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Assemblée nationale : Faut-il proroger une seconde fois le mandat des députés ?

Sur le rapport du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, le conseil des ministres a adopté un projet de loi organique portant prorogation du mandat des députés à l’Assemblée nationale.

Le mandat des députés, qui a expiré le 31 décembre 2018, a été prorogé jusqu’au 30 juin 2019 par la Loi organique n°2018-067 du 06 décembre 2018 conformément à l’avis de la Cour constitutionnelle du 12 octobre 2018.

La prorogation était motivée par «le caractère de force majeure des difficultés entravant le respect scrupuleux des dispositions constitutionnelles et législatives et la nécessité d’assurer le fonctionnement régulier de l’Assemblée nationale».

L’évaluation de la situation politique et sécuritaire du pays révèle la persistance des difficultés et contraintes qui ne permettent pas la tenue d’élections législatives régulières et transparentes.

Dans ce contexte et conformément à l’Accord Politique de Gouvernance, le projet de loi organique adopté, proroge jusqu’au 02 mai 2020 le mandat des députés de la Vème législature afin de réunir les conditions optimales à la bonne organisation des élections. Les élections législatives ne devraient donc pas se tenir en juin 2019, comme précédemment décidé par les autorités. Un second report de ce rendez-vous électoral est à l’ordre du jour.

Le mandat des députés va-t-il être prorogé pour la deuxième fois ! Vous avez certainement cru qu’il s’agit de la République Centrafricaine qui est en train de tenter de coller les morceaux d’une crise relative au changement de régime par un coup d’Etat. Que non ! Il s’agit bel et bien du Mali. Un pays en proie à une crise sécuritaire et politique. Mais pourquoi donc des prorogations de mandat à répétitions de l’Assemblée nationale, comme si on était dans un gouvernement de transition ?

C’est la question que se pose tout vertébré au vu de la situation qui est la nôtre aujourd’hui. Encore un mandat de trop, dirait-on ; mais plus grave : rien ne garantit que ce sera la dernière farce. En réalité, en allongeant de façon permanente le mandat des députés par la force des décrets, le pouvoir est en train de faire de l’exception la règle.

Lors de la première prorogation de six mois, on n’avait cru à l’effet d’une surprise qui, en réalité, ne surprenait personne au regard d’un fonctionnement sans repère qui caractérise nos pouvoirs publics. Car, jusqu’à nos jours, rien d’officiel ne fait état d’une échéance électorale proche ou lointaine.

En effet, deux prorogations successives du mandat des élus sont une manifestation évidente d’une navigation à vue absolue et constitue un recul de la démocratie. Ceci est d’autant plus vérifiable que, désormais, l’Assemblée nationale du Mali est composée des députés dont la présence n’est justifiée que par des décrets et sont, dès lors, loin d’être des élus ou des représentants du peuple. Lequel ne se reconnaît plus en eux.

En tout cas, un mandat par décret ou une décision de justice annihile le pouvoir du peuple qui, finalement, considéré comme idiot et irresponsable, n’est consulté que pour sauver les formes démocratiques. Mais seulement, à toute fin utile, le peuple, même s’il est considéré comme une populace naïve par les décideurs, il convient de rappeler que privée de lumière et de bon sens, il peut «à tout moment devenir le complice des forces qui détruisent la société».

Ce serait encore mieux de renouveler le mandat des députés par simple tacite reconduction quand on sait que, le simple fait de convoquer une session extraordinaire juste pour valider ce qui ne pouvait en être autrement, coûte des centaines de millions au pauvre contribuable qui est incapable de se nourrir et de se soigner.

Autant d’ingrédients de la mal gouvernance qui ont permis aux observateurs de dénoncer ces manières insolites de diriger notre République, marquées par une incapacité à apporter des solutions aux problèmes des Maliens. En somme, une fois de plus, une navigation à vue.

«Gouverner, c’est prévoir»

Même dans les sociétés secrètes, on connaît et on respecte les échéances ; mais au Mali, tout cela relève plutôt d’un mystère un peu plus compliqué que celui de la Sainte Trinité dont parlent les chrétiens. Rien de surprenant que même la durée du mandat des députés ne soit plus connue. Ce qui est une violation du respect du droit de suffrage des électeurs, qui doivent être appelés, selon une périodicité régulière, à désigner leurs représentants.

Paul Dembélé

Source : Nouvelle Libération

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