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Attentat de Charlie hebdo et recrudescence du jihadisme dans le monde : Quels impacts sur le Mali ?

n ce début d’année 2015, le phénomène du terrorisme islamiste épouvante l’ensemble de la planète. Toutes les Nations du monde, à des degrés divers, font face à ce péril et  les plus démunies d’entre elles réagissent comme elles peuvent.  Le Mali qui a eu à vivre l’enfer de l’occupation jihadiste une année durant et qui continue de souffrir de ses séquelles, souhaite ardemment en finir avec cette douloureuse page de son histoire. Difficile, car même ceux-là qui détiennent une grande puissance militaire peine à lutter efficacement contre des individus aussi fous que déterminés.

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Mais, au demeurant, les derniers évènements survenus un peu partout dans le monde,  dont l’attentat de Charlie Hebdo et  de l’hyper marché Casher, la percée de Boko Haram et l’essor de l’Etat Islamique,  pourraient avoir comme impact, un changement  dans le mandat des forces onusiennes et le positionnement de la force Barkhane dans  la guerre contre le terrorisme au Sahel en général et au Mali en particulier.

 

Tout d’abord, il est bon de savoir que la guerre contre le terrorisme dans notre pays est loin de connaitre son épilogue. Grâce à l’opération Serval, la progression des troupes d’Iyad Ag Ghaly vers le restant libre du pays avait été stoppée et un gros coup dur avait été porté aux groupes jihadistes. Mais le nord malien étant un vaste territoire qu’ils maitrisent à la perfection, les survivants se sont disséminés emportant avec eux leur artillerie lourde. Depuis, ils ont adopté une méthode de guerre asymétrique qui consiste à mener un conflit de manière indirecte tout en ciblant des objectifs stratégiques. Mais une chose est sûre, le septentrion malien bien que loin d’avoir retrouvé toute sa quiétude d’antan, jouit d’une relative liberté et de sécurité.

 

Mais le Mali demeure toujours un pays en guerre. Oui, car c’est bien une déclaration de guerre qu’ont lancé les Emirs des différents groupes jihadistes, tels que Mokhtar Bel Mokhtar, toujours vivant, ou encore le Ben Laden national malien, Iyad Ag Ghaly. L’Armée Malienne, en pleine restructuration, ne peut faire face à un tel déchainement de violence et de haine sans un appui logistique conséquent, en terme de renseignement et d’équipements aéroportés. Et l’impression généralement ressentie désormais est que ces terroristes peuvent frapper à n’importe quel endroit du territoire national même au sud comme le prouvent les récentes attaques terroristes à Nampala et Ténénkou. Attaques qui ont fait 14 morts et 8 blessés au sein de nos Forces Armées. Informations annoncées lors d’un point de presse le 17 janvier dernier, par le Sous-chef d’Etat-major de l’Armée chargé des opérations, Abdramane Baby, le chargé de communication du ministère de la Défense et des Anciens Combattants, le Colonel Diaran Koné et le Directeur de la DIRPA, le Colonel Souleymane Maiga.

 

IBK à Paris, pas pour Charlie mais pour le Mali !

 

L’attentat perpétré contre Charlie Hebdo et celui perpétré plus tard contre un hyper marché juif présentent plusieurs points communs avec notre pays. Des similitudes pour les moins troublantes qui ont de quoi heurter l’entendement du commun des mortels. D’abord, la date à laquelle la marche républicaine de soutien et de solidarité de Paris  a eu lieu, le dimanche 11 janvier 2015 correspond jour pour jour au début de l’opération Serval, le 11 janvier 2013. 24 heures après Charlie Hebdo, un terroriste qui répond au nom d’Amédy Coulibaly tue quatre juifs lors d’une prise d’otages, après avoir revendiqué son appartenance à l’Etat Islamique et déclaré ses origines maliennes. Coïncidence pour coïncidence, un employé du même hyper marché, lui aussi malien, devient un héros en sauvant plusieurs otages d’une mort certaine. Lassana Bathily, pour cet acte de bravoure recevra une pluie d’hommages de la part du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou et du président Hollande. Une mobilisation sans précédent sur la toile pour qu’il acquière la nationalité française aboutira a sa naturalisation, le mardi 20 janvier, date anniversaire de l’armée malienne et du départ du dernier soldat français du Mali en 1961.

