es douaniers maliens sont considérés comme les soldats de l’économie malienne car les recettes générées par elles (quote-part) dans l’économie malienne sont considérables. Comme illustration, Amadou Konaté (directeur des Recettes, de la Planification et des programmes de vérification des douanes maliennes) a fait parler les chiffres en faisant savoir qu’entre 2017 et 2019 (en 3 ans), l’apport des douanes au budget de l’Etat se chiffre à 1 639,8 milliards Fcfa (un taux de 49 %) répartis comme suit : pour l’année 2017, pour une recette budgétaire totale de 1357,6 milliards Fcfa, les douanes ont contribué pour 585 milliards Fcfa (soit un taux de contribution de 43 % à l’économie nationale) ; en 2018, pour 1190,5 milliards Fcfa de recettes fiscales globales, les douanes ont contribué pour 499,8 milliards Fcfa (soit 42 %). En 2019, sur les recettes globales de 1566,7 milliards Fcfa, les douanes ont contribué avec 555 milliards (35,4 %).
Pour 2020, les douanes prévoyaient une recette de 713,580 milliards Fcfa (39,6 %) sur une recette globale de 1800 milliards Fcfa. Mais cela a été contrarié par l’avènement de la Covid-19 et l’insécurité dans des régions douanières au Nord du pays. Il a laissé entendre qu’en temps normal, les douanes réalisaient une recette journalière moyenne de 4 milliards Fcfa. Avec l’aggravation de la pandémie, elles sont revenues à 2 milliards Fcfa par jour. Et aujourd’hui, les recettes oscillent entre 1 milliard et 1,5 milliards Fcfa par jour. En plus de ces recettes, les douanes maliennes mobilisent d’autres ressources annexes comme internes et externes. Pour faire face à ses besoins d’incitation économique, les douanes ont procédé à des réformes organisationnelles avec la création du Bureau spécial régime économique appelé “Bureau 801”, expressément créé pour booster les recettes douanières.
Sur le rôle des transitaires, Souleymane Baba Traoré (président de l’Association des transitaires du Mali) expliquera que le transitaire est un auxiliaire de commerce qui est un intermédiaire entre les importateurs et les douanes. Le transitaire est au début et à la fin des opérations douanières.
Modibo Mao Macalou : “L’économie malienne ne se porte pas bien”
A la question sur l’état de santé de l’économie malienne, Modibo Mao Macalou dira que l’économie malienne, tout comme celle mondiale, ne se portent pas bien. Il expliquera que les pays d’Afrique connaissent des difficultés économiques. Et le Mali, en tant que pays enclavé, n’est pas en reste. “Avant l’embargo de la Cédéao sur le Mali, il était attendu 5 % de taux de croissance cette année 2020. Avec l’embargo, le Mali frôle 0 % de croissance”, a-t-il dit. Sur l’impact et l’effet de l’embargo, Modibo Macalou répondra que le Mali, dépendant du commerce extérieur, vit une situation difficile, terrible.
“Depuis 1960, le Mali a toujours eu un budget national déficitaire, c’est-à-dire, le Mali a plus de charges que de recettes. Pour 2020, 90 % des recettes proviennent des services des douanes et des impôts. A cause de l’embargo et la pandémie Covid-19 ces deux services sont en difficulté. Le secteur informel qui constitue 60 à 90 % de l’économie malienne se porte très mal, les industries se portent très mal, le secteur cotonnier se porte mal car les trois recettes d’exportations sont l’or, le coton et les animaux vivants. Le Mali ne fait pas de transformation et importe beaucoup. Non seulement le budget du Mali est déficitaire, mais aussi il va y avoir des problèmes dans la chaîne d’approvisionnement mondial. A cause de l’embargo, le Mali ne pourra ni vendre ni acheter à l’extérieur … L’embargo a un impact énorme sur l’économie malienne”, a-t-il signalé.
