Le marché des artisans à Bamako est un ensemble de kiosques bâtis dans « le style soudanais ». Il est situé à quelques encablures de l’Institut national des arts (INA). Depuis un certain temps, les fleurs de ce monde des merveilles se sont fanées. Les artisans grincent des dents, mais ils continuent d’exercer leur art. Ils continuent de produiredes objets magiques, dont le charme emballe les cœurs, illumine les visages. Malheureusement les créateurs sont confrontés à la mévente aujourd’hui. Ils ressassent les souvenirs des années où les clients se bousculaient à la porte de l’Artisanat.
C’était la période faste, le bon vieux temps. Depuis la crise, les temps ont changé. La clientèle se fait rare. Les prix ont chuté pour cause de mévente. Pourtant, les produits sont de qualité supérieure car les artisans maliens se conforment aux exigences de la convention des pays membres de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). Par rapport à la qualité, ce document impose le respect des normes internationales, notamment les normes ISO 9001.
La clientèle, majoritairement étrangère, se fait rare, de nos jours, pour raison d’insécurité. Cette situation a semé le chaos sur le marché de l’artisanat malien. Les touristes ne viennent plus dans au Mali. Et les Maliens consomment rarement les produits nationaux. Partout, c’est la même morosité dans les maisons d’artisanat, dans les grands hôtels de la place. Les grands carrefours des grandes villes comme Bamako, Mopti, Ségou, Gao et Tombouctou sont déserts. Les artisans ambulants maliens organisaient sur ces espaces des expositions à ciel ouvert. Notre équipe de reportage a visité la Maison des artisans.
Dès l’entrée de ce beau site, le fracas des marteaux sur les enclumes, le bruit des machines et le son fort des appareils à musique agresse l’oreille du visiteur. Les artisans sont plongés dans une atmosphère de travail intense. Le rythme ne baisse pas. C’est le travail, toujours le travail, encire le travail. Notre premier interlocuteur explique : « malgré la mévente, nous n’avons jamais arrêté de produire. Nous avons toujours gardé l’espoir de retrouver notre fleur de beauté dans un avenir proche », a soutenu Sékou Traoré, debout devant des centaines de sculptures en bois et autres produits. Le cinquantenaire Abdoulaye Soumbounou est cordonnier de père en fils. Il fabrique des articles en peau et cuir. Il déplore le fait que, de nos jours, les nationaux préfèrent acheter les produits chinois importés. Selon lui, « les produits nationaux n’attirent pas parce que nous avons un problème sérieux dans notre pays : le complexe d’infériorité ».
Même si le prix de l’article « made in Mali » est abordable, beaucoup de nos compatriotes pensent que consommer malien les rabaisse dans l’échelle sociale. « Tout le monde veut donner l’illusion d’avoir une grande capacité financière. Le port de produits nationaux devient un signe de pauvreté. Les couches aisées, les leaders politiques, religieux, les vedettes du monde sportif, de la musique de notre pays doivent encourager « le consommer malien » en donnant l’exemple », plaide notre interlocuteur.
Le Mali est 2èproducteur mondial de peaux. Mais les artisans maliens n’en profitent pas. Il n’existe dans le pays aucune industrie de transformation et de conservation de la peau. L’Etat pourrait s’intéresser davantage à l’artisanat, car il occupe plus de 40% de la population active.
L’artisan M. Soumbounou est convaincu « qu’aucun pays ne peut se développer sans l’artisanat et l’agriculture ». Il a déploré le fait que même les structures artisanales et culturelles à Bamako sont décorées par des produits venant d’ailleurs.
A quelques mètres, Oumar Doumbia est installé dans son atelier au milieu d’un gros stock de colliers et de bracelets invendus et couverts de poussière. « Nous avons tout fait pour inciter nos compatriotes à acheter nos produits, mais ils ne viennent toujours pas. Nos produits sont de grande qualité et nous avons revu le prix à la baisse », se désole-t-il.
Que faire pour relancer les ventes ? Le Mali a entrepris, ces dix dernières années, de grandes réformes dans le secteur de l’artisanat. La création de la Direction nationale de l’artisanat, de ses structures déconcentrées et du Centre du développement de l’artisanat textile ont fait de l’artisanat un secteur prioritaire.
Ce progrès est consacré par le document de Politique nationale de développement de l’artisanat et repris dans le Cadre stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté (CSCRP 2012-2017). Aux nouvelles dispositions prises au niveau national, s’ajoute le Code communautaire de l’UEMOA. L’artisanat est reconnu parmi les secteurs qui offrent le plus grand potentiel pour accélérer la croissance du Produit intérieur brut (PIB). Mais cela demande des mesures incitatives que le gouvernement doit prendre pour faciliter l’investissement.
Malgré l’engagement et le soutien des autorités, les artisans ne sont pas satisfaits. Dans l’optique de relancer le secteur, le département a organisé la première édition du Salon international de l’artisanat (SIAMA)en novembre 2017. L’objectif était de donner plus de visibilité aux artisans maliens en leur offrant une visibilité et des opportunités de vente des produits nationaux.
Au-delà de cette initiative, le département en charge de l’Artisanat, en collaboration avec l’Assemblée permanente des chambres de métiers du Mali (APCMM) a toujours facilité la participation des nos artisans aux foires internationales en Afrique et ailleurs. Ils renforcent leur carnet d’adresses sur le plan international. Depuis 2017, le département en charge de l’Artisanat a apporté un soutien considérable au secteur. Selon le directeur national de l’artisanat, Daha Niassa, le département a entrepris de doter toutes les capitales régionales d’une Maison d’artisanat. Ces infrastructures coûteront à l’Etat environ 1 milliard de Fcfa.
Chaque région va recevoir, pour l’organisation de la SIAMA, une enveloppe de 5 millions de Fcfa. Cet appui financier consolide le soutien technique pour faciliter la participation de nos artisans. En 2018, les créateurs maliens ont participé au Salon international de l’artisan de Ouagadougou (SIAO), au Marché ivoirien de l’artisanat (MIMA), à la Semaine artisanale féminine du Niger (SAFE), à la Foire internationale de Dakar (FIDAK).
Le département prend en charge la moitié des prix des stands. Concernant le SIAO, en plus des 50% des prix des stands, l’Etat met à leur disposition deux bus et un camion. Notre pays était représenté par 50 artisans.
AS/MD
Source: AMAP