Dans le morceau Kamelemba de son nouvel album, Mogoya, Oumou Sangaré s’en prend à la “fourberie” des play-boys.
Huit ans après Seya, Oumou Sangaré est retourné, en juin dernier, avec un nouvel album, Mogoya (les relations humaines, en langue bamanan), désormais sur toutes les radios de Bamako et ailleurs. Dans l’album, la chanson Kamelemba, qui veut dire « coureurs de jupons, play-boy, beau parleur », continue de rythmer les conversations, notamment à Bamako.
Le clip de la chanson, tourné à Johannesbourg, a essuyé des critiques de certains fans, lui reprochant notamment l’antinomie entre les danseuses et le sens, la dimension africaine du morceau. Car les paroles de la chanson sont une leçon utile aux jeunes filles. La diva du Wassoulou, comme on l’appelle parfois, met ces dernières en garde contre la fourberie, les belles paroles des coureurs de jupons, qui leur donnent de faux espoirs (de mariage), les font tourner avant de les décevoir. Il s’agit d’une chanson qui parle des revers de l’amour.
Pourtant, « elle ne dit rien de nouveau dans cette chanson», lance Fanta Sidibé, vieille quinquagénaire originaire du Wassoulou, en faisant allusion à la chanson Dugu Kamelemba (les coureurs de jupons de la ville) de l’album Ko Sira d’Oumou Sangaré, sorti en 1993. Dans cet ancien morceau, la lauréate du Grammy Award (2011) attaque les beaux parleurs qu’elle accuse de tromper les femmes, de les délaisser après quelques années de mariage pour convoler en secondes noces. Mais, le même reproche est fait aux femmes. C’est ce qui fait la différence, selon Kadidia, étudiante en communication et journalisme, qui dit «kiffer», Kamelemba: « ça parle plus à nous les jeunes filles et me paraît plus moderne. Aujourd’hui, il y a énormément de déception amoureuse.»
L’amour est un thème très prégnant dans les chansons d’Oumou Sangaré. On se souvient du tube Diarby Nènè (le frisson de l’amour), qui, dans les années 1990, a choqué une opinion très conservatrice à cause du caractère érotique des paroles : elle y décrit comment caresser les bras, les jambes et le ventre de son amant, brisant du coup le tabou du désir sexuel. Mais, il reste que ce morceau a beaucoup contribué à l’installer dans le ghota de la musique malienne voire africaine.
Dans Kamelemba, les paroles sont en bambara, la langue dominante au Mali, surtout au Wassoulou, région historique dans le sud. Au Mali, le succès d’Oumou Sangaré repose en partie sur le sens de ses textes. « Arrête de me mentir, playboy/ Ils (les play-boys) te mentent/ Ils te font tourner, espérer/ Ils te trompent… », chante-t-elle.
Déception amoureuse
Les relations amoureuses, faites de mensonge, de tromperie, finissent souvent dans la déception. A l’image de celle qu’a connue Anna, qui en est sortie brisée. Kamelemba réveille en elle des souvenirs douloureux. Il y a un an, à Banconi, quartier populaire de Bamako, elle est tombée amoureuse d’un pharmacien, travaillant dans la même pharmacie où elle était rayonniste. « Il était très charmant comme homme, grand, de teint noir, le regard charmeur : c’était mon Apollon », raconte-t-elle, la voix chargée de tristesse.
Pourtant, le bruit courait que « c’est un coureur de jupon », mais il l’avait rassurée que « c’était avant ». Elle a découvert par la suite qu’il avait une relation. « Il me disait que je serais la mère de ses enfants, mais c’était juste pour s’amuser, dit-elle. Je voulais qu’il m’épouse, puis un jour j’ai appris qu’il allait se marier. Mais il a démenti en m’expliquant que sa famille veut lui donner une cousine qu’il n’aime pas. J’étais déprimée, je voulais arrêter. Mais un soir, derrière la pharmacie il m’a volé un baiser. On s’est remis ensemble. » Deux semaines plus tard, elle a vu sur Facebook les photos de mariage de celui qu’elle aimait.
« Il m’a trahie, c’est de cela qu’Oumou Sangaré parle et les filles gagneront beaucoup à l’écouter », conseille aujourd’hui celle qui a décidé de ne plus parler, ni sortir avec un homme. Plus question de « trainer avec un homme », comme l’a chanté Oumou Sangaré en 2003, dans Yala, un véritable tube de discothèque dans lequel elle met en garde les jeunes filles contre le fait « de trainer avec les hommes dans la rue », au risque d’être des « voleuses », « des filles de mœurs légères ».
La chanson Kamelemba prend fin sur une note jugée « critique » dans laquelle beaucoup, notamment au Mali, vont se retrouver : « Avant de traiter la fille d’autrui de prostituée, occupe-toi de savoir ce que deviendra la tienne / Il ne faut pas traiter d’alcoolique l’enfant d’autrui, tu ne sais pas ce que deviendra le tien ».
Pour B. Camara, malien vivant à Paris et admirateur de l’artiste, elle dit vrai car « dans notre société malienne, les gens ont pris le pli d’épiloguer sans fin sur les travers des autres, tout en étant incapables de regarder leurs propres défauts. Au lieu de balayer devant sa maison, on préfère balayer devant celle des autre ».
Autrement dit, l’homme, « c’est un être faible et tendre pour lui-même et dur et féroce pour les autres. », pour reprendre Wangrin dans le roman L’Etrange destin de Wangrin du grand écrivain malien Amadou Hampaté Bâ.
Source: Autre presse