La France redoutant l’escalade de la violence au Niger, où un coup d’Etat militaire a renverser le président légal, a décidé d’évacuer les quelque 500 à 600 ressortissants français présents dans la capitale, Niamey. Le Mali et le Burkina Faso, dirigés par des militaires, ont averti qu’ils soutiendraient la junte en cas d’intervention de l’armée française, une opération démentie par le quai d’Orsay.
Signe des tensions au Niger, où un coup d’Etat de l’armée a renversé le président Mohamed Bazoum, la France a commencé mardi à évacuer ses ressortissants au Niger. Paris qui soutient le président déchu prenait également acte de la mise en garde du Burkina Faso et du Mali, pays voisins également dirigés par des militaires, contre toute intervention armée visant à le rétablir dans ses fonctions.
« Face à la dégradation de la situation sécuritaire au Niger, et profitant du calme relatif dans Niamey, une opération d’évacuation par voie aérienne est en cours de préparation depuis Niamey », a écrit mardi l’ambassade de France aux Français du Niger, ce qu’a confirmé le ministère des Affaires étrangères à Paris. Cette évacuation « aura lieu très prochainement et sur un laps de temps très court », a souligné l’ambassade, précisant qu’elle fait l’objet « d’une coordination avec les forces nigériennes ». Quelques 500 à 600 ressortissants français sont actuellement présents au Niger, selon Paris.
La France, ex-puissance coloniale dans la région et soutien indéfectible du président Bazoum, apparaît comme la cible privilégiée des militaires qui l’ont renversé. Ils l’ont accusée lundi de vouloir « intervenir militairement », ce qu’a démenti la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna. « C’est faux », a-t-elle déclaré sur la chaîne BFMTV. « Il faut démonter les intox et ne pas tomber dans le panneau », a-t-elle également déclaré à propos des slogans anti-français qui ont notamment fleuri lors d’une manifestation devant l’ambassade de France à Niamey dimanche.
La France dans le viseur des putchistes
Des milliers de manifestants favorables au putsch militaire ont voulu entrer dans l’ambassade, avant d’être dispersés par des tirs de grenades lacrymogènes. Les putschistes nigériens ont affirmé que les tirs de gaz lacrymogène avaient fait « six blessés, pris en charge par les hôpitaux » de la capitale.
Le président français Emmanuel Macron avait menacé dimanche de répliquer « de manière immédiate et intraitable » à toute attaque contre les ressortissants de la France et ses intérêts au Niger. Lundi soir, Ouagadougou et Bamako ont affirmé que toute intervention militaire pour rétablir Mohamed Bazoum serait considérée « comme une déclaration de guerre » à leurs deux pays et « entraînerait un retrait du Burkina Faso et du Mali de la Cédéao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), ainsi que l’adoption de mesures de légitime défense en soutien aux forces armées et au peuple du Niger ».
Ils ont ajouté, dans un communiqué commun, qu’ils « refusent d’appliquer » les « sanctions illégales, illégitimes et inhumaines contre le peuple et les autorités nigériennes » décidées par la Cédéao à Abuja.
Ultimatum d’une semaine adressée à la junte
Cette mise en garde survient au lendemain de la menace d’usage de « la force » proférée par les dirigeants ouest-africains, soutenus par leurs partenaires occidentaux, dont la France. Dimanche, les dirigeant de la Cédéao réunis à Abuja ont fixé un ultimatum d’une semaine à la junte militaire au Niger pour un « retour complet à l’ordre constitutionnel », affirmant ne pas exclure un « recours à la force » si ce n’était pas le cas. Ils ont également décidé de « suspendre toutes les transactions commerciales et financières » entre ses Etats membres et le Niger, et de geler les avoirs des responsables militaires impliqués dans le coup d’Etat.
Les pressions pour pousser les auteurs du coup d’Etat du 26 juillet à rétablir rapidement « l’ordre constitutionnel » s’accumulent, venant de l’ensemble des partenaires occidentaux et africains du Niger, pays jugé essentiel dans la lutte contre les groupes jihadistes qui ravagent certaines parties des pays du Sahel depuis des années. La France et les Etats-Unis, notamment, y déploient respectivement 1.500 et 1.100 soldats qui participent à la lutte anti-jihadiste.
Le dirigeant tchadien Mahamat Idriss Déby Itno, dont le pays n’est pas membre de la Cédéao mais qui a participé à la réunion au Nigeria de l’organisation ouest-africaine, s’est ensuite rendu à Niamey où il s’est entretenu avec Mohamed Bazoum, retenu depuis le 26 juillet dans sa résidence présidentielle, et avec le général Abdourahamane Tiani, le chef de la junte.
Moscou appelle au retour à la légalité
L’Union européenne (UE) a prévenu qu’elle tiendrait les putschistes responsables « de toute attaque à l’encontre de civils, et de personnel ou installation diplomatiques » et « appuiera rapidement et résolument » les décisions de la Cédéao. L’Allemagne et l’Espagne ont annoncé suspendre leur aide au Niger.
La Russie, de son côté, dont le drapeau a été agité par des manifestants pro-junte à Niamey, a appelé « à un rétablissement au plus vite de la légalité dans le pays » et « à la retenue ». Le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, au pouvoir), a dénoncé lundi les « arrestations abusives » de quatre ministres et du chef du parti.
Le Niger est l’un des pays les plus pauvres du monde, en dépit de ses ressources en uranium. Miné par les attaques de groupes liés à l’Etat islamique et à Al-Qaïda, il est le troisième pays de la région à subir un coup d’Etat depuis 2020 après le Mali et le Burkina Faso.