Avec seulement 45 % d’accès au service d’assainissement de base et 20 % d’accès à des services d’assainissement gérés en toute sécurité, le chemin semble être encore long pour l’atteinte de l’ODD6 d’ici à 2030. Au regard de cette réalité, le thème retenu pour la Journée Mondiale des Toilettes de cette année a été : « Accélérer le changement ». Un thème qui prouve à suffisance que beaucoup de pays dont le pays sont encore en retard sur la mise en œuvre effective de leurs engagements.
Au rythme actuel, le monde est encore loin d’atteindre l’ODD6 d’ici à 2030, qui vise à garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau. S’agissant du Mali, la Direction Nationale de l’Assainissement et du Contrôle des Pollutions et des Nuisances (DNACPN ) estime que seulement 45% de la population dispose d’un service de base d’assainissement, soit environ 10 125 000 de personnes, et la défécation à l’air libre est encore pratiquée par 5% de la population, soit environ 1 125 000 de personnes. Au même au moment, l’Organisation Mondiale de la Santé ajoute que sur les 45%, seuls 20 % ont accès à des services d’assainissement gérés en toute sécurité.
Voilà des chiffres qui font toujours froid au dos et pour changer la donne, la société civile malienne pense qu’il est temps de changer complètement de pratiques. Ainsi, Ousmane Kida, chargé de plaidoyer à la Coalition Nationale de la Campagne Internationale pour l’Eau Potable et l’Assainissement (CN-CIEPA/WASH), précise qu’il faut comprendre le thème de la Journée, « Accélérer le changement », pour mieux situer les défis pour l’atteinte de l’ODD6.
Parlant de la politique nationale de l’assainissement, M. Kida souligne : « En 2020, la politique nationale de l’assainissement a été validée au plan technique. Mais plus de trois ans après, elle n’a pas été encore adoptée au niveau politique. Cela ne favorise pas du tout la mise en œuvre des activités dans le secteur. Donc, s’il y a quelque chose à accélérer conformément au thème de la Journée, c’est bien l’adoption de cette politique nationale de l’assainissement ».
Selon Ousmane Kida, il faut une politique, mais le mieux sera de changer de pratiques. « Le Mali a toujours eu des meilleurs textes, mais leurs mises en œuvre restent encore un défaut. Donc, il s’agit aussi, pour nous société civile, de changer de pratiques. Il faut de la transparence, du suivi et de la redevabilité dans la gestion des fonds alloués au secteur l’assainissement. Tant que l’on ne change pas les pratiques de la lenteur de redevabilité et de suivi efficace et conjoint, ce sera difficile d’atteindre l’ODD6 d’ici à 2030», a-t-il déclaré, avant de saluer le gouvernement pour la reconnaissance de l’accès à l’eau comme droit fondamental dans la constitution du 22 juillet 2023.
Aly Sow, Directeur du Département Programme et Plaidoyer à WaterAid, pour sa part, ajoute que si l’on parle de changement, ça veut dire qu’on est en train d’évoluer ; et l’accélération veut dire qu’on est en train de bouger. Selon lui, il s’agit de revoir le rythme par lequel l’on est en train d’évoluer. Ainsi pour atteindre la vitesse de croisière, M. Sow estime qu’il faut : un suivi régulier des indicateurs ; des ressources humaines de qualité ; une innovation en terme de financement ; et une stratégie de bonne collaboration.
L’accès aux toilettes sauve des vies…
Aujourd’hui, les experts sont unanimes que les excrétas est un réel problème de santé publique. « Le manque d’assainissement constitue un facteur de risque important pour la santé publique. Il affecte en priorité les populations pauvres, marginalisées et vulnérables. Chaque jour dans le monde, 1000 enfants de moins de cinq ans meurent de maladies liées aux matières fécales. L’accès aux toilettes sauve des vies, car empêche la propagation des maladies causées par les matières fécales», peut-on lire dans une note technique de WaterAid Mali, qui précise que chaque dollar investit dans des services d’assainissement élémentaires rapporte jusqu’à cinq dollars, grâce au recul des maladies et aux gains de productivité.
Ces informations ont été confirmées par Sory Ibrahim Bouaré de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui a témoigné que les matières fécales ont un impact réel sur la santé publique. « Un seul gramme d’excrément humain contient de plus d’un milliard de germes pathogènes. Sans une toilette conforme, tous ces germes se propagent et deviennent un danger réel pour la santé publique», précise-t-il, tout en ajoutant que ces germes pathogènes peuvent surtout provoquer la diarrhée ; le choléra ; les vers ; la fièvre typhoïde…
Après avoir souligné les efforts du gouvernement dans le domaine de l’assainissement, Niarga Oulé Dembélé, directeur national de l’Assainissement et du Contrôle des Pollutions et des Nuisances, a lâché : « La problématique liée aux toilettes est un casse-tête ».
Pour remédier à cette problématique, M. Dembélé annonce l’élaboration d’une nouvelle politique nationale de l’assainissement, mais qui n’est pas encore adoptée. Selon lui, ladite politique contient cinq programmes nationaux et une stratégie, ainsi qu’un plan d’action. Ce qui permettra au Mali, dit-il, de respecter ses engagement pour l’atteinte de l’ODD6.
Au-delà de toute considération politique, l’accès aux toilettes est une question de droit et de dignité. Pour que cela soit une réalité, il convient d’augmenter le financement du secteur à 5% conformément aux engagements pris au niveau national et international. Quant aux populations, elles doivent adopter les bonnes pratiques en matière de conception, d’utilisation et d’entretien des toilettes. Ce qui est sûr, avec le sous financement du secteur par l’Etat (1,16% du budget national depuis 2021), l’atteinte de l’ODD6 reste, pour l’heure, un rêve, surtout que le temps presse et les chiffres ne nous sont pas favorables. Pour y arriver, il va falloir que chacun jouer pleinement son rôle et multiplie ses efforts.
Ousmane BALLO / Afrikinfos-Mali