Attendues pour être un moment d’échanges fructueux avec les ministres interpellés, les députés de la majorité ont transformé, la séance des questions orales en une scène de théâtre et de folklore.
Ils se sont livrés à un spectacle digne d’un jeu d’enfant sur une plage, alors que les questions faisant l’objet d’interpellation étaient d’une importance capitale pour notre pays à savoir : l’insécurité, la rupture de stock des cartes d’identité et des passeports, la question des engrais frelaté dont la conséquence immédiate sera la baisse de rendement du sol et celle de la production des céréales et du coton dans un pays à vocation agro-sylvo pastoral. Les élus de la nation doivent-ils banaliser ces questions d’intérêt national au profit de leurs intérêts politiques, partisans et sordides ? L’appartenance à la majorité est-elle synonyme de soutien aveugle au gouvernement ? Les députés de la Majorité connaissent-ils réellement leurs rôles ? Ont-ils réellement le niveau de culture requis pour assumer la fonction de représentants du Peuple ?
« Notre appui ne vous fera pas défaut. Mais sachez que notre oui n’aura de sens qu’autant qu’il nous sera aisé de dire non, si par un biais ou un autre, les engagements n’étaient pas tenus ». C’est en substance par ces mots que l’honorable Ibrahim Boubacar Keita, dit IBK, alors député à l’Assemblée et membre de la majorité parlementaire de soutien au Président ATT se faisait distinguer et admirer. Il a tenu cette phrase devenue célèbre dans le contexte du Mali actuel lors de l’explication de vote après les débats sur la DPG du PM Mariam Kaïdama Sidibé. Par le vote des maliens, celui qui tenait cette phrase hier, est aujourd’hui le Président de la République du Mali qui voit d’un mauvais œil toute critique acerbe de l’opposition. Tout porte à croire qu’il a piqué une colère noire après la scène odieuse qui s’est passée à l’AN, par la faute des députés de sa propre formation Politique, le RPM. Pour rappel, le président de l’AN l’honorable Issiaka Sidibé a interrompu les débats sur les questions de sécurité, de carte d’identité et de passeport, entre l’honorable Oumar Mariko et le ministre de la Sécurité et de la Protection civile le Général Sada Samaké. Il a justifié sa discourtoisie parce que le premier aurait traité le second d’agitateur. Par cet acte non républicain, l’Honorable Issiaka Sidibé et ses collègues du RPM ont tout simplement montré à la face des maliens leur ignorance mais surtout leur méconnaissance des principes républicains et du rôle d’un député à l’AN. L’effet Boomerang de cet autoritarisme du président de l’Assemblée aura été l’augmentation de la sympathie de l’extrémiste et jusqu’auboutiste Oumar Mariko dans le cœur de ses concitoyens. Faudrait-il rappeler encore à nos députés que l’hémicycle est à la Démocratie ce que la racine est à l’arbre ; et cela se lit aisément dans les textes qui régissent le fonctionnement de la République. Le rôle du député est de représenter son peuple, de légiférer pour lui et de contrôler l’action gouvernementale en son nom. Tel est le triptyque qui doit guider l’action des 147 députés. Au lieu de faire venir des applaudisseurs qui applaudissent frénétiquement sans savoir pourquoi. Barack Hussein Obama avant lui, Jerry Rowlings, l’ancien président du Ghana ont trop vu juste. L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes. Si un tant soit peu les députés savaient l’importance de l’Assemblée dans le dispositif institutionnel de la République, ils n’allaient certainement pas se comporter de la sorte. A titre de rappel, sous le régime consensuel d’Amadou Toumani Touré, une écrasante majorité s’était dégagée pour le soutenir et pourtant les députés soulevaient beaucoup d’interrogations sur les questions brulantes de l’heure. Ainsi a-t-on vu le PARENA, le CNID, l’URD, l’ADEMA et le RPM, sans remettre en cause leur appartenance à la majorité présidentielle, aborder des questions sensibles de l’époque relatives aux incursions d’armées étrangères en territoire Malien, la transformation du Nord-Mali en sanctuaire de la drogue, la déliquescence de l’école Malienne, la persistance du phénomène de corruption et de la délinquance financière. Le PARENA et le RPM avaient même jugé à l’époque, inopportunes les réformes institutionnelles proposées par la Commission Daba Diawara dont tout le monde reconnait aujourd’hui le bien fondé.
En définitive, les députés de la majorité en général et ceux du parti présidentiel, le RPM en particulier doivent comprendre que le Peuple n’est plus dupe et que le temps de la fanfaronnade et du soutien aveugle sont maintenant révolus. « Les peuples sont devenus des acteurs de leur histoire et ne se laisseront plus abuser » comme le disait IBK et « On peut tromper une partie du Peuple tout le temps et tout le Peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le Peuple tout le temps» disait Abraham Lincoln.
Youssouf Sissoko
source : 22 Septembre