Sur la même question, Amadou Konaté dira que les caisses de l’Etat sont presque vides. “Avant la crise sécuritaire, les prévisions des recettes douanières étaient fixées à 713, 580 milliards Fcfa. Cela était dans une hypothèse du taux de PIB à 5 %. Avec l’avènement de la pandémie de la Covid-19, il a été supposé que l’économie malienne va se retrouver avec un taux de PIB de 0,9. Ce qui était trop optimiste à l’époque. Les prévisions ont été réduites à de 713,580 milliards F CFA à 567 milliards Fcfa. Et au moment où les douanes étaient en train de s’organiser pour face à ce niveau de prévision, la crise sociopolitique, accompagnée de l’embargo de la Cédéao, est arrivée. Pour dire que les caisses sont presque vides, de janvier à juillet 2020, les douanes étaient à une moyenne mensuelle de 47,4 milliards Fcfa. Avec les effets de l’embargo, les recettes douanières sont tombées aujourd’hui à 40,4 milliards Fcfa. C’est pour dire que la crise est là et les douanes la vivent au quotidien “, a-t-il fait savoir.
Souleymane Baba Traoré : “L’embargo de la Cédéao frappe les transitaires en plein cœur”
Comment les transitaires vivent-ils la crise ? Souleymane Baba Traoré affirmera que les transitaires souffrent de l’embargo. “Les transitaires ne peuvent pas faire autrement. Ils traitent avec les douanes les marchandises qui arrivent aux frontières. Et s’il y a embargo et que ces marchandises ont des difficultés pour venir, il y va de soit que les transitaires ne pourront pas travailler car nous ne travaillons que sur les marchandises importées. Et qui dit embargo, dit difficulté d’importation. Tant qu’il n’y a pas de marchandises, les transitaires ne travaillent pas en plein temps. Les transitaires ont les mêmes difficultés et soucis que les douaniers.
Aujourd’hui, l’embargo de la Cédéao frappe les transitaires en plein cœur. Avant l’embargo et l’avènement de la pandémie, il y avait entre 250 et 500 camions par jour entre le Sénégal et le Mali car nous importons entre 69 et 70 % des besoins du pays par le port de Dakar. Avec l’embargo et la pandémie, il y a moins de 100 camions par jour.
Et il n’y a que les carburants, les médicaments et les vivres qui sont épargnés par l’embargo. Les transitaires peinent”, a-t-il révélé.
Jusqu’à quand le Mali peut-il tenir l’embargo? Modibo Mao Macalou dira que le Mali ne pourra pas tenir sous l’embargo de la Cédéao. Il a souligné qu’avec son fort taux de croissance, la ville de Bamako est le cœur, le poumon de l’économie malienne. Avec la Covid-19, il y a la chaîne d’approvisionnement qui a été brisée. Il a prouvé par A+B que le Mali ne peut pas supporter l’embargo et la sanction de la Cédéao. ” Avec l’embargo, les gens ne viendront pas investir au Mali parce que c’est une période d’incertitude qui ne favorise ni l’investissement ni les transactions. Quand un pays exporte, il s’enrichit, mais quand il importe il s’appauvrit. Le Mali est dans un regroupement sous régional.
La richesse d’une nation, ce sont les commerces des biens et services. C’est ce qu’elle vend et ce qu’elle achète.
Le Mali est au niveau de la Cédéao dont les 15 Etats font 400 millions d’habitants et les Maliens ne sont que 20 millions.
Le Nigéria à lui seul fait 70 % de la richesse de la Cédéao et la moitié de la population avec 200 millions d’habitants. Le Nigéria est la première économie de la Cédéao, le Ghana (2e), la Côte d’Ivoire (3e), le Sénégal (4e). Ces 4 pays font les 90 % de la richesse de la Cédéao. Les 11 autres pays de la Cédéao (dont le Mali) ont 10 % de la richesse de la Cédéao. Donc, ceux qui disent que le Mali peut quitter la Cédéao et que la Cédéao va courir après le Mali, cela n’est pas vrai.
Le Mali ne peut pas supporter l’embargo et les sanctions de la Cédéao. Parce que les autres ensembles (Uémoa, Union africaine, l’Onu) vont suivre les recommandations et les sanctions de la Cédéao. Il faut que le Mali sorte de ce régime de sanctions parce que son économie n’est pas en bonne santé.
Avec l’embargo, le Mali va avoir de sérieux problèmes avec son économie, surtout que le marché du coton ne se porte pas bien. Il faut que le Mali s’attelle à stabiliser son économie et à la relancer le plus tôt possible”, a-t-il conseillé.
Siaka DOUMBIA