À ce jour, sur la base des catégories retenues par l’équipe d’experts, 16 objets sont proposés à la restitution à notre pays dont 6 dans un premier temps et 10 dans un second temps. D’autres objets comme le Sabre d’El Hadj Omar Tall convoité par le Sénégal pourraient s’ajouter à cette liste.
Le ministère de la Culture organise, du 26 au 28 décembre, au palais de la culture, un atelier de réflexion sur les stratégies à mettre en œuvre pour préparer la restitution des biens culturels maliens. L’objectif général est d’apporter une réponse aux questionnements de la restitution des biens culturels en provenance du Mali dans le cadre du retour du patrimoine culturel africain.
Regroupant une équipe pluridisciplinaire, l’atelier proposera les objets et tout autre type de bien culturel à restituer ainsi que les arguments solides pour leur restitution. La cérémonie d’ouverture était présidée par le secrétaire général du ministère de la Culture, Andegoly Guindo.
La restitution des biens culturels africains aux pays d’origine est un débat très ancien. Elle a été remise récemment sur le plateau de l’actualité, suite à une campagne lancée par le conseil représentatif des associations noires de France (Cran) en décembre 2013. Depuis cette date, le Cran a publié plusieurs tribunes, notamment dans les colonnes du journal Le Monde, pour demander que les trésors africains pillés pendant la colonisation soient restitués aux pays d’origine.
Cette campagne a été présentée au niveau de l’Unesco et du Conseil des droits de l’homme de l’Onu et soutenue activement par Jean Gervais Tchiffi Zié, le secrétaire général du Forum des rois et leaders traditionnels d’Afrique.
Interpellé dans ce contexte, le président de la République du Bénin, Patrice Talon, a formulé une demande officielle de restitution en juillet 2016. Puis, l’Assemblée des rois de Côte d’Ivoire a exprimé une requête semblable, transmise à l’Elysée par le Cran.
La décision du président de la République française de restituer ces biens culturels à l’Afrique fait suite à cette campagne. Après son discours de Ouagadougou, renouvelé lors d’une conférence de presse conjointe avec le président du Bénin en mars 2018, le président Macron a confié à deux universitaires (Bénédicte Savoy et Felwine Sarr) une mission d’expertise et de propositions afin que d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain l’Afrique.
Il a recommandé que cette mission soit menée dans une concertation aussi large que possible avec l’ensemble des acteurs concernés, en France et en Afrique. À la suite de cette recommandation, le pool de chercheurs a travaillé avec les équipes du musée du Quai Branly-Jacques Chirac à Paris. Le pool de chercheurs s’est réuni à Dakar avec un groupe d’experts africains et européens le 12 juin 2018 et a organisé un atelier juridique à Paris le 26 juin 2018. Le rapport de cette mission a été officiellement remis le vendredi 23 novembre 2018 au président de la République française par les deux universitaires commis.
Il convient de rappeler que l’équipe de chercheurs mise en place par le président français a séjourné au Mali. À cette occasion, elle a offert au Musée national du Mali un document d’inventaire en trois volumes de 863 pages, contenant 6910 objets en provenance du Mali, inventoriés dans les collections du musée du Quai Branly-Jacques Chirac.
La chronologie de l’entrée de ces objets en France fait état de 89 objets entrés en 1884, 5 863 entrés entre 1885 et 1960, 795 à partir de 1961 et 163 à date d’entrée indéterminée. Cet inventaire ne concerne pas les collections des autres musées publics en France, encore moins celles des musées et des collectionneurs privés dont seul un inventaire peut permettre de connaître la situation.
Le Musée national du Mali a aidé les experts, à leur demande, à définir les catégories d’objets pouvant être concernés par la restitution. Les catégories retenues par la mission des experts sont les «butins de guerre», c’est-à-dire les objets pris aux chefs vaincus et partant à leurs populations dominées à la suite de la colonisation, se trouvant dans les collections publiques, tels que les trésors de Cheick Amadou et éventuellement d’autres chefs locaux comme Almamy Samory Touré, Babemba Traoré… ; les missions et ‘’raids’’ scientifiques, car de l’aveu même des acteurs impliqués sur le terrain, les transactions s’apparentaient en réalité à «des méthodes d’achat forcé, pour ne pas dire de réquisition» (Michel Leiris), voire à une sorte de perquisition menée par une troupe d’Européens qui, crayon et mètre en main, fouillaient partout» (Éric Lutten).
Difficile dans ces conditions d’interpréter le versement d’argent lors des «missions scientifiques» comme le signe d’un consentement des populations visées. Aussi, parallèlement à l’initiative de la France, d’autres initiatives de restitution ou de don d’objets provenant du Mali sont à l’étude. Il s’agit d’une collection de 650 objets Tellem et Dogon de Jan Baptiste Bedeau des Pays-Bas et d’une sélection d’environ 110 objets de la collection Joe Mulholland à Glasgow en Ecosse.
À ce jour, sur la base des catégories retenues par l’équipe d’experts, 16 objets sont proposés à notre pays à la restitution dont 6 dans un premier temps et 10 dans un second temps. D’autres objets comme le Sabre d’El Hadj Omar Tall convoité par le Sénégal pourraient s’ajouter à cette liste.
Depuis la réouverture du débat sur la restitution des biens culturels africains aux pays africains, le ministère de la Culture du Mali s’est approprié le dossier. Ainsi, à l’instar de ses homologues africains (Bénin, Sénégal et Gabon, entre autres, à l’occasion d’une conférence organisée à l’Unesco, à Paris, le vendredi 1er juin 2018), il a réclamé la restitution à leur pays d’origine des biens culturels pillés durant la colonisation.
Le but de cette réunion était d’ouvrir de nouveaux espaces de dialogue entre les pays dont sont originaires ces objets et ceux qui les conservent, en dépassant les seules questions juridiques afin de proposer des solutions et des outils pour les États.
Ce combat des pays africains pour la restitution de leurs biens culturels, disparus à l’époque coloniale dans des circonstances discutables, est soutenu, depuis plus de 40 ans, par l’Unesco.
En vue d’apporter une réponse aux questionnements en rapport avec la capacité réelle du Musée national et des Musées régionaux à assurer aux objets rapatriés, de bonnes conditions de conservation et de faire des propositions concrètes d’objets à la partie française, le ministère de la Culture a opté pour une approche participative en incluant outre les professionnels du patrimoine culturel, des historiens, des anthropologues, la société civile, etc.
Diango COULIBLY
Source: Le Reporter