Auparavant, les célébrations de baptême étaient une belle occasion pour les sœurs, amies et connaissances de la maman heureuse pour manifester leur sentiment de bonheur à travers des cadeaux dont des pagnes, savons et souvent de l’argent pour bénir l’arrivée du nouveau-né. Mais depuis un certain temps, la donne a changé dans la mesure où la nouvelle génération de femmes a décidé d’instaurer une nouvelle qui est « tu me donnes, je te rembourserai après».
Selon le sociologue Bréma Ely Dicko, le baptême est une pratique à la fois sociale et culturelle qui remonte des années et qui consiste à donner publiquement un nom à un enfant. « La cérémonie est célébrée publiquement pour témoigner la reconnaissance envers la personne dont le nom va être donné à l’enfant », a-t-il expliqué. Sur le plan religieux, le baptême, dit-il, consacre chez les chrétiens une cérémonie de sacrement de la foi d’une personne.
Pour Mme Rokiatou Diakité, conseillère conjugale, le baptême consiste à donner un nom à ce cadeau divin qu’est l’enfant et célébrer sa venue. « l’arrivée de ce beau cadeau qui puisse exister dans la vie est célébrée dans la joie, le bonheur, dans l’allégresse », se confie-t-elle avant d’ajouter que traditionnellement, le baptême est quelque chose qu’on fête modérément, car dit-elle, tout le monde n’a pas eu la chance d’ « engendrer des enfants ». « A force de célébrer son enfant, on finira par blesser ceux qui n’en ont pas eu », prêche-t-elle.
Cette manière des femmes de célébrer les baptêmes inquiétudes des époux. Selon eux, leur souffrance est énorme après car les dépenses les dépassent pendant les cérémonies de baptême. « maintenant les gens en font un peu trop, surtout les femmes parce qu’il est difficile de voir un chef de famille qui n’a pas subi les conséquences néfastes du baptême dans notre pays », martèle Mody Koita, chef de famille, enseignant de profession.
A ce niveau, Dr Bréma Ely Dicko a indiqué qu’un individu nait dans un cadre façonné par une culture, et il y a des normes pour qu’il soit identifié. « pour identifier un individu, il faut lui donner d’abord un nom », dit-il. Mais selon lui, il n’y a pas d’obligation pour faire un cadeau à la maman du nouveau-né. « les gens ont la gaieté de cœur parce qu’un enfant est considéré comme une bénédiction de Dieu », a-t-il laissé entendre. Pour ce sociologue, auparavant, les femmes s’échangeaient des cadeaux entre elles pour rendre la cérémonie belle, qu’ils soient des bazins, des pagnes, du savon, de l’argent et souvent même de l’or. « les femmes ont ensuite commencé à prendre un cahier et faire des listes. Au début, l’idée était de garder en mémoire les cadeaux qu’on leurs avaient donné. Mais de plus en plus, on a vu des mutations, tu donnes un Bazin et tu exiges que l’autre te donne la même chose ».
Pour la Coache Rose, l’ostentation est toujours néfaste dans toutes les croyances du monde. « C’est une mauvaise pratique, parce que c’est pour montrer aux autres que tu es supérieur à eux. C’est un comportement qui consiste à minimiser les autres », dit-elle.
Djeneba Togo est ménagère et épouse d’un fonctionnaire. Elle trouve normale que les baptêmes soient célébrés comme elles le font. « Avoir un enfant est un grand bonheur et il n’y a rien de grave de célébrer un bonheur », a-t-elle laissé entendre. Quant au système « je te donne, tu me rembourses », notre interlocuteur estime que c’est un acte de solidarité et de cohésion entre les femmes. « Nous ne sommes pas gênées de rembourser ce qui nous a été donné par nos collègues », a-t-elle défendu.
Pour M. Koita, cette nouvelle pratique peut créer des vives tensions si l’époux n’est pas prêt financièrement. « le monde évolue, on doit essayer d’évoluer avec le monde, mais il y a des limites qu’on ne doit dépasser », souligne-t-il.
En somme, cette nouvelle façon de célébrer le baptême au Mali est devenue un fléau, car les femmes s’adonnent à une situation dépensière très difficile à laquelle elles ne peuvent plus se contrôler. Et souvent c’est les époux qui sont les premières victimes de cette pratique.
Avec ce système de « tu me donnes, je te rembourserai après », les femmes concernées pardonnent- elles les cadeaux qu’elles ont déjà donné à leurs collègues qui décèdent avant de leur rembourser ? Dans la vie, les conditions des hommes changent selon le temps et les circonstances. Et que va faire celle à qui on donne un cadeau cher et que ses conditions se dégradent avant le remboursement ? Va-t-elle s’endetter pour le remboursement ? Que va-t-il se passer au cas où elle n’arrive pas à le faire ? Voilà le problème. En tout cas, ce système est une bombe à retardement.
Par Ibrahim Djitteye, Tioumbè Adeline Tolofoudié & Mahamadou Sissouma (Stagiaires)
Source: Journal le Pays- Mali