Il y a quelques décennies, la lutte contre la corruption donnait de meilleurs résultats, contrairement à aujourd’hui. Peut-être le passé pourrait-il être source d’inspiration pour nos gouvernants.
Les années 60 : l’époque où le Malien incarnait ce qu’on pourrait appeler « un parangon de vertu », pour reprendre Marcel Proust. Voler était alors une source de honte, d’humiliation publique pour toute la famille, pour tout le village. « Il signifiait aussi bien aller prendre l’œuf de la poule du voisin tout comme retirer 100 Francs des caisses de l’État », ajoute Moumouni Guindo, président de l’Office centrale de lutte contre l’enrichissement illicite.
Au lendemain des indépendances, le jeune État du Mali n’a pas tardé à prendre des initiatives assez strictes pour améliorer la gouvernance publique en la débarrassant du manteau corrodant de la corruption.
Opérations Taxi et Commando
Les anciens parleront, par exemple, de l’opération Taxi en 1967, suivie de l’opération Commando, qui ont été menées dans la ville de Bamako où des informations indiquaient que certains fonctionnaires avaient acheté des taxis qu’ils faisaient circuler afin d’avoir des revenus additionnels, en plus du salaire. Ce qui était une atteinte à l’orthodoxie morale du régime qui était en place. Cette opération a permis de mettre la main sur les véhicules appartenant à des fonctionnaires de l’État. Monsieur Mahamadou Diallo, fonctionnaire à la retraite, s’en souvient encore comme si c’était hier : « Une opération rude, qui a permis de mettre la main sur beaucoup de taxis appartenant à des fonctionnaires.»
Toujours en 1967, une des plus emblématiques des structures de contrôle, du nom du Contrôle général d’État, avait été mise en place. Elle regroupait toutes les structures nationales chargées d’améliorer la gouvernance à travers le contrôle de l’action publique.
Mais l’année 1974 restera une époque inoubliable pour les juristes maliens en termes de création de typologie d’infractions. C’est à cette époque que le Comité militaire de libération national (CMLN), pour exprimer son rejet de la mauvaise gouvernance, a pris un texte pour instituer une infraction qui est typique au Mali et qui s’appelle : atteinte aux biens publics. Elle était punie d’une peine de mort à partir du détournement d’une somme de 20 millions de Francs maliens, c’est-à-dire 10 millions de FCFA aujourd’hui.
Cette sanction était exemplaire, car la volonté de réduire au maximum la corruption était tellement forte qu’il fallait sortir des sentiers battus et mettre en place un système juridique complètement innovateur. « Tous ceux qui, par vol, soustraction frauduleuse, détournement, escroquerie, faux et usage de faux ainsi que toute autre forme d’atteinte à l’économie, auraient nui à l’économie nationale, étaient à poursuivre pour atteinte aux biens publiques », poursuit Mahamadou Diallo.
En 1978, pour encore marqué le coup, la Cour spéciale de sûreté de l’État, qui était une juridiction martiale, c’est-à-dire avec des militaires et des juristes civiles, a reçu compétence pour juger les affaires d’atteintes aux biens publics, bien que la compétence d’origine de la Cour soit la connaissance d’infractions d’atteinte à la sûreté intérieure, c’est-à-dire le putsch, les coups d’État. Juste pour montrer l’importance que l’État avait accordée à la lutte contre la corruption que l’on trouvait, à l’époque, aussi grave qu’un coup d’État.
Loi sur la répression de l’enrichissement illicite
En 1982, sont nées des lois, notamment celle sur la répression de l’enrichissement illicite et la loi relative à la lutte contre la corruption. L’ancêtre de l’Office centrale de lutte contre l’enrichissement illicite s’appelait la Commission de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite, devant laquelle des fonctionnaires avaient été convoqués pour justifier, qui un véhicule, qui une maison.
La corruption compromet l’avenir de plusieurs générations. Elle dégrade notre qualité de vie et fait en sorte que, dans le concert des nations, nous sommes en retard face à des pays qui n’ont pas forcément plus de ressources naturelles et financières que nous. La corruption, en s’attaquant à la ressource humaine, dégrade la qualité du capital social, notamment dans le système éducatif. La pauvreté en est la conséquence la plus triste. Je trouve ces stratégies du passé assez intéressantes et je pense que le pouvoir doit s’en inspirer.
Source : Benbere