Les assassins de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon sont toujours en fuite, mais un homme est désormais officiellement mis en cause par la justice française et fait l’objet « d’intenses recherches ». Mercredi 13 novembre, le procureur de la République de Paris, François Molins, a confirmé que Baye ag-Bakabo, dont le nom avait déjà été cité par des sources locales, fait figure de principal suspect dans le meurtre des deux envoyés spéciaux de RFI, enlevés puis tués dans le nord du Mali.
Selon François Molins, ce Touareg, lié à Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) par la katiba Al-Ansar d’Abdelkrim Al-Targui, était connu à Kidal, la ville où s’est produit le rapt, comme « trafiquant de stupéfiants » – d’autres sources le présentent avant tout comme un voleur de voitures, ce qui n’est pas incompatible.
Baye ag-Bakabo faisait-il partie du commando de quatre hommes qui a surgi le 2 novembre devant le domicile d’Ambeiry ag-Rhissa, un dignitaire du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) ? Sans être formel, le procureur considère que c’est « l’hypothèse privilégiée » après les investigations menées pendant une semaine par une équipe de sept policiers français, dépêchée à Kidal par le parquet antiterroriste.
DEUX HYPOTHÈSES ÉVOQUÉES
En revanche, M. Molins assure que celui qui apparaît comme le planificateur de l’opération a été vu au volant du pick-up beige qui a servi au rapt de la journaliste et du technicien de reportage, puis achetant 140 litres d’essence la veille ou l’avant-veille de l’enlèvement.
Faute d’avoir pu arrêter un suspect, le véhicule a fait l’objet de toute l’attention des enquêteurs français et maliens. Des numéros de téléphone et une autorisation de circuler délivrée par le haut-commissariat de la région au nom de Baye ag-Bakabo ont été retrouvés à l’intérieur. Concernant l’état du pick-up, le procureur a confirmé que celui-ci a été abandonné par les ravisseurs à une douzaine de kilomètres à l’est de Kidal, sur la route de Tin-Essako, en raison d’avaries mécaniques.
« Après avoir été redémarré, le véhicule ne pouvait pas rouler plus de 800 m en raison d’une surchauffe du bloc-moteur », a précisé le magistrat. Cette panne apparaît aujourd’hui comme l’élément déclencheur de l’assassinat des deux employés de RFI dont les corps, criblés de trois balles pour Ghislaine Dupont et de sept pour Claude Verlon, ont été retrouvés par l’armée française à une quarantaine de mètres de la voiture plus d’une heure et demie après leur enlèvement.
Sans se prononcer sur les raisons de ce double meurtre, le procureur évoque deux hypothèses : soit les ravisseurs ont exécuté les deux captifs pour ne pas ralentir leur fuite, soit les deux otages ont été tués après avoir tenté de s’échapper dans la confusion provoquée par la panne du véhicule.
AMATEURISME DES RAVISSEURS
Selon plusieurs sources qui ont participé à des libérations d’otages dans la région, la tournure dramatique des événements démontre l’amateurisme des ravisseurs. « La revendication de l’assassinat par la katiba d’Abdelkrim Al-Targui m’apparaît comme de la pure récupération pour donner un contour politique à un enlèvement qui a mal tourné », avance l’une d’entre elles. « La région pullule de sous-traitants d’AQMI et le tapage autour de la rançon versée pour les quatre ex-otages français a dû attiser les convoitises. Ils ont vu deux Français et se sont dit : pourquoi pas nous ? », estime une autre.
Une source occidentale bien renseignée avance une autre piste pour justifier le rapt des deux envoyés spéciaux de RFI. Selon elle, lorsque les militaires français et tchadiens ont cerné la région où se trouvait la katiba Al-Ansar, Baye ag-Bakabo a fait défection entre mai et juin en emportant des fonds de l’unité. Arrivé à Kidal, il s’est alors placé sous la protection du MNLA puis, lorsqu’il a été informé de la présence des représentants de RFI, il a contacté Abdelkrim Al-Targui pour racheter sa dette contre la livraison de deux nouveaux otages.
Une question demeure : après leur retour à Kidal, Baye ag-Bakabo et d’autres membres du commando ont-ils été interrogés puis relâchés par les services de renseignement français, comme l’avait annoncé Le Monde ? M. Molins reste sur la réserve : « Pas à ma connaissance. »
Source : le monde