C’est donc, un malien qui a effacé la bêtise d’un autre malien, dans un attentat terroriste dont une marche le condamnant a eu lieu à la date anniversaire du début de l’opération Serval au Mali. M. Bathily aura rehaussé le drapeau malien après que Amedy  voulut la faire tomber, selon le président IBK.

Par ailleurs, la présence de notre président à la grande marche de soutien aux victimes des attentats de Paris a provoqué l’incompréhension et la colère de certains de nos compatriotes : « comment IBK peut-il être là-bas alors qu’il n’a pas été à Nampala », « IBK n’est que l’esclave de Hollande » ou encore « il n’aurait pas dû être dans la marche car ceux qui ont été tués sont les ennemis de l’Islam », pouvait-on lire sur Internet.

Certes, on peut reprocher à IBK de n’avoir pas été dans les zones chaudes du Mali, ou qu’avant de s’envoler pour Paris, il aurait du se rendre à Nampala et à Ténenkou pour témoigner de la solidarité de l’Etat aux populations victimes.  Mais dire que sa présence à Paris aux côtés de Hollande n’était pas une obligation relève d’une mauvaise analyse politique. La raison est plus qu’évidente : le Mali ne doit-il pas son salut à la France ? La
France  étant  en première ligne dans la lutte contre le terrorisme, IBK ne pouvait, en aucun cas, ne pas être aux côtés de Hollande. Pour l’intérêt du Mali, il s’est rendu à la marche comme pour dire à Hollande,  vous avez été là dans les heures très difficiles de notre histoire, quoi de plus normal que nous fassions de même.

Malheureusement, beaucoup de maliens n’ont toujours pas compris cette vérité de Lapalisse. En matière de politique étrangère il n’y a point d’amitié entre les pays, seuls les intérêts comptent.

 

7 millions d’exemplaires au nom de la liberté d’expression ou  de la provocation ?

 

Le premier numéro de Charlie Hebdo post attentat a été tiré d’abord à 3 millions d’exemplaires qui se sont arrachés comme de petits pains. La demande fut tellement grande que quatre autres millions d’exemplaires furent imprimés, du jamais vu en France.  Mais le sacro-saint principe de la liberté d’expression à laquelle reste viscéralement attachée la France ne doit-il pas  avoir des limites ? Le Pape  François dira que la liberté d’expression ne donne pas le droit d’insulter la Foi d’autrui. La liberté d’expression version française présente une absurdité. Si tout un chacun est libre de dire ce qu’il veut, pourquoi alors l’humoriste Dieudonné a t-il été poursuivi pour apologie du terrorisme ? Pourquoi donc deux poids, deux mesures ?

 

Tous les croyants aiment leurs Prophètes et leurs Saints d’un amour si profond, si pure et si sincère qu’une quelconque critique à leurs égards leur toucheraient au plus profond de leurs êtres. Apparemment, c’est ce que les rédacteurs de Charlie Hebdo et au-delà l’Etat français ont  du mal à comprendre.  Le socle de toute croyance religieuse est régit par l’amour que l’on ressent pour ces êtres humains hors du commun qui ont sacrifié monts et merveilles pour mener l’Humanité au Salut divin.

 

Dans les pays à majorité musulmane, des manifestations ont eu lieu contre cette pensée unique de la liberté d’expression que la France et même l’occident veulent imposer au reste du monde. Au Mali, la marche a été des plus exemplaires. Elle a été pacifique, modérée et une foule importante est sortie pour dire non à ce que l’on peut qualifier d’impérialisme idéologique occidentale. Les musulmans maliens ont tenu à exprimer tout l’amour qu’ils ressentent pour le sceau des Prophètes, Mohammad (PSL).

Mais ce ne fut pas le cas partout. Au Niger, la manifestation a dégénéré en émeutes. Une quarantaine d’Eglises brûlées, des chrétiens pris à partie. Bilan, quatre morts et une dizaine de blessés. Malheureusement, la méconnaissance de l’autre et l’extrémisme qui ne cessent de prendre de l’ampleur dans le monde musulman écornent dangereusement l’image de l’Islam, religion de paix et de tolérance. De telles scènes, les musulmans n’en ont point besoin surtout en ce moment où des individus se réclamant de la religion se livrent à des massacres au nom d’Allah. Les chrétiens n’ont rien à voir avec les caricatures de Charlie Hebdo qui ont été publiés. Ses auteurs n’adhèrent à aucune confession, leur seule foi reste cette liberté d’expression qu’ils vénèrent presque religieusement, il faut le dire, de manière extrémiste.

