Guérilla urbaine ! L’expression n’est pas trop forte pour désigner les techniques utilisées par les jeunes de Badalabougou pour affronter les forces de sécurité. Dans ce quartier, devenu l’épicentre de la contestation, les manifestants s’étaient mobilisés très tôt hier matin devant la mosquée de l’imam Mahmoud Dicko et avaient annoncé faire plus que de la résistance
Les jeunes manifestants avaient, en effet, ouvert plusieurs fronts et affrontaient les agents des forces de l’ordre par petits groupes. Pour entraver les déplacements des forces de maintien d’ordre, ils avaient érigé des barricades à maints endroits du quartier.
Pneus brûlés, dalles des fossés et grosses pierres formaient des barrages infranchissables, tenus par des jeunes téméraires armés de cailloux. Les manifestants avaient l’avantage du terrain. Ils connaissent leur quartier comme leurs poches. À l’arrivée des policiers, ils peuvent disparaître rapidement, avant de réapparaitre ailleurs.
Ce qui rendait particulièrement ardue la tâche des éléments de forces de sécurité. Ces derniers étaient réduits à tiraient des grenades lacrymogène sans discernement sur tout ce qui bougeait avant de se replier. Un nuage de gaz lacrymogène flottait au-dessus du quartier, incommodant les habitants. Les affrontements se sont poursuivis pendant des heures.
Le matin, le marché du quartier avait été rapidement évacué à la suite des alertes infondées. Une rumeur avait couru, mettant en garde quiconque s’y rendrait pour vendre ou acheter des condiments. Les contrevenants s’exposeraient à des agressions, soutenait la rumeur.
Les portes de la plus grande mosquée du quartier, située à moins d’une centaine de mètres de la mosquée du leader du M5-RFP, étaient cadenassées. Aucun automobiliste ne pouvait gagner le pont des Martyrs via Badalabougou parce que les manifestants avaient bloqué tous les accès. Mais les usagers pouvaient accéder au pont par la voie qui mène de la pâtisserie Amandine à l’ouvrage. À l’entrée du pont des Martyrs, un impressionnant dispositif de sécurité empêchait les manifestants d’y ériger des barricades.
Dans le quartier de Baladalabougou, les jeunes contestataires proféraient des invectives à l’encontre du régime et des institutions de la République. Ils exprimaient à qui voulait l’entendre leur amertume face à la situation. « Avons-nous atteint les cimes de la cruauté ? Sommes-nous devenus des monstres ? », s’exclamait un manifestant devant la mosquée de l’imam Mahmoud Dicko. Un autre manifestant dénonçait « la mauvaise foi » dans la gestion de « ce tsunami qui risque d’emporter tout le monde ».
Un autre garçon, la vingtaine, adossé à un corbillard garé en plein milieu de la chaussée devant la mosquée de l’imam Dicko, montre du doigt le véhicule funèbre comme pour exprimer sa détermination à y laisser sa vie s’il le faut. « Au moins, je serais mort pour une bonne cause », lance-t-il.
Sur ces entrefaites, une fine pluie commença à s’abattre sur le quartier. Mais aucun des jeunes ne chercha à se mettre à l’abri. Ils sont restés débout à découvert, bravant les intempéries.
Quelques minutes plus tard, un groupe de jeunes s’en est pris au service des impôts de la Commune V. Ils ont brisé des vitres et défoncé des portes de ce service d’assiette pour emporter quelques ordinateurs. Un enseignant du quartier, qui a fait valoir ses droits à la retraite depuis quelques années, ulcéré, a exprimé son indignation et sa colère face à ces actes de vandalisme. « Ces gens ne servent pas la cause du Mouvement du 5 juin- Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) », a lancé le pédagogue.
Il faut rappeler que Badalabougou concentre un certain nombre d’acteurs de la crise. L’imam Mahmoud Dicko, l’autorité morale du M5-RFP et l’ex-président de la Cour constitutionnelle, Manassa Danioko, y ont leurs domiciles.
Certains jeunes avaient tenté en vain, dans une action commando, de saccager le domicile du président de la Cour constitutionnelle qui se trouve à quelques encablures du siège de l’URD et de la mosquée de l’imam Dicko.
La mobilisation des jeunes qui expriment leur détermination à protéger l’autorité morale du M5-RFP, ne faiblit pas. Ils étaient des milliers hier à rester devant la mosquée de l’imam où officie le leader religieux.
Bréhima DOUMBIA
Source: Journal l’Essor-Mali