Les clients ne se bousculent pas cette année aux portillons des ateliers de couture. La conjoncture économique, la pandémie du cornavirus et la crise sociopolitique sont passées par là
Vendredi prochain, les musulmans célébreront la fête de l’Aid El Kébir communément appelée «Séliba» (grande fête en bambara) ou encore fête de la Tabaski. Il s’agit de l’une des fêtes les plus importantes de la oumma islamique, pendant laquelle chaque fidèle musulman doit immoler un mouton, s’il en a les moyens. Au-delà de cet aspect, nos compatriotes cherchent à s’habiller de neuf, à se parer dans leurs plus beaux accoutrements. Cette année, la Tabaski se prépare dans un contexte marqué par la pandémie du coronavirus et la crise sociopolitique.
Notre équipe de reportage a fait le tour de quelques ateliers de la capitale pour constater de visu l’impact du contexte actuel sur les habitudes de nos compatriotes à l’orée de l’Aïd al-Adha. Au regard des constats et de l’atmosphère qui prévalent dans les ateliers de couture, on peut affirmer, sans risque de se tromper, que nos compatriotes vivent des jours difficiles. Contrairement aux années précédentes, les clients ne se bousculent pas aux portes des ateliers de couture. Cette faible affluence traduit, selon certains compatriotes, la précarité dans lequelle nous nous trouvons. C’est une période de vaches maigres pour les tailleurs et autres promoteurs d’ateliers de coupe et couture qui, d’habitude se frottent les mains à cette période. Les clients qui s’y présentent se comptent parfois sur les doigts d’une main.
Dans la plupart des ateliers que nous avons visités, ce n’est pas la grande affluence. À la vue de quelques coupons par terre, on pouvait aisément se faire une idée de la fréquentation des ateliers. En un mot, les tailleurs ne baignent pas dans la fièvre de l’avant-fête.
Au niveau de «Dabarh couture» sis à Missira, Ahmed Sall, un tailleur pourtant bien apprécié par la clientèle féminine, ne fonctionnait pas à plein régime. Il se tourne les pouces.
Ce chef d’atelier trouve même le temps de se prélasser dans un canapé et de manipuler son téléphone portable. Il explique que contrairement aux autres années, il reçoit moins de clientes dans son atelier. «Les clients se font rares. La justification, selon lui, c’est la recession économique qui frappe durement nos compatriotes mais aussi la situation actuelle du pays liée à une crise sociopolitique».
Pour lui, il est clair que ses clientes se sont résignées à ne pas coudre de nouveaux vêtements ou à passer des commandes pendant la fête. Dans un quartier populaire en Commune II se trouvent de nombreux ateliers de couture. Mais tous pâtissent ou presque de la situation précaire du moment. Dans ces différents lieux de travail, les tailleurs se plaignent de la timidité du marché. On ne peut pas leur reprocher de s’inquiéter de ce phénomène puisque c’est une question de survivance pour eux. Dans quelques ateliers de ce quartier, on essaie de satisfaire certaines commandes. Mohamed Cissé dit «Vieux», tailleur, officie à N’golonina. Dans son atelier, les clients se font désirer. Selon ce maître tailleur, il aurait déjà arrêté de recevoir des commandes ou de prendre des engagements à une semaine de la fête pour éviter de causer des désagrements aux clients. Cette année, il a accepté les habits à coudre de certains retardataires.
À Niaréla, dans un autre atelier, l’atmosphère était morose à notre passage. Le tailleur qui nous a réservé un accueil glacial, n’a pas daigné échanger avec nous. Mais un coup d’œil rapide nous a permis de constater qu’il ne disposait pas d’une commande importante. Idem pour le couturier Alpha Diallo à Djicoroni-Para. Celui-ci ne perd pas de temps à nous avouer clairement que ce n’est pas la grande affluence des autres années. «Les clients ne viennent pas en grand nombre». Pour lui, il est clair que les tailleurs sont moins sollicités. Un peu plus loin au centre ville, un couturier explique que certains clients qui préfèrent attendre la dernière minute pour se décider commencent à pointer le nez.
«La crise sociopolitique, les récentes manifestations de contestation organisées par le M5-RFP déteignent forcément sur le pouvoir d’achat de nos compatriotes. Mais il ne désespère pas de voir la tendance s’inverser dans les heures à venir. Il est donc clair que la situation actuelle du pays a impacté le marché des tailleurs qui, une fois n’est pas coutume, ne profitent pas de la période d’avant fête.
Tamba CAMARA
Source : L’ESSOR