Depuis le vote de la loi sur les autorités intérimaires, le 31 mars 2016, les Maliens attendent impatiemment de voir à quelle sauce ils seront « mangés ». Parce que, malgré les assurances du gouvernement, une frange importante de la population, en particulier celle des régions du nord, pense que ladite loi n’augure rien de bon pour notre pays.
Toute fois, des négociations « secrètes » seraient en cours pour atténuer les effets de cette loi censée donner le pouvoir aux groupes armés dans les cinq régions du nord.
En effet, de sources concordantes, il nous est revenu que les conseils communaux ne seront plus dissouts comme le prévoyait la loi sur les autorités intérimaires. Tous les conseils communaux qui ne fonctionnent pas devraient être dissouts et laissés à des autorités intérimaires choisies par la CMA, la Plateforme et le Gouvernement. Le hic ? C’est que, le gouvernement allait jouer dans l’exécutif communal un rôle « insignifiant » ou du moins de simple figurant. Mais, un accord aurait été conclu entre le gouvernement et les groupes armés pour éviter une dissolution des conseils communaux existants.
Si cette information est confirmée, elle consacre, en partie, la victoire des élus locaux, qui ont été les premiers à dénoncer les dérives de cette loi dans une correspondance adressée au ministre de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat.
Il s’agit aussi du résultat de la levée de bouclier de plusieurs de nos compatriotes, en particulier ceux réagissant sur les réseaux sociaux, contre une loi qui pourrait consacrer la partition du Mali. Une prime aux armes ?
Accord subsidiaire ?
En acceptant de se passer de la gestion des communes du nord, les groupes armés ont probablement fait un « deal » avec le gouvernement malien. Certaines sources évoquent même l’existence d’une convention subsidiaire qui selon elles, affecte essentiellement la gestion des autres collectivités du nord (cercles et régions) aux groupes armés. Cette gestion concernera les collectivités territoriales des cinq régions du Nord du Mali (Gao, Tombouctou, Kidal, Ménaka et Taoudéni). Chacune des trois parties aura des postes de présidence et de vice-présidence.
En effet, la répartition faite et cautionnée par le gouvernement laisse entrevoir clairement que chaque groupe armé aura à diriger les localités actuellement sous son contrôle. Si l’on sait que l’Etat contrôle peu de localités dans le septentrion de notre pays.
Pis, cette convention subsidiaire aurait contourné la loi votée, en mars dernier, en attribuant de nouvelles compétences aux nouveaux chefs des exécutifs locaux et régionaux. Il est dit dans la convention que le président de chaque autorité intérimaire est le chef de l’exécutif local et aura la main mise sur « l’éducation, la santé, l’hydraulique rurale et urbain, l’industrie, le commerce, le transport, le tourisme, l’artisanat, l’environnement, l’agriculture, le développement social, la protection de la femme, de l’enfant et de la famille, l’élevage et la pêche ». Il est aussi « ordonnateur du budget de la collectivité » et ses décisions sont « exécutoires » dès qu’elles sont publiées et transmises au représentant de l’Etat. C’est un « deal » qui exclut toutes les légitimités du nord, notamment les chefferies et notabilités traditionnelles, la société civile, mais aussi et surtout la classe politique. Le risque est énorme et inquiète plus d’un. Et l’opinion nationale doit faire attention, a estimé l’ancien Premier ministre, Moussa Mara. « Nous devons faire attention à ne pas créer les conditions de la durabilité et de la permanence de situations qui devraient être exceptionnelles et éventuelles. Plusieurs actes posés méritent d’être réexaminés dans cette optique. La composition des Autorités intérimaires n’a pas été prévue par les Accords. Il est apparemment le fruit de discussions entre les partis signataires. Dans ce cas, il n’est pas compréhensible que le Gouvernement soit mis au même niveau que les groupes armés. Pourquoi ne pas avoir pris en compte les autres légitimités du Nord ? Par exemple les élus actuels, l’Association des Municipalités du Mali (AMM), le Collectif des Ressortissants du Nord du Mali (COREN) ou encore certaines organisations de la société civile… », a expliqué le président du parti « Yelema » qui n’a pas manqué de tirer sur la sonnette d’alarme : « Ensuite, selon les termes d’un Accord subsidiaire qui aurait été conclu entre le Gouvernement et les groupes armés, et qui circule sur internet, les pouvoirs donnés aux Autorités intérimaires sont copiés sur ceux à transférer aux futurs exécutifs territoriaux. Cela n’est pas justifiable. Une transition est exceptionnelle, toujours de courte durée et avec un contenu léger. Ces pouvoirs accrus constituent un réel danger auquel il faut prendre garde. Il est probable que des conflits surviennent entre les responsables de ces autorités, intronisés « chefs de l’exécutif local » avec les représentants de l’État. Des tensions peuvent être créées ou entretenues pour maintenir un climat qui ne sera pas propice aux élections… ».
Enfin, la décision de la Cour Constitutionnelle du Mali sur la loi portant code des collectivités territoriales, est très attendue. Et ce, pour le faite que l’opposition parlementaire a fortement contesté cette loi et même boudé la salle lors de son vote. Une certaine société civile a aussi émis des réserves sur les « germes de la division » que porte ladite loi.
Par ailleurs, plus d’un mois après le vote de la loi, les regards sont tous presque tournés vers le juge constitutionnel, qui apparemment, aurait mesuré la gravité de la situation et les conséquences de cette loi.
Idrissa Maïga