Augmentation du nombre d’articles jusqu’à 195 ; l’affirmation clair du caractère unitaire de l’État du Mali ; un parlement bicaméral ; limitation du nombre des membres du gouvernement à 29 au maximum ; la création de la Cour des comptes ; impossibilité pour l’Assemblée de renverser le gouvernement ; impossibilité pour le président de dissoudre l’assemblée ; la suppression de Haute cour de justice et le haut conseil des collectivités ; possibilité de la destitution de certaines hautes personnalités dont le président de la République ; possibilité pour les citoyens de saisir directement le Conseil supérieur de la Magistrature. Voilà, entre autres, les innovations majeures dans l’avant-projet de nouvelle constitution qui a été remis au président de la Transition mardi dernier.
Lors de son passage à l’Ortm, le président de la Commission de rédaction de la nouvelle constitution a évoqué les innovations majeures dans la nouvelle constitution.
A ses dires, dans la forme, l’avant-projet de constitution comporte 195 articles contre 52 de la 1ère République, 81 de la 2ème République et 122 articles de la 3ème République. Cet accroissement, selon lui, s’explique par la complexité du monde, la multiplication des acteurs et des grandes problématiques.
A en l’en croire, des changements ont été également introduits sur le plan structurel. Ladite présentation a été nettement améliorée pour faciliter la lisibilité de la loi fondamentale.
La souveraineté de l’État
Sur le fond, des innovations importantes ont été faites. Au niveau de l’État et de la souveraineté, il y a l’affirmation claire du caractère unitaire de l’État du Mali. Cette disposition est prévue par l’article 30 qui stipule : « Le Mali est une République indépendante, souveraine, unitaire, indivisible, démocratique, laïque et sociale. Son principe est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. La capitale de la République du Mali est Bamako. Elle peut être transférée en tout autre lieu de la République par une loi. L’emblème national est le drapeau tricolore composé de trois bandes verticales et égales de couleurs vert, or et rouge. La devise de la République est : « Un Peuple – Un But – Une Foi ». L’hymne national est : « Le Mali ». La loi détermine le sceau et les armoiries de la République et fixe les conditions et modalités de leur utilisation. Tout usage illégal et toute profanation des attributs de la République sont punis par la loi ». Cela suppose, selon Fousseyni Samaké, qu’il n’est pas question que nous ayons un État fédéral.
La question des langues a été aussi traitée avec rigueur, selon le président de la Commission de rédaction de la nouvelle constitution. A ce niveau, l’article 31 précise : « Les langues parlées au Mali par une ou plusieurs communautés linguistiques font partie du patrimoine culturel. Elles ont le statut de langues nationales et ont vocation à devenir des langues officielles. La loi fixe les modalités de protection, de promotion et d’officialisation des langues nationales. Le français est la langue d’expression officielle. L’État peut adopter, par la loi, toute autre langue étrangère comme langue d’expression officielle ». La formule adoptée dans l’avant-projet de la nouvelle constitution est dynamique, selon le Président de la Crnc.
Une autre question qui suscite des débats au Mali, c’est celle relative à la laïcité. « La question de la laïcité a été évoquée lors de nos rencontres, notamment avec les confessions religieuses qui demandaient qu’on donne, dans la constitution, un certain contenu à la laïcité. Dans la constitution de 1992, il est mis un État laïc, cela n’est pas défini. Dans la nouvelle constitution, il y a un développement sur le concept de la République laïque pour clarifier la notion. Donc, la conception malienne de la laïcité se trouve définie dans la nouvelle constitution », a déclaré Fousseyni Samaké. Effectivement, la question de la laïcité est évoquée dans l’article 32 qui stipule : « La laïcité́ a pour objectif de promouvoir et conforter le vivre-ensemble dans la société́, fondé sur la tolérance, le dialogue et la compréhension mutuelle. Pour l’application de ce principe, l’État garantit le respect de toutes les croyances ainsi que la liberté́ de conscience, de religion et le libre exercice des cultes ».
