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Assises : L’ALTERCATION A TOURNÉ À LA TRAGÉDIE

Le ton était monté très vite entre bergers et agriculteurs. Et la dispute s’est payée au prix fort

cour d assises bamako maliCe sont des conflits qui malheureusement n’étonnent plus grand monde. Dans notre pays, et depuis de trop nombreuses années, les différends entre les bergers peuhls et les cultivateurs jalonnent l’histoire des villages et se terminent le plus souvent en drames. Notre fait du jour est relatif à un incident de cette nature qui s’est produit dans le cercle de Niono à Médina coura. Il remonte à juillet 2014. Le jour des faits, Bakary Bouaré se trouvait dans son champ de riz et de gombo au moment le plus important pour un cultivateur, celui de la moisson. Dans les environs paissait un troupeau surveillé par des bergers. Le paysan ne s’était pas inquiété de la proximité des bêtes, car il estimait celles-ci sous bonne garde. Aussi sa surprise fut totale quand il s’aperçut que les ruminants envahissaient son champ.

Lorsque Bakary voulut chasser les importuns, il se heurta à l’opposition des bergers Sidi Bah et Sékou Bah. Ne pouvant laisser le troupeau dévaster son champ, l’homme téléphona à pour faire venir à son aide son cousin Aly Bouaré qui se trouvait à ce moment chez lui, à la maison. Moins de dix minutes après le coup de fil, Aly et un dénommé Yaya Coulibaly arrivèrent sur les lieux. Leur présence redonna de l’assurance à Bakary. Les trois hommes commenceront à chasser le troupeau du champ. Ce qui déclencha une altercation violente entre eux et les bergers. Les choses tournèrent très vite à la bataille rangée.
Les échanges de coups entre les deux parties entraînèrent la mort de Sidi Bah. Le berger succomba à ses blessures quelques heures après son admission au centre de santé de Niono. Le second berger, Sékou Bah, souffrait de nombreuses blessures. Dans l’enquête préliminaire, le berger survivant fut poursuivi devant le tribunal correctionnel pour dégâts aux cultures. Par ailleurs, une information juridique fut ouverte contre Bakary et Aly, son cousin, pour coups mortels et pour coups et blessures volontaires.
Tant à l’enquête préliminaire qu’à l’instruction les inculpés Bakary et Aly ont reconnu les faits qui leurs sont reprochés en ce qui concerne les coups mortels. Par contre, ils ont toujours contesté l’accusation de coups et blessures volontaires.
Il est à préciser que les faits incriminés sont prévus et punis par les dispositions des articles 202 et 207 du Code pénal. Ils peuvent donner lieu à l’application de peines criminelles et délictuelles. Face au jury, Bakary Bouaré, vêtu d’une chemise bleue, s’exprimant d’une voix tremblante, a insisté sur le fait que c’était lui qui avait été le premier agressé par les bergers. « C’est Sékou qui m’a donné le premier coup sur le front avec son bâton. Nous, nous voulions juste faire sortir les animaux de notre champ et protéger notre moisson. Après avoir été frappé, j’ai fait usage de ma daba. Mais je me suis évanoui peu après sous l’effet du coup de bâton. Je ne peux pas dire grand chose sur la suite des événements », a relaté le cultivateur.
En réponse aux questions de la cour, le prévenu a de nouveau soutenu qu’il n’avait pas porté la main sur Sidi Bah et qu’en conséquence il ne reconnaissait pas les faits de coups et blessures volontaires. Plusieurs cultivateurs dans les champs voisins, témoins de l’affrontement tragique, étaient intervenus pour séparer les protagonistes.
DEUX COUPS VIOLENTS À LA TÊTE. Le ministère public, dans son réquisitoire, a tout d’abord tenu à souligner toute la pénibilité liée au travail de la terre. Le cultivateur accepte une forte dépense physique sous la pluie et sous le soleil, a indiqué la robe rouge pour illustrer la dure vie des paysans. Dans ces conditions, il est certes intolérable pour un producteur de voir son champ envahi impunément par des animaux juste au moment de la récolte. Mais la colère du paysan frustré ne doit pas culminer à l’extrême, jusqu’à mettre fin à la vie d’une personne coupable du dommage causé.
Le second prévenu, Aly Bouaré, est moins âgé que son cousin Bakary. Il s’est aussi montré plus calme devant le jury. Lui également a nié les faits de coups et blessures volontaires sur la personne de Sékou Bah. Il a reconnu par contre avoir assené des coups violents au défunt Sidi Bah. Il a indiqué l’avoir fait avec l’intention de protéger son cousin assailli par Sidi qui lui avait déjà asséné un coup de bâton et qui avait visiblement l’intention de récidiver. « Quand je me suis intercalé entre Sidi et mon cousin, le berger furieux a voulu me frapper moi aussi, mais il m’a raté. Son bâton a frappé le sol et s’est brisé en deux. J’ai ramassé la moitié qui se trouvait à terre et je lui ai donné avec deux coups violents sur la tête. Il est tombé inconscient », a relaté Aly. Le prévenu a estimé que sauver la vie de son cousin et protéger leurs biens est un acte noble. Il a présenté ses condoléances à la famille du défunt Sidi devant la cour.
Dans sa plaidoirie, Me Aboubacar Souleymane Diarra, l’avocat des accusés Bakary et Aly, a insisté sur le fait qu’il était insupportable pour un paysan de voir envahir son champ par un troupeau, et cela lors de ce moment important que représente la moisson. Cette invasion était d’autant plus frustrante que le troupeau était de surcroît conduit par des bergers. Le conseil a soutenu que ses clients n’étaient pas allés à l’affrontement avec les bergers. Ils avaient uniquement voulu protéger leur propriété et sauvegarder leur récolte. En outre, si Aly était intervenu, c’était pour sauver la vie de son cousin, a argumenté l’avocat. Le défenseur a rappelé par rapport à l’accusation de coups et blessures volontaires que ses clients se sont déclarés non coupables lors de l’enquête préliminaire , à l’instruction et à la barre.
Le plaideur a avancé que les coups mortels ayant entraîné le décès de Sidi n’étaient volontaires. Ses clients avaient essayé de se défendre, car Sidi avait été le premier à porter un coup de bâton à Bakary. Et l’avocat de conclure que « juger, c’est établir la vérité et être avocat, c’est aussi dire la vérité ». Il a demandé en conclusion à la cour d’appliquer l’article 214 du Code pénal pour que ses clients puissent rejoindre leur famille.
Après en avoir délibéré, la cour a répondu « oui » aux coups mortels sur la personne de Sidi Bah ; « non » aux coups et blessures volontaires sur la personne de Sékou Bah et « oui » aux circonstances atténuantes en faveur des inculpés Bakary Bouaré et Aly Bouaré. Elle les a condamnés chacun à une peine de 30 mois de prison ferme.

Mamoudou KANAMBAYE

source : Essor

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