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Au Mali, militaires, politiques et membres de la société civile cherchent une voie pour le pays

Durée de la transition dirigée par un civil ou un gradé, rétablissement de l’Assemblée nationale… Quinze jours après le putsch, de nombreuses interrogations demeurent.

 

Deux semaines après le coup d’Etat, le Mali se cherche un chemin. Dans les cercles politiques comme dans la rue, les spéculations sur l’identité de celui qui présidera la transition vont bon train, pendant que les discussions se nouent dans l’ombre.

Pour l’heure, afin de combler le vide, des militaires, inconnus du public il y a encore quelques jours, ont pris les rênes du pays, en attendant une solution discutée avec les partis politiques classiques et le Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), cette coalition citoyenne qui a emmené la contestation populaire depuis début juin.

Choguel Maïga, membre du comité stratégique du M5-RFP, estimait d’ailleurs, à la sortie d’une rencontre avec les militaires en fin de semaine dernière, que le Comité national pour le salut du peuple (CNSP), organe militaire qui a pris le pouvoir après la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta (« IBK ») le mardi 18 août, et le Mouvement du 5 juin « sont les deux acteurs clés de la transition pour la mise sur pied d’un nouveau Mali ».

Pourtant, avant même de s’entretenir officiellement avec les leaders du M5-RFP, c’est vers les partis de la majorité que les membres du CNSP se sont tournés deux jours après la chute du pouvoir. Puis, samedi matin, le mécontentement est encore monté d’un cran quand le Mouvement du 5 juin a vu qu’il n’était pas invité à une première réunion où la junte avait convié les partis paris politiques. Pour éviter un couac, cette rencontre a même été ajournée à la dernière minute, les colonels prétextant des problèmes organisationnels.

Un « bourbier juridico-politique »

Pour l’heure donc, la junte en reste à des consultations bilatérales discrètes. L’une a bien sûr eu lieu avec Barber Gano, le secrétaire général du Rassemblement pour le Mali (RPM), parti fondé en 2001 par le président déchu « IBK », et le reste des partis traditionnels. Durant ce rendez-vous, Barber Gano aurait d’abord « condamné le coup d’Etat et demandé le retour à l’ordre constitutionnel », précise-t-il, avant d’avancer « la réflexion autour d’une feuille de route pour la transition », poursuit cet ancien ministre de l’intégration africaine. Mais là, « nous leur avons répondu que c’est à eux de montrer leur vision pour le Mali et, selon cette vision, nous apporterons notre contribution ».

Bien que pour le moment silencieuse, l’ancienne majorité a aussi son avis sur la marche à suivre. Selon Barber Gano, il est nécessaire de rétablir l’Assemblée nationale, dont la dissolution, prononcée par « IBK » à l’instant de sa démission, a été inscrite au Journal officiel. Un « bourbier juridico-politique dont la junte doit se sortir avec l’aide de la Cour constitutionnelle » afin de faire les réformes nécessaires avant de procéder à des élections légitimes, explique l’homme au Monde Afrique.

Ce Mali nouveau pourrait alors se construire sur la base des 118 recommandations émises lors du Dialogue national inclusif. Censée aboutir à des réformes institutionnelles et constitutionnelles, cette large consultation citoyenne à laquelle l’opposition n’avait pas participé s’était clôturée en décembre 2019 sur cette longue liste de changements nécessaires.

Une transition d’un an à dix-huit mois ?

Mais si c’est le chemin choisi, « l’Assemblée doit demeurer pendant la transition », appuie Brahima Dianessy, député du Mouvement pour le Mali (MPM), un parti proche de l’ancienne majorité présidentielle, qui souhaite une transition d’un an à dix-huit mois.

D’ailleurs, sur la durée de cette période, chacun y va de sa proposition ces derniers jours. « Seize mois », avance l’ancien premier ministre d’« IBK » Moussa Mara, lors desquels « la société civile doit être mise en avant pour que de nouveaux acteurs émergent », explique-t-il. Face à l’échec des partis traditionnels à gouverner, il invite ses leaders à se mettre en retrait et appelle à la mise en place d’un Conseil national de la transition, un organe ad hoc et hétéroclite dont la mission serait de légiférer tout au long de la période.

Un cadre que refuse Housseini Guindo, créateur du parti Convergence pour le développement du Mali (Codem) et ancien membre du RPM. Pour l’ancien ministre de l’environnement, de l’assainissement et du développement durable, le changement doit intervenir au lendemain des élections présidentielle et législatives et « ce sera au candidat élu de faire ses réformes sur la base de son programme ».

Les partis traditionnels dans l’ombre

Et il faut aller vite à ses yeux. Pour lui comme pour d’autres, « on ne peut pas se permettre que l’élite militaire du pays, dont font partie les putschistes, restent à Bamako lorsque l’on connaît la situation du pays ». Depuis le coup d’Etat, en effet, sept soldats maliens ont déjà perdu la vie dans des attaques terroristes au centre du pays.

Alors qu’ils vont entamer leur troisième semaine à la tête du pays, les membres du CNSP devront donc tirer la synthèse la plus consensuelle de ces rencontres, en n’oubliant pas d’y mêler les recommandations de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui a souhaité que la transition ne dure pas plus de douze mois et qu’un civil soit à la manœuvre.

Difficile sans doute de satisfaire des approches différentes, mais si les partis traditionnels restent pour l’heure dans l’ombre, ils se disent plutôt confiants sur leur avenir dans un paysage politique où les cartes sont en train d’être rabattues.

Hétérogénéité du M5-RFP

Bien que composé de politiciens chevronnés, de religieux influents et de membres reconnus de la société civile, le M5-RFP, né de la contestation de la rue ces derniers mois, reste, lui, une structure plus atypique dans le monde politique malien. Avec une proposition de transition de 18 à 24 mois dirigée par ses leaders, elle devra donc à la fois porter un message unique, gagner une place sur l’échiquier politique du pays et se faire entendre de la junte, ce qui pourrait ne pas être simple compte tenu des sensibilités très différentes qui la composent.

« En raison de cette hétérogénéité, on peut se demander jusqu’à quand il va tenir », relève d’ailleurs Amadou Cissé, membre du bureau exécutif de l’Union pour la République et la démocratie (URD), principal parti d’opposition au pouvoir déchu. « Il va falloir qu’il se mette à jouer selon les règles du jeu et qu’ils aillent se battre sur le terrain politique », prévient Barber Gano, confiant que le RPM retrouvera sa place de choix une fois la transition stabilisée.

La bataille politique n’est donc pas encore jouée. Tout reste possible, y compris l’émergence de nouveaux acteurs. D’ailleurs, Housseini Guindo, le président du parti Codem, l’annonce : « Nous sommes en train de créer une nouvelle force avant-gardiste pour rester sur les rails, Nouvelle Espérance, qui rassemblera des cadres de différents partis de l’opposition et de la majorité. »

Le Monde

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