A Bamako, les téléphones sonnent désormais dans le vide. Parfois, un courageux décroche : «Pardon, mais je ne peux vraiment pas vous parler, c’est trop risqué», bredouille l’opposant, le chercheur ou le diplomate, avant de raccrocher. Depuis octobre, le Mali est aux prises avec une discrète mais dévastatrice campagne de contrôle de la parole publique, qui va parfois jusqu’à des arrestations. Le tintement des menottes est souvent accompagné, sur les réseaux sociaux, de vidéos diffamatoires aux étranges voix de synthèse. Déguisées en bulletin d’information dévoilant «des vérités cachées», ces opérations de propagande accusent tel politicien d’être «payé par la France», tel professeur «d’enceinter ses étudiantes»… Les auteurs des vidéos sont anonymes, mais l’effet est calculé : nuire à la réputation des personnes ciblées, et surtout dissuader quiconque de s’opposer à la bonne marche de la transition malienne.
La surveillance et les mesures contraignantes se multiplient, elles aussi. Dans les chancelleries européennes de Bamako, des circulaires des autorités maliennes exigent depuis janvier une nouvelle comptabilisation du personnel diplomatique et de ses véhicules. Les accréditions des journalistes et correspondants étrangers sont «provisoirement suspendues»,…