Les innovations au niveau des institutions
Au niveau des institutions, des innovations majeures ont été faites. A ce niveau, le président de la République demeure, le Gouvernement demeure, mais l’Assemblée nationale est remplacée par le Parlement. Ce parlement est composé est deux chambres (bicaméralisme) : l’Assemblée nationale et le Haut conseil de la Nation. Autre nouveauté, c’est la création de la Cour des comptes. Le Conseil économique, social et culturel devient « Conseil économique, social, culturel et environnemental. La Haute cour de justice et le Haut conseil des collectivités sont supprimés de la liste des institutions.
Le changement majeur a été connu au niveau du pouvoir exécutif, notamment dans la distribution du pouvoir entre le président de la République et la Premier ministre. « Dans la constitution actuelle, on dit que c’est le gouvernement qui détermine la politique de la nation », rappelle-t-il, avant de préciser qu’« avec la nouvelle constitution, c’est le président de la République qui détermine la politique de la Nation et c’est le gouvernement qui conduit la politique de la nation ». Cela responsabilise, selon lui, totalement le président de la République des réussites ou des non réussites des politiques qui seront mises en œuvre. Conséquences de ces changements, selon le président de la Commission, c’est que « l’Assemblée nationale ne pourra plus démettre le gouvernement ». Quant au président de la République, il ne pourra plus dissoudre l’Assemblée nationale.
Au niveau du gouvernement, le nombre de membres est limité à 29 au maximum. « Dans la constitution, il est écrit que le nombre ne peut dépasser 29, quelle que soit leur dénomination », a-t-il précisé.
Au niveau de la Justice, il est prévu, selon Fousseyni Samaké, que les citoyens pourront saisir directement que le Conseil supérieur de la magistrature.
Destitutions de certaines hautes autorités
Une innovation majeure dans la nouvelle constitution, c’est la possibilité de destitution de certaines hautes personnalités. Cette possibilité, concernant le président de la République, est prévue par l’article 72 qui stipule : « Le Président de la République est responsable de faits qualifiés de haute trahison. Il peut être destitué par le Parlement pour haute trahison. Il y a haute trahison lorsque le Président de la République viole son serment, pose des actes manifestement incompatibles avec l’exercice de ses fonctions, est auteur, co-auteur ou complice de violations graves et caractérisées des droits humains, d’atteinte aux biens publics, de corruption ou d’enrichissement illicite. La motion de destitution est initiée par les membres de l’une ou l’autre chambre du Parlement. Elle n’est recevable que si elle est signée par au moins la moitié́ des membres. La chambre concernée saisit la Commission compétente qui procède à toutes investigations et auditions nécessaires à l’issue desquelles celle-ci apprécie s’il y a lieu ou non à poursuivre la procédure. Si la commission décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre, il est mis fin à la procédure de destitution. Si la commission décide qu’il y a lieu à poursuivre, elle dresse l’acte d’accusation motivé qui est soumis au vote de la chambre à la majorité́ simple des membres. En cas d’adoption de l’acte d’accusation, l’autre chambre est saisie dans un délai de huit jours et doit se prononcer en termes identiques dans un délai de quinze jours. Si l’acte d’accusation n’est pas adopté, il est mis fin à la procédure de destitution. La mise en accusation par les deux chambres entraine de plein droit la levée de toute immunité́ du Président de la République. Les deux chambres du Parlement se réunissent en Congrès ad hoc pour statuer sur la destitution du Président de la République. La destitution est prononcée à la majorité́ des deux tiers des membres. Seuls sont recensés les votes favorables à la destitution. Les sessions du Congrès ad hoc sont présidées par le Président de la Cour suprême. Le Président de la République dispose des droits de la défense. Il peut se faire assister par le conseil de son choix à toutes les étapes de la procédure. Une loi organique détermine les modalités d’application du présent article ».
Le président de l’Assemblée et le président du Haut conseil de la Nation peuvent, eux aussi, être destitués.
Boureima Guindo
Source : LE PAYS