 

Ces attentats porteraient-ils la marque des services secrets comme l’a laissé sous entendre le xénophobe Jean Marie Lepen ?

 

Certains voient derrière ces différents attentats la main des services secrets français. Mais pour quel dessein ? Les adeptes des théories du complot affirment que ces attentats serviront de motifs pour mener une nouvelle guerre, beaucoup plus implacable, contre le terrorisme dans le monde et surtout dans l’Afrique subsaharienne, plus précisément au Mali.

 

Mais des motifs, il y en a déjà assez. La menace Boko haram n’a jamais été aussi forte. La secte est l’auteur de plusieurs massacres et de rapts. Désormais, elle s’internationalise et s’étend au-delà du Nigéria. Le Niger, le Tchad et surtout le Cameroun sont aussi désormais sur le pied de guerre. Dans notre pays, les attentats sporadiques des groupuscules jihadistes sont plus fréquents depuis la fin du volet reconquête de l’opération Serval. Ailleurs, dans le proche et Moyen-Orient, l’Etat Islamique ne cesse de prendre de l’envergure. De nombreux occidentaux ont rejoint leur rang dont des français, des britanniques et des belges. Donc, l’idée selon laquelle, les attentats de Charlie hebdo et de l’hyper marché ne sont autres qu’une grande mise en scène pour avoir un prétexte de légitimer et d’accentuer la lutte contre le terrorisme n’a pas de sens. La lutte, elle est déjà en cours et elle devrait se poursuivre.

 

D’autres diront que cette « mise en scène » n’avait d’autre but que de faire grimper la côte du  président Hollande dans les sondages d’opinions. Il a atteint 40% de popularité soit plus  21 points de remontée. Un bond historique en France depuis François Mitterrand qui avait gagner 19 points de satisfaction au moment de la guerre du Golfe en janvier 1991.

Son premier ministre, Manuel Valls, a lui aussi fait un bond et atteint 61% de popularité soit 17 points. Un taux plus fort que lors de sa prise de fonction à la tête du gouvernement. Il s’agit d’une hausse qu’ils doivent tous deux à leur bonne gestion des attentats largement saluée par l’opinion publique et les responsables politiques de tous bords. Le cynisme des services secrets français peut-il atteindre un tel niveau ?  Juste pour que Hollande soit plus populaire pour organiser  de tels attentats. Il faut être sadique pour le croire.

 

Impacts  souhaités sur le Mali

 

Depuis une dizaine de jours, le septentrion malien connait un regain de tension. Outre les attaques de Ténenkou et Nampala, des groupes rebelles se sont fait entendre aussi à Tambakort. Ils s’en sont  pris aux forces onusiennes en les sommant dans un premier temps de quitter les lieux avant d’ouvrir le feu sur eux. La MINUSMA en position de légitime défense fut obligée, pour la toute première fois, de se défendre. Les rebelles ont finis par rebrousser chemin. Bilan, 5 morts dans les rangs des rebelles.

 

Ces évènements tristes ajoutés à ceux de Paris et, in extenso, à la percée du jihadisme dans le monde entier auront-elles des impacts sur notre pays ?

Le Conseil de Sécurité de l’ONU corrigera-t-il enfin le mandat de la MINUSMA pour l’obliger à combattre en  menant des opérations militaires sur le terrain plutôt que de se cantonner dans son  rôle classique  de maintien de la paix ? La France de Hollande osera-t-elle enfin durcir le ton face aux rebelles touarègues et arabes ?

Pour l’un comme pour l’autre, il s’agira, tout simplement de prendre le parti de l’Etat malien et de refuser tout comportement allant contre l’unité, la laïcité et l’intégrité de la République du Mali. Si les rebelles refusent de revenir dans le giron de l’Etat, ils devront être considérés comme des terroristes au même titre qu’Ansar Dine et compagnie. Tel doit être le ton ferme et clair que doit adopter désormais François Hollande et le Conseil de Sécurité des Nations-Unies.

