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Awa Meité : « Je crois en une autre Afrique »

Styliste, peintre, joaillière, la Malienne est aussi engagée dans une stratégie d’optimisation des ressources qu’offre le coton. Entretien

Oeil carte pays continent afrique

 

 

Comment êtes-vous passée de vos études de sociologie à la mode ?
Mon parcours est intimement lié à mon histoire familiale. Ma mère (Aminata Traoré) s’est lancée dans une entreprise culturelle à Bamako et nous recevions de nombreux artistes comme Pathe’O ou Chris Seydou. J’ai baigné dans cet univers qui m’a façonnée. Après mes études de sociologie aux Etats-Unis, j’ai décidé de revenir au Mali. J’ai fait le tour du pays en bus pour le découvrir et me découvrir. Dans chacune des régions, je voyais, les savoir-faire formidables mais qui ne permettaient pas aux artisans d’en vivre. La sociologie, c’est une forme d’engagement que l’on retrouve dans ma vision de la mode et qui est celle de toujours tirer la qualité vers le haut. Le stylisme est la partie la plus médiatique de mes activités, car il donne à voir un produit fini. Mais ce qui me passionne, c’est l’engagement. Je suis une femme engagée qui croit en une autre Afrique et je pense qu’il faut qu’on se donne les moyens d’y arriver.

Vous êtes d’ailleurs très engagée localement auprès des artisans.
Nos pays ne vivent pas de leurs matières premières. Face à la dictature du Nord, quelles sont nos réponses ? Je me suis engagée dans la transformation locale du coton, exportée à plus de 90%. J’ai créé le festival Daoulaba autour du coton, dont la septième édition s’est tenue à Bamako fin 2013. Je travaille avec les artisans du village de Shô et lorsque je suis venue les voir, je n’ai pas fait de grandes promesses. On évolue ensemble. Mes projets sont toujours liés à ce village qui est devenu mon village. On y a installé un atelier de tissage, les femmes sont formées, mais, comme elles vont aux champs et s’occupent de la famille, je dois m’adapter à leur rythme. Ce n’est pas forcément rentable à court terme, c’est un acquis sur le long terme. Nous avons aussi fait venir des femmes à Bamako car Ilaria Fendi nous a passé une commande de tissage plastique et on est entrain de créer nos propres motifs. Je rends d’ailleurs hommage à Mme Mariko, qui nous a formés à ce tissage. Les designers ont tendance à oublier ceux qui leur ont transmis.

Quelles ont été les retombées de la crise malienne sur vos activités ?
La période a été difficile pour tout le monde. On n’a jamais eu beaucoup de ressources : on est en situation de crise tout le temps ! Alors, une crise de plus… Même en période de crise, comme on n’est pas une grosse production, on a gardé la confiance de nos clients. Le Mali, pays au potentiel incroyable, est entrain de sortir d’une crise profonde. Les élections se sont très bien passées, on n’en parle pas assez. Le Mali est à construire par nous tous, tant au Nord qu’au Sud. Je crois à cette nouvelle démocratie.

Que vous a transmis votre mère ?
Son côté combatif. Elle a souvent été la première à dénoncer des situations au niveau politique et économique. Parfois, on n’a pas voulu m’aider car je suis une fille d’une personne qui dit des choses qui dérangent. Il faut formuler nos envies et passer à l’action avant d’attendre qu’on le fasse pour nous. On a un potentiel, à nous de réfléchir à comment mieux finir nos produits, structurer la distribution et ne pas tout accepter. Ce sera long, difficile, mais j’y crois.

Le féminisme existe-il en Afrique ?
Je ne lui donnerai pas ce nom car, pour moi, il évoque un rapport de force du Nord qui veut imposer un concept au Sud. Je viens d’une famille de femmes fortes qui n’ont jamais revendiqué le féminisme mais s’inspirent des cultures locales. Au village de Shô, il y a toujours une concertation avec les hommes sur nos projets. Au Sud, il n’ya pas d’opposition entre hommes et femmes. Au Nord on la voit comme une normalité mais c’est plus subtil : en public, les hommes sont machos mais demandent conseil à leur femme, et c’est son avis qui comptera en définitive.

 

Africa24 Magazine

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