Le président est-il mort ou pas ? La fausse alerte s’est vite répandue comme une trainée de poudre et a empli le pays tout entier avant d’être démentie par la présence physique d’IBK accueilli comme d’habitude à l’aéroport de Sénou par les corps constitués. Au grand complet ou presque. Car, à l’appel, il manquait une personnalité à laquelle d’autres rumeurs tout aussi incendiaires attribuaient l’origine de l’alerte nouvelle, en occurrence le ministre du Développement rural, Bocari Tréta.
Y avait-il derrière l’histoire une autre intention de nuire et d’en rajouter à la mauvaise nouvelle divulguée par le secrétaire général du Rpm tellement éprouvé par la nébuleuse des engrais frelatés ?
En tout cas, l’opinion n’a pas encore fini de s’interroger sur cette autre affaire d’Etat, qui n’a sans doute pas bénéficié de l’intérêt et du traitement qu’elle mérite. On présumait que le chef de l’Etat relativement fragile en quittant le pays pour se rendre en Turquie pour un séjour entouré de mystère (sans le moindre élément médiatique). De là à le donner pour mort tient visiblement d’une plaisanterie voire d’une affabulation de très mauvais goût. Si bien que le locataire de Koulouba, à défaut de le dénoncer ouvertement, n’a pu s’empêcher de l’évoquer par des allusions assez déchiffrables sur la déloyauté de son proche entourage.
Quoique l’information ait été démentie de soi, il n’en est pas moins vrai que l’épisode rappelle une réalité que nous refusons vertement de regarder en face, soit par sournoiserie, pudibonderie ou irrationalisme : un président de la République est un citoyen au-dessus des autres mais un mortel peu différent des autres.
La plupart de ceux qui feignent ignorer cette évidence comptent d’ailleurs au nombre de ceux qui ont discrètement intégré la donne en anticipant sur les conséquences d’une éventuelle disparition et probablement même exploré les calculs et possibles schémas de substitution. Pour preuve, à la représentation nationale, par exemple, les combinaisons et levée de boucliers ont été aussitôt déclenchés par les composantes acquises ou hostiles à l’actuel président de l’Assemblée nationale comme alternative digne de la suppléance.
Quelles sont, en tout état de cause, les tenants et aboutissants d’une mort subite –non pas de la personne d’IBK- mais d’un président de la République du Mali ? Bien plus que les polémiques et commérages tragiques, cette préoccupation a taraudé les esprits les moins malveillants pour autant que la stabilité, le destin et l’existence de l’Etat malien en sont tributaires. Et pour cause : une telle malheureuse circonstance implique à tout le moins une vacance de poste au plus haut sommet de la République et comporte de redoutables risques et incertitudes dans un contexte d’ébullition régalienne.
À défaut d’être fondée, en définitive, la fausse alerte sur la mort du président recèle à l’avantage d’avoir fait vivre la réalité d’un scénario fictif sans tenir du seul imaginaire : celui qu’une possible équation successorale puisse se poser à tout moment au mécanisme institutionnel en vigueur. Qu’adviendrait-il, en clair, si une telle éventualité se présentait ? De prime abord, l’écheveau devrait trouver sa solution dans les dispositions constitutionnelles qui en déterminent le dénouement par l’installation d’une autre autorité légitime, notamment le président de l’Assemblée nationale, dans les fonctions de chef de l’Etat. Le hi, c’est que les dispositions en question comportent en même temps des contraintes intenables quant aux modalités temporelles de transmission du pouvoir à l’autorité régulièrement élue, soit une quarantaine de jours francs à compter du constat de la vacance de poste. La difficulté ou l’impossibilité à l’observer est du reste un vécu douloureusement ressenti pendant la transition pour avoir inspiré à certains protagonistes de la scène politique malienne une intransigeance, des attitudes et schémas plus enclins à l’enlisement qu’au dénouement. Et, ce n’est pas la magnanimité de la bienveillante Communauté internationale qui a pu empêcher par ailleurs les envahisseurs rebelles et djihadistes de tirer parti du vide régalien longtemps entretenu par les querelles ’’pouvoiristes’’ pour asseoir leur influence sur des pans entiers du territoire national.
L’avènement d’un ‘’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali’’ est-il le gage qu’un scénario similaire ne produira pas la même tentation à la déstabilisation ? Rien n’est moins sûr. Il est en revanche évident que contre les velléités politiques comme irrédentistes aucun garde-fou contre d’éventuelles dérives n’est aussi rassurant qu’un déverrouillage constitutionnel, une adaptation des textes fondamentaux en vigueur aux besoins de discontinuité du pouvoir d’Etat.
La révision constitutionnelle naguère envisagée doit ainsi passer du statut de simple projet pour se hisser au rang d’urgence étatique pour vrai que la survie des nations est au-dessus de celle de leurs dirigeants.
source : Le Témoin