxier les échanges commerciaux. Légitime combat, mais les conséquences de cette forme de revendication sont astronomiques et, du coup, très préjudiciables à l’atteinte des objectifs de recettes assignés à la fiscalité de porte.
Contactés par notre rédaction, les responsables de la direction générale des douanes n’ont pas souhaité opiner sur la nature politique de ce blocus. Ils ont cependant laconiquement indiqué que le blocus, sur le plan purement technique, prive l’Etat de plusieurs milliards de recettes fiscales.
Le Premier ministre, Dr. Boubou Cissé, non moins ministre de l’Economie et des Finances a précisé que l’Etat perd pas moins de 2,5 milliards de F CFA par jour du fait du blocus imposé par le mouvement “Sirako” de Kayes.
La douane n’est pas la seule victime collatérale
Pour stopper cette hémorragie, le chef du gouvernement a initié une rencontre avec les jeunes “blocustes” pour leur faire entendre raison. Dans un communiqué publié dans la foulée par la Primature, il est écrit qu’une enveloppe de 45 milliards est disponible pour le démarrage des travaux sur trois ans. Seul le tronçon Didiéni-Kolokani-Kati est concerné. Pour reprendre toute la route jusqu’à Kayes, l’Etat aura besoin de 350 milliards de nos francs. L’équation est donc loin d’être résolue.
En substance, le chef du gouvernement a invité les jeunes à éviter les pièges politiques d’activistes qui jurent de mettre les bâtons dans les roues de l’exécutif. Il dit avoir besoin d’un environnement serein pour travailler et redresser le pays qui cherche encore sa voie.
La douane n’est pas la seule victime collatérale. Avec d’autres maillons de la chaine, elle souffre de manque de marchandises à dédouaner. Elle ne peut, en effet, prendre en charge la marchandise imposable qu’une fois arrivée à elle. “Vous savez, l’Etat compte sur la douane pour renflouer les caisses en lui imposant un objectif journalier, mensuel et annuel, mais il faut simplement remarquer que lorsque la route est bloquée et que la marchandises (souvent périssable) est immobilisée, déduisez vous-même que l’affaire devient compliquée”, explique pédagogiquement un déclarant en douane croisé dans les bureaux des gabelous à Bamako moins animés que d’habitude.
Une moyenne de 52 milliards de FCFA par mois
Malgré les facteurs exogènes (la partie septentrionale du pays n’est plus assujettie aux taxes douanières, l’imposition de la pèse à essieux par le Sénégal et les mouvements de grèves…), la direction générale des douanes arrive à maintenir la cadence de la mobilisation des recettes avec une moyenne de 50 milliards de F CFA par mois. En plus du strict respect du mois calendaire, sont proscrites les déclarations anticipées.
En matière de lutte contre la fraude, elle vient d’incinérer plusieurs dizaines de tonnes de produits pharmaceutiques saisis, de drogues durs, d’alcool frelaté et bien d’autres produits prohibés. Preuve de sa vitalité en matière de protection des populations et d’assainissement de l’environnement économique.
Les autres victimes collatérales de cette crise de forme nouvelle sont notamment les banques qui ont accordé des prêts importants aux sociétés de transport pour le renouvellement de leurs parcs auto ; les commerçants privés de leurs marchandises ; les transporteurs qui n’arrivent plus à faire une rotation dans la semaine ; les commissionnaires en douanes sans dossiers depuis quelques jours et surtout les populations qui paient le lourd tribut d’une baisse de ressources au Trésor et une possible augmentation des prix de denrées de première nécessité du fait de ruptures de stocks. Que dire de toutes les familles en manque de dividendes liés au trafic routier ?
La Rédaction
Source: Aujourd’hui-Mali