Le Mali est bel et bien dans l’impasse. Les autorités maliennes se sont finalement retrouvées entre l’enclume de sa jeunesse, celle en particulier de Gao, et le marteau des groupes armés, qui ne réfléchissent en rien, en dehors de la mise en œuvre de l’accord de paix, issu du processus d’Alger. Sauf que cet accord a prévu la mise en place d’autorités intérimaires dans les régions du nord. Donc un piège ourdi par l’Algérie pour faire flancher le Mali.
Les évènements malheureux de Gao, la semaine dernière, ne sont probablement que la face cachée de l’iceberg. Les populations veulent, certes la paix, mais pas au prix de l’humiliation. C’est ce que, les jeunes de Gao ont tenté de faire comprendre aux autorités maliennes, dont les forces de l’ordre n’ont pas hésité à réprimer dans le sang les jeunes qui n’ont fait que réclamer dans une marche pacifique ce que d’autres ont exigé par les armes.
Les jeunes patrouilleurs de Gao ont lancé cette manifestation pour dénoncer ce qu’ils appellent une « injustice », notamment la désignation des autorités intérimaires par la CMA, la Plateforme et le gouvernement. La réalité, ce qu’ils contestent, c’est le pouvoir de désignation octroyé à la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) dont ils ont toujours combattu les idées et la méthode.
Sinon, le débat sur les autorités intérimaires a été clos par l’adoption de la loi N°2016-013/du 10 mai 2016, portant code des collectivités territoriales et son décret d’application (N°2016-0332/P-RM du 18 mai 2016). Ces textes seraient conformes à la constitution du Mali.
Mais en ce qui concerne le document d’entente entre le gouvernement, la Plateforme et la CMA, on ne peut en dire autant. Car il précise que, le choix des autorités intérimaires est imputé aux groupes armés affiliés à la CMA et à la Plateforme. Alors que pour le cas de Gao, tout le monde le sait, il y a des jeunes qui se sont dressés, au plus fort de l’occupation, contre les djihadistes. Et après, ils ont résisté à toutes les tentatives d’appropriation de leur localités par des soi-disant groupes armés de la rébellion. Ils ont monté la sentinelle pour empêcher une nouvelle occupation de leur ville. Ces jeunes furent d’ailleurs des soutiens de l’armée nationale dans sa lutte contre les terroristes et les mouvements armés.
En référence au rôle qu’ils jouent à Gao, ils se sont fait appeler « les jeunes patrouilleurs ». Leur courage et leur détermination furent salués à Bamako, sur l’ensemble du territoire, et au-delà de nos frontières. Alors, il est incompréhensible qu’ils soient pris pour cible par les forces armées maliennes. Ce n’est pas un hasard si les patrouilleurs de Gao sont soutenus dans leur mouvement par la diaspora dont des représentants ont participé à la manifestation réprimée à Gao.
Aussi, les jeunes de Gao avaient d’autres revendications légitimes, notamment la création des conditions de leur cantonnement au même titre que les groupes armés ; et les conditions de leur réinsertion socio-économique.
Mais tout cela ne serait arrivé si l’Algérie, à qui le Mali a eu pleinement confiance, avait assumé ses responsabilités comme elle l’avait fait avec les groupes islamiques qui avaient semé la terreur chez elle pendant les années 90. Au lieu d’aider un pays ami (le Mali), l’Algérie l’a tout simplement piégé. Car l’option d’autorité intérimaire est un piège qui pourrait déclencher de nouvelles hostilités dans notre pays. La réaction des jeunes de Gao est une illustration parfaite de ce que pensent plusieurs jeunes du septentrion. Qui, peut être, n’avaient pas les moyens de s’exprimer ou ne disposant pas du courage dont les jeunes de Gao ont fait montre.
Même si l’option « Autorité intérimaire » permet de partager le pouvoir entre le gouvernement et les groupes armés, elle porte en elle les germes de la scission. Parce que non seulement tous les maliens ne sont pas impliqués dans le processus, mais aussi qu’il est difficile de faire comprendre à une victime que son bonheur se trouve dans les mains de son bourreau.
C’est la situation que vivent les jeunes du nord et ceux, en particulier de Gao. Et tout cela, à cause de l’Algérie qui a choisi plutôt de renforcer des groupes armés au service de ses généraux que d’accompagner le Mali à recouvrir son territoire. D’ailleurs, ne dit-on pas que le malheur de certains, fait le bonheur d’autres. L’Algérie ne tire-t-elle pas profit de la crise malienne ? De toute évidence, de forts soupçons pèsent sur ce voisin encombrant qui ne tolère pas qu’un autre pays se hasarde à apporter un soutien au Mali dans le règlement définitif de la crise sécuritaire du nord. On a vu comment le Burkina Faso et la CEDEAO ont été écartés systématiquement des négociations avec les groupes armés.
Et pourtant cette médiation avait commencé à porter des fruits. Grâce à l’accord de Ouagadougou, les élections législatives et présidentielles se sont tenues à Kidal en 2013. Une année après la signature de l’Accord de paix issu du processus d’Alger, le Mali n’a toujours pas le contrôle d’un mètre carré de la ville de Kidal.
Comparaison n’est pas raison. Mais certains observateurs ne se privent pas d’opposer aussi cette crise du nord à celle du Polisario. Là également, c’est l’Algérie qui tire les ficelles. Et plus de quarante ans après, c’est toujours le statuquo. Le Maroc peine à recouvrir son territoire. Que Dieu fasse que notre pays ne s’engouffre dans le piège algérien.
Idrissa Maïga
Source: Le Repère