Devenu le symbole de la crise de l’Église face à la pédophilie, le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon depuis 2002, est un homme connu pour ses positions rigoristes et à la personnalité clivante au sein de son diocèse.
En 2015, l’affaire Preynat éclate. Ce prêtre du diocèse de Lyon, qui doit être jugé en janvier, est suspecté d’avoir abusé de nombreux scouts entre 1976 et 1991. Ce scandale éclabousse l’Eglise et devient l’affaire Barbarin quand des témoins affirment que le cardinal savait mais n’a rien dit à la justice.
Pressé de réagir, il lâche devant la presse à Lourdes: « Grâce à Dieu, les faits sont prescrits et certains peut-être pas ». Des paroles pour le moins maladroites qui inspireront le titre de film de François Ozon sur l’affaire.
Condamné en mars à six mois de prison avec sursis, l’archevêque de 69 ans fait appel et se rend dans la foulée à Rome pour remettre sa démission au pape, qui la refuse au nom de la « présomption d’innocence ». Depuis, le Primat des Gaules s’est mis en retrait de sa charge.
Une décision insatisfaisante pour une partie des prêtres du diocèse, qui réclament le départ de l’archevêque. L’un d’eux, le père Bruno Millevoye, vicaire épiscopal pour le Roannais (Loire), a démissionné de ses fonctions en signe de désapprobation.
Depuis, le climat « reste très lourd » dans le diocèse, confie un prêtre sous couvert d’anonymat, regrettant le « mauvais message » envoyé par un archevêque décrit comme « très autoritaire » et « décidant seul ».
Philippe Barbarin, lui, justifie son appel comme un « droit », quitte à écorner son image de prélat dynamique, à l’origine de son surnom de « Monseigneur 100.000 volts ».
– « Inclassable » –
Intellectuel à l’élocution singulière, voire déroutante, polyglotte et tintinophile, Philippe Barbarin est né le 17 octobre 1950 à Rabat (Maroc), dans une famille de onze enfants.
Cet évêque de terrain, dans son diocèse comme à l’étranger, est ouvert au dialogue interreligieux. Il va à la rencontre des sans-papiers et des Roms; il est présent sur les réseaux sociaux… mais il avance aussi aux premiers rangs des manifestations anti-avortement.
« S’il n’y a plus beaucoup de chrétiens en France, ce n’est pas mon problème. Mon problème, c’est que nous, chrétiens, ne sommes pas assez chrétiens », avait-il déclaré en arrivant à Lyon. « Je sais que cela choque mais je le répéterai : le christianisme cool n’a pas d’avenir ».
Il fait ainsi preuve de beaucoup de conservatisme sur les enjeux sociétaux comme le mariage homosexuel auquel il s’est farouchement opposé.
« Après, ils vont vouloir faire des couples à trois ou à quatre… Après, un jour peut-être, je ne sais pas quoi, l’interdiction de l’inceste tombera », déclarait-il en 2012. Des propos qu’il avait tenté de nuancer par la suite.
« Inclassable, il est en fait un évêque de la génération Jean Paul II », écrivent à son propos Jean Comby et Bernard Berthod dans leur « Histoire de l’Eglise de Lyon ».
Maître en philosophie et en théologie, après des études à la Sorbonne et à l’Institut catholique de Paris, disciple du théologien Hans Urs von Balthasar et du cardinal Henri de Lubac, il est ordonné prêtre en 1977 dans le diocèse de Créteil (région parisienne) où il reste près de 17 ans. C’est le moment « le plus heureux » de sa vie de prêtre, confiait-il à l’hebdomadaire Paris Match en 2012. Il est ensuite envoyé à Madagascar.
De retour de l’océan Indien, il devient évêque de Moulins (Allier) avant d’être nommé archevêque de Lyon en 2002 puis cardinal en 2003. A ce titre, il participe à deux conclaves, en 2005 et 2013, pour élire les papes Benoit XVI et François.
Mgr Barbarin s’est beaucoup investi notamment auprès des chrétiens d’Orient en proie aux persécutions, en particulier en Syrie ou en Irak où il s’est rendu à plusieurs reprises.
Chevalier de la légion d’honneur, il est l’auteur de plusieurs livres, dont un paru en 2015 « Dieu est-il périmé? »