Cet exercice, un remake caricatural d’une cérémonie réservée à un président de la République élu entrant en fonction, n’aura été rendu possible que grâce au tour de force juridique réalisé par la Cour constitutionnelle. Laquelle, s’appuyant sur des dispositions de la charte de la transition dont la légalité est sujette à caution et au prix de contorsions intellectuelles, a mis le vice-président Goïta dans « les prérogatives, attributs et fonctions » qui lui seront désormais confirmées.
L’ex-chef du bataillon autonome des forces spéciales et des centres d’aguerrissement (BAFS-CA) est ainsi propulsé au sommet de l’État malien qui ne l’est plus que de nom avec pour mission de le conduire à la normalité constitutionnelle dans un délai restant de neuf mois sur les dix-huit convenus avec la CEDEAO. Par-delà elle la communauté internationale.
La tâche s’annonce périlleuse au regard des défis complexes à relever au plan interne, notamment l’organisation d’une kyrielle de scutins dans un contexte d’insécurité généralisée, d’absence de l’État sur une vaste étendue du territoire national, de désaccord profond au sein de la classe politique et de la société civile sur les réformes à apporter à la constitution et au système électoral. Sans compter la menace d’une grève générale illimitée provenant de la principale centrale syndicale qui ne l’a mise en berne qu’à cause de l’absence d’interlocuteur liée d’abord à la dissolution du premier gouvernement Moctar Ouane, puis au second coup d’État du colonel Assimi Goïta.
La situation n’est guère reluisante si elle n’est pas pire au plan extérieur où la CEDEAO, l’Union Africaine, l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) ont suspendu le Mali de toutes leurs institutions et instances tandis que l’ONU a appelé les militaires putschistes à retourner dans leurs casernes et à laisser les civils conduire seuls la transition.
Quant à la France, principale alliée dans le double domaine sécuritaire et économique, elle a déjà annoncé des mesures de représailles en suspendant les opérations militaires conjointes avec les FAMA dans la traque des terroristes et en les privant de renseignements. La force européenne Takuba, qu’elle a initiée en vue d’épauler Barkhane, ne fournira plus elle aussi de formation aux unités combattantes maliennes ni d’accompagnement sur le terrain jusqu’à nouvel ordre. C’est dire que l’armée malienne va se retrouver désormais seule face à al-Qaïda et au GSIM qui, malgré les coups sévères qui leur ont été portés grâce en grande partie aux forces françaises, maintiennent toujours leur pression avec au bout l’objectif de transformer le Mali en Etat islamique.
Face à la juridiction ultime devant laquelle il prêtera serment pour devenir le premier responsable du Mali, Assimi Goïta s’évertuera à rassurer ses concitoyens et leurs partenaires africains et internationaux qu’il représente un atout et non un obstacle pour une transition démocratique au Mali. Que celle-là se déroulera bien dans le délai prescrit et l’inclusion souhaitée. On attend aussi de lui qu’il donne des gages et surtout qu’il veille à ce que le gouvernement, qui sera formé par le futur premier ministre Choguel Maïga, garde une précieuse distance avec les radicaux islamistes. Lesquels n’ont eu cesse de montrer, à coups de massacres et de dévastations, qu’ils se moquent éperdument du dialogue qui leur est proposé et que leur seul but, c’est de transformer le Mali en un ou plutôt plusieurs émirats pauvres et voués à l’obscurantisme.
C’est à ce prix seulement qu’il peut assurer une garantie de stabilité d’abord à son pouvoir débutant, ensuite au Mali qui en a grandement besoin.
Saouti HAIDARA
Source : l’Indépendant