Le Pr Makan Moussa Sissoko et son équipe ont réussi leur pari : recueillir les avis et
suggestions du maximum de Maliens et rédiger le document dans le délai imparti. Le chef de l’Etat les a félicités pour la qualité du travail.
Le président du Comité d’experts pour la reforme constitutionnelle a remis, hier à la Villa des hôtes, l’avant-projet de loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992 au président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta. Le document prend en compte des clauses de l’Accord pour la paix et la réconciliation qui relèvent de la matière constitutionnelle, des propositions pertinentes des précédentes tentatives de révision constitutionnelle et d’autres réaménagements devant être apportés à la Constitution au regard de l’évolution du contexte institutionnel et juridique du pays. Aussi prend-il en charge les suggestions recueillies auprès des Maliens, qu’ils soient de l’intérieur ou de l’extérieur.
Le Premier ministre et plusieurs membres du gouvernement, ainsi que les proches collaborateurs du chef de l’Etat ont été témoins de cet évènement qui boucle la première phase du processus de révision de notre Loi fondamentale. Un processus qui se veut inclusif. Et c’est d’ailleurs à cet effet que le Comité d’experts commis à la tâche s’est fait un devoir d’aller à la rencontre des Maliens de l’intérieur comme de l’extérieur afin de recueillir leurs avis et suggestions. Ainsi, le débat sur la réforme constitutionnelle a envahi l’espace public pour devenir une préoccupation du plus grand nombre de citoyens et pas seulement celle de l’élite.
Il aura fallu moins de trois mois aux experts (au nombre de 11 dont deux femmes) pour peaufiner cet avant-projet qui dégage quinze grandes tendances. Enumérant ces grandes lignes, le Pr Makan Moussa Sissoko, président du Comité, a tout d’abord cité la prise en compte de certains principes et valeurs de notre passé et présent glorieux, puis la consécration constitutionnelle de certains droits et devoirs nouveaux, notamment le droit au mariage, le droit de la famille, la protection de l’environnement, la lutte contre le changement climatique ainsi que la protection de la biodiversité.
La troisième et la quatrième tendances sont respectivement relatives à «la clarification des compétences entre les institutions de la République» et à «la définition des rôles du président de la République et du Premier ministre au sein de l’exécutif». Aussi, le texte annonce la création d’une seconde chambre dénommée Sénat devant assurer la représentation des collectivités territoriales. Les Maliens établis à l’étranger, les autorités traditionnelles et coutumières, les personnalités ayant honoré le service de l’Etat, les femmes et les jeunes sont appelés à y siéger.
L’avant-projet indique également l’augmentation des délais relatifs à l’élection du président de la République et à la durée de la période intérimaire au niveau de cette institution ; le réaménagement des attributions, des règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour suprême, de la Cour constitutionnelle et de la Haute cour de justice ; et la création d’une Cour des comptes conformément au traité de l’UEMOA. En outre, il prévoit la possibilité pour les citoyens de saisir la Cour constitutionnelle par voie d’exception. Autres tendances : la rationalisation des structures de gestion des élections par la création d’un organe permanent et indépendant ; la réaffirmation du caractère déconcentré et décentralisé de l’organisation administrative du territoire en accordant une place prépondérante à la régionalisation et le changement de dénomination de l’organe délibérant de la région en Assemblée régionale, élue au suffrage universel direct et dotée d’un pouvoir réglementaire.
Ajoutez-y la possibilité qui sera donnée aux collectivités territoriales d’instituer sur leurs territoires des impôts et taxes prévus par la loi ; la constitutionnalisation de certains principes fondamentaux de la libre administration des collectivités tel que le respect de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale. Et enfin, les experts proposent «l’institution de la procédure de révision assouplie par la possibilité offerte au président de la République de soumettre le projet de révision au vote du Parlement réuni en congrès».
Au nom du Comité, le Pr Makan Moussa Sissoko a souhaité que l’approche inclusive et participative qui a prévalu lors des travaux du Comité continue d’habiter les Maliens pendant le reste du processus.
Le président Keïta a rappelé que la Constitution de 1992 avait des insuffisances. «C’est en raison de cela que l’ensemble national s’est convaincu que le temps était venu pour nous de remettre notre ouvrage en question et de le reconsidérer», a argumenté le chef de l’Etat.
Commentant les grandes lignes de cet avant-projet, il a singulièrement noté la pertinence de certaines orientations, notamment celles liées aux questions environnementales qui sont plus que jamais d’actualité dans un pays comme le nôtre. Ibrahim Boubacar Keïta a ensuite félicité les experts et s’est dit certain que cet avant-projet, avec le traitement qu’il plaira à notre représentation nationale de lui accorder, aura un accueil favorable et qu’il permettra de dessiner un nouveau parcours pour notre pays.
Aussi a-t-il salué le fait que la question lancinante de la création de la Cour des comptes sera enfin résolue. Il s’est réjoui de la place désormais faite aux légitimités traditionnelles. Lesquelles «sont souvent sollicitées quand le besoin se fait sentir, mais dès qu’une affaire est réglée, on leur tourne le dos et on ne revient les voir qu’en cas de nouvelle crise». Pour le chef de l’Etat, que «désormais ces légitimités puissent également avoir droit de cité dans la décision nationale, n’est que justice».
Issa Dembélé
L’Essor