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BELLE FAMILLE ET HERITAGE : La pomme de discorde

Les conflits autour des héritages aboutissent parfois à des excès de violence notamment contre les veuves. Dans une société qui vit sous la pression des principes religieux et coutumiers, oser réclamer ses droits s’avère délicate, dans certaines situations, aux yeux de la belle famille. Un choix s’impose souvent : se résigner et se taire. Mais certaines se révoltent parfois.

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F. D. a vécu 7 ans avec son mari dans la grande famille. Le bonheur qu’elle a connu avec ce dernier, entouré de leurs deux enfants, s’est effondré avec le décès de son mari. Ce n’est pas seulement la solitude qui l’étreint aujourd’hui.
Son quotidien est aussi devenu un enfer depuis que la question de l’héritage de son époux s’est posée. F. D a quitté la « grande famille ». Elle occupe désormais un petit appartement loué dans une cour commune à Bamako. Elle vit avec ses deux enfants de moins de 5 ans et fait de son mieux pour qu’ils ne soient pas affectés par l’absence de leur père, décédé il y a moins d’un an des suites d’un accident de la route. «J’éduquerai mes enfants à l’image de leur père qui était un homme bon et disponible pour tous, parents et amis », souffle-elle, visage aplati.
L’héritage laissé par son mari aurait pu suffire à baliser l’avenir de ses enfants.
Aujourd’hui, elle s’inquiète, mais s’accroche à ne pas flancher. Elle est déterminée à ne pas laisser sa belle-famille faire main-basse sur ce que son époux a bâti à la sueur de son front. Pour dissimiler sa peine, les yeux embués de larmes, F. D accroche quelques regards fictifs sur des objets dans son salon. Elle se souvient de son premier contact avec l’Association des femmes battues. «J’étais désespérée. Ma belle famille me mettait la pression pour que je laisse la gestion des biens laissés par mon mari à mon beau père. Je n’ai pas cédé à la pression ». Sa détermination l’a mise à dos avec sa belle famille, mais aussi causé son expulsion de la maison. « De son vivant, mon mari prenait en charge toute la famille, ses parents, ses frères et sœurs et leurs enfants compris. Après sa mort, c’est son capital décès qui a été utilisé pour achever la construction de la maison qu’il avait commencée. Son petit frère nouvellement marié occupe maintenant cette maison», relate-t-elle. Rouvrant quelques instants le rêve de son défunt mari, elle souligne que ce dernier avait accepté de renoncer à un poste nominatif ailleurs pour être auprès de ses parents. Le lourd présent la tenaille, réveille ses vieilles blessures: « Les membres de la famille m’ont informée qu’ils ne pouvaient pas prendre en charge mes enfants après le décès de leur père. J’ai appris que je devais quitter la maison, parce que le terrain sur lequel mes enfants et moi habitions portait le nom de mon beau-père. Je suis partie durant ma période de veuvage ».
Le cas de F. D est un exemple parmi une multitude qui assaille les veuves à Bamako et dans les villages. Le rapport du Système de gestion des informations sur les violences basées sur le genre (GBVIMS), mis en œuvre au Mali par le Sous Cluster, rapporte que 572 violences basées sur le genre (VBG) ont été rapportées pendant le deuxième trimestre de 2017, dont 14 % constituent des violences psychologiques.
En 2015, l’Enquête démographique et de santé du Mali notait 1 468 cas de VBG, dont 292 cas de dénis de ressources et d’opportunités et plus de 230 cas de violences psychologiques. Violentée au plan économique, psychologique (sans compter les violences physiques pour d’autres femmes), F. D n’a pas lâché prise. Avec le soutien de son avocat, elle a tapé à la porte de l’Association des femmes battues qui lui apporte une assistance psychosociale et juridique. Sa famille et l’employeur de son défunt mari ne l’ont pas laissée tomber non plus. Ainsi, elle arrive à s’occuper de ses enfants. Grâce à ses économies, elle a engagé un avocat pour suivre les démarches au niveau des assurances.
Mais désormais sans boulot, F.D doit faire face à une situation critique : comment récupérer l’héritage de ses enfants. «C’est une autre dépense à prévoir. Il faut avoir de l’argent pour engager des procédures judiciaires afférant à la succession de mon mari. Pour le moment, je vis de mes économies. Rien que pour les démarches liées aux assurances, je dois à mon avocat 750 000 F CFA».
Diplômée et indépendante avant son mariage, elle cherche aujourd’hui à se reconstruire pour prendre en charge ses enfants. Pour autant, elle ne compte pas renoncer aux biens laissés par son mari. Elle ne cherche pas à tout accaparer, mais simplement à récupérer ce qui leur revient à elle et à ses enfants. «Je vais respecter les droits de mes beaux parents, je réclame en retour mes droits et ceux de mes enfants devant la justice.J’ai en ma possession des documents qui prouvent que mon mari a investi sur ce terrain jusqu’à 17 millions de F CFA», clame-t-elle.
Dans son rapport du 2e trimestre de 2017, le Système de gestion des informations sur les violences basées sur le genre (GBVIMS) note que 99 % des survivants des VBG au Mali sont des femmes et des filles. La plupart vit le mal en silence par peur des représailles, de la stigmatisation, du risque de culpabilisation, sans compter le coût et la lourdeur des procédures judiciaires, voire l’impunité pour les coupable. Si F. D. a franchi le pas pour chercher à entrer dans ses droits, 79 à 91 % des survivants ont refusé la référence aux services d’assistance juridique et de sécurité. Par peur, mais sans aussi par manque d’information sur leurs droits.

Kadiatou Mouyi DOUMBIA

 

Source: lesechos

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