 

Le Mali engagé dans une lutte de longue haleine contre le terrorisme

 

Que l’on s’y prépare. La lutte contre le terrorisme islamiste sera  dure et de longue haleine. Il serait naïf de croire que ce phénomène tombera en désuétude car les groupuscules jihadistes sont éparpillés et affaiblis. Qu’on se détrompe. La première force de ces hors la loi, devant leur arsenal militaire et même leur connaissance grande du désert malien, c’est leur force morale et leur foi inébranlable en leur idéal.

L’Armée nationale seule ne peut enrailler le péril jihadiste et l’on ne peut compter indéfiniment sur la France ou sur une quelconque puissance étrangère pour notre sécurité. Il est temps de prendre notre destin en main avec les moyens dont nous disposons.

Le réarmement moral de nos troupes est le point de départ sur lequel doit s’appesantir l’Administration IBK. Ensuite, le réarmement matériel qui va de pair avec une formation professionnelle digne de ce nom qui ne devrait rien à voir avec celle des années passées.

Puis, la mise en place d’une Cellule antiterroriste qui travaillera dans le plus grand secret avec une intégration totale et intelligente des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Au 21ème siècle, la guerre se gagne d’abord et avant tout par le renseignement et la maitrise des équipements et  matériels appropriés de dernière génération qui sont la clé pour une guerre réussie. Mais là, en plus d’une forte volonté politique, il faudra solliciter l’appui de puissances étrangères, notamment les Etats-Unis et la France qui ont sur ces sujets une avancée significative.

Un autre volet de la lutte contre le terrorisme islamiste et non moins important, c’est l’aspect idéologique. Les prêcheurs et autres leaders religieux, plutôt que d’égrainer leur chapelet dans les mosquées devront multiplier les tribunes afin de mieux faire connaître l’Islam et ses enseignements. Ils devront également faire attention aux cellules dormantes de l’islamisme qui sont dans  tous les recoins du pays y compris à Bamako.

Ahmed M. Thiam

 

(Encadré)

Coût économique de l’opération Serval et le financement du jihadisme par l’Occident

 

Le surcoût de l’opération Serval pour le budget de la défense française s’élevait, dix jours seulement après son déclenchement, à 30 millions d’euros soit 19 milliards 650 millions de F CFA, montant qui passera à 50 millions vers la fin du mois de janvier pour atteindre, au 1er février 2013, la bagatelle de 70 millions d’euros. Pour l’instant, par rapport à l’opération Barhkane qui couvre l’ensemble de la bande sahélo saharienne, son coût économique n’est pas encore connu.

 

Mais paradoxalement, les gouvernements occidentaux au premier rang desquels la France, bien qu’ils le nient fortement, sont les premiers à contribuer  de manière significative au financement du terrorisme islamiste mondial. Le New York Times a du reste publié une longue enquête fouillée sur le sujet. Cela se passe très souvent comme ce fut le cas en 2003, avec les diplomates allemands qui ont débarqué au Mali avec trois valises contenant cinq millions d’euros en liquide. Officiellement, de l’argent budgétisé comme de l’aide humanitaire pour le Mali. Présentée au président ATT  au cours d’un rendez-vous secret  dans son bureau, le président offrait en réalité cette option aux pays européens pour les aider à sauver la face. En réalité, tout le monde savait bien que ces valises s’apprêtaient à partir dans des camions vers le nord où elles seraient ouvertes sous des tentes et leur contenu compté minutieusement par des jihadistes.

Cet épisode de 2003 a été un apprentissage pour les deux parties. Onze ans plus tard, cet échange à Bamako est devenu un rituel bien huilé, l’une des douzaines de ces transactions répétées à travers le monde.

L’enquête du quotidien américain révèle ainsi qu’Al-Qaïda et ses affiliés directs ont engrangé au moins 125 millions de dollars de recettes via des enlèvements depuis 2008, dont 66 millions de dollars payés en 2013. Des communiqués du département américain du Trésor ont cité des rançons s’élevant au total à 165 millions de dollars sur la même période selon le NYT.

Ces paiements ont été faits presque exclusivement par des gouvernements européens, qui ont acheminé l’argent frais  via un réseau d’intermédiaires fait de négociateurs, de diplomates et d’officiels des gouvernements de plus de dix pays en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient. Le fonctionnement interne du business des enlèvements a aussi été révélé dans des milliers de pages de documents d’Al-Qaïda découverts par l’auteur de l’article alors en mission pour l’Associated Press au nord du Mali en 2013.

 source : Inf@sept
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