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Au-delà de l’affaire Mohamed Youssouf Bathily, des signes révélateurs d’un régime en perte de légitimité ?

Le Mali traverse depuis un moment, une période assez tumultueuse de son histoire politique contemporaine. Des menaces terroristes aux revendications identitaires avec ses velléités séparatistes, passant par une crise politique sans précédente qui mettent en cause l’existence même du Mali en tant qu’Etat unitaire, Démocratique et laïc. Le dénominateur commun de toutes ces crises, est sans doute la mauvaise gouvernance.

Mohamed Youssouf Bathily Ras Bath conference

Il est évident que dans tous les régimes démocratiques, il existe deux sortes de légitimités : la légitimité pasr les inputs et la légitimité par les outputs. La légitimité par les inputs est celle qui est acquise à travers les urnes (le vote) et la légitimité par les outputs est celle acquise par les autorités à travers la satisfaction des demandes sociales. Les lignes qui suivent tentent de répondent à la question de savoir si le régime actuel peut se prévaloir de la légitimité par les outputs entendu par là, la satisfaction des aspirations les plus  légitimes des populations.

Le postulat de départ, est d’analyser l’affaire Mohamed Youssouf Bathily au-delà de toute considération ou de  toute posture  purement  positiviste ou dogmatico-doctrinale.

En effet, le lundi 15 août, nous avons appris l’arrestation d’un chroniqueur dénommé Mohamed Youssouf Bathilyqui animait une émission appelée « cartes sur table ». Le chroniqueur à travers ses émissions, critique avec vigueur les comportements de certaines autorités dans la gestion des affaires publiques. La dernière émission en date portait sur l’armée, des révélations ont été faites par le chroniqueur sur les attaques de Nampala qui ont fait 17 morts. Cette arrestation, a suscité beaucoup de manifestations au sein de la jeunesse malienne. L’idée ici, est moins de s’étendre sur les conditions d’arrestation de Mohamed Youssouf Bathily que d’analyser les vagues d’indignations occasionnées à cet effet.

 

De la  problématique du maintien de sécurité  lors des manifestations sociales

 

Il est particulièrement important de s’intéresser aux manifestations organisées devant le tribunal de la commune IV pour demander la libération de Mohamed Youssouf Bathily qui a malheureusement fait un mort, de nombreux blessés et des dégâts matériels importants. Une fois encore, les services de maintien de sécurité n’ont pas pu été à la hauteur des attentes. Des dispositions devaient être prises depuis l’appel de soutien lancé à la veille de ses évènements malheureux. Hélas ! L’intervention du Ministre en charge de la sécurité fut un véritable aveu d’impuissance quant il a mis l’accent sur le nombre important de manifestants. Tout porte à croire, que les agents de sécurité ne sont pas préparés à ce genre d’opération. Qu’adviendra-t-il si une autre manifestation du même genre se déroulait sur une autre partie du territoire nationale, les mêmes causes produiront-t-elles les mêmes effets ? Voilà autant de questions que les autorités en charge du maintien de la sécurité doivent se poser afin d’améliorer leur efficacité sur le terrain.

Ces manifestations, au-delà des slogans officiels de libération du chroniqueur, animateur de radio, s’assimilaient à une véritable forme de contestation sociale.

De la dérision comme forme de contestation du pouvoir politique

Il est important de prendre de la hauteur pour comprendre l’au-delà de l’affaire Mohamed Youssouf Bathily qui pose de véritables questions de légitimité du pouvoir politique. Pour ce faire, il sera de bon ton, de s’intéresser à l’infra-politique, concept bien développé par James C. Scott, l’un des continuateurs de Pierre Clastres, Foucault,Bourdieu, Lukes. Nous entendons par ce concept, un fait ou une situation banal, qui a priori laisse indifférent, mais en réalité chargé de symboles. L’infra-politique peut aussi se manifester par une critique dissimulée, sous-terraine, réservée aux initiés qui savent déchiffrer dans une attitude ou un geste autre chose que ce que leur simple apparence donne à voir. Le paradigme du « politique par le bas en Afrique noire » de Jean FrançoisBayartComi Toulabor et Achille MBEMBE nous enseigne d’aller du bas pour comprendre le haut. De s’intéresser plus à ce qui peut être considérer comme de l’infra-politique pour rendre compte du sommet de l’Etat. Ce changement de paradigme dans les analyses politiques a pour avantages de s’attarder un temps soit peu aux groupes socio-subordonnées, aux couches vulnérables enfin de mesurer leur rapport au politique.

En effet, pour revenir à l’affaire Mohamed Youssouf Bathily, un fait à priori banal à  attirer notre attention. Lors des manifestations organisées en soutien à la libération du chroniqueur Mohamed Youssouf Bathily, un groupe de jeune donnait des coups de main à un âne en criant « IBK FALI, IBK FALI ». Ce fait banal a une signification particulièrement importante eu égard à la représentation de l’âne dans l’imaginaire collectif des populations. Ce groupe de jeune comparait le Président de la République à un âne. Pour dire qu’il ne sert plus à rien, car dans notre société, comparé une personne à un âne, sous-entend tout simplement  que la personne ne vaut rien. Dès lors, il est évident qu’à travers la dérision, l’on peut véhiculer un message politique important. Cela relève presque de l’innovation politique et culturelle comme l’a s’y bien théorisé Jean François Bayart. Le choix de l’âne par les jeunes n’est pas fortuit. L’on peut déduire de cet acte, une forme de contestation, de déviance  du pouvoir politique.

Il est manifeste que le régime en place  déjà en difficulté, perd de plus en plus en légitimité entendue par là la « légitimité par les outputs », l’incapacité de réaliser les demandes sociales. Le pouvoir politique au lieu de réprimer à sang les manifestations et de bloquer les réseaux sociaux, gagnerait plus à communiquer, à écouter ce groupe de jeune qui de part son invention politique compare le Président de la République à un âne.

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