Le grand Modibo Kéita a dû se retourner plusieurs fois dans sa tombe à la seule évocation de son nom par des acteurs politiques à la solde de descendants de ceux qui l’ont farouchement combattu pour avoir défendu les intérêts de son peuple. Car ces pitres, rien que pour un semblant de pouvoir et ses privilèges, agissent contre le même peuple, dont ils tirent pourtant leur légitimité, en signant le pacte avec le diable pour continuer de piller nos richesses.
Quand on sait d’où l’on vient, on sait en principe où l’on va. La vie est une question de choix. Comme celui de préférer la pauvreté dans la dignité que l’opulence dans l’esclavage. Pour avoir fait cette option Modibo Kéita et ses camarades, du Mali et d’ailleurs, en ont fait les frais. A en juger par les conditions drastiques dans lesquelles le colonisateur, furieux, s’est résigné à accorder l’indépendance à leur pays. A en juger aussi par le nombre de bâtons qu’il leur a mis dans les roues, poussant le cynisme jusqu’à instrumentaliser leurs propres frères pour la sale besogne.
Préoccupés cependant par le seul bien-être de leurs concitoyens, ils ont enduré le sacerdoce. Pour leur choix de l’indépendance véritable pour son peuple, du droit de disposer du choix libre et souverain de déterminer la forme de son régime politique indépendamment de toute influence étrangère !
Modibo a sacrifié sa vie pour que cesse la domination coloniale et qu’il puisse tracer et suivre les voies menant au bonheur véritable des descendants des martyrs de l’ex-Soudan français. Ses camarades et lui avaient hautement conscience de leur responsabilité historique. Leur devise était de mobiliser les populations en leur faisant comprendre qu’elles constituent un seul peuple visant un seul but avec la même foi. Tous pour un et un pour tous ! Pour la dignité et le bonheur de tous !
Conscients de la justesse et de la noblesse d’une telle cause, ils ont accepté de souffrir dans leur chair et dans leur âme, contrairement à d’autres qui ont accepté ‘’l’indépendance’’ aux conditions imposées par ‘’Baba koumandan’’.
Mais, hélas, la relève est loin d’être assurée : les générations actuelles aiment bien le prendre pour référence dans leurs logomachies mais n’arrivent pas à la cheville du grand Modibo Kéita. Qui ne racontait de boniments car il avait des scrupules. Modibo Kéita n’était ni perfide, ni nombriliste, ni clientéliste, ni prédateur.
En revanche, de par leurs comportements, «les toubabou djon» souillent la mémoire du président, trahissent leur peuple en l’exploitant au profit de leurs mentors qui leur confère onction et protection. Leur gouvernance est aux antipodes de la vertu. Dans les années 70, les Maliens se sont indignés des ‘’châteaux de la sécheresse’’ construits par des compagnons de Moussa Traoré avec une partie de l’aide internationale mobilisée lors de la famine qui a frappé le sahel occidental. Les Maliens ont dénoncé les libertés que s’accordait la FMI (Famille Moussa et Intimes) avec les ressources publiques. Que pensent-ils à présent ‘’des Milliardaires de la Démocratie’’ qui adorent trinquer en se croyant importants et regarder trimer ceux dont ils sucent le sang ?
Dèdè Tall
Courage, combativité, pugnacité, ténacité, persévérance, intransigeance, dignité, sincérité, grandeur, magnétisme…
La notoriété du premier président du Mali, considéré comme «l’un des plus grands leaders du tiers-monde», a franchi les frontières de son pays et du continent africain. Modibo est «l’un des leaders les plus prestigieux de l’Afrique indépendante» selon le journaliste Français André Blanchet dans un reportage de la télévision. Jean Lacouture, journaliste, historien et biographe, voyait en lui «Une statue vivante de l’Afrique». Car déjà en 1961, Modibo Kéita était devenu une personnalité impossible à ignorer sur la scène politique internationale. L’écrivain américain, Frank Herbert, qui a tenu ces propos, est auteur du roman de science-fiction le plus vendu au monde au moment de sa publication en 1965. Inspirée L’œuvre s’inspire de la vie de Modibo Kéita qui, pour l’auteur, avait tout d’un héros. Même le colonisateur, devant qui il n’a jamais fait la courbette, le respectait. Il n’a jamais couru prendre des instructions à l’Elysée, naguère résidence d’un….esclavagiste qui l’a construite. Il y aurait eu moins de bêtises ‘’si l’on sait de manière forte ce qu’est l’humain et que nous prenons conscience que nous le sommes tous’’ écrit Frantz Fanon.
Pour le célèbre historien, Pr Bakary Kamian: «Il n’était autoritaire qu’en apparence, il était autoritaire quand il s’agissait d’appliquer et de faire respecter les règles, mais il aimait écouter les autres et, éventuellement, changer de position.» Son camarade de lutte Idrissa Diarra rapporte que malgré sa forte personnalité lui permettant d’imposer aisément son opinion lors des réunions, Modibo Kéita s’efforçait de susciter la discussion afin que tous les avis soient exposés.
Le personnage de Modibo dégageait un magnétisme et une sincérité qui ne laissaient pas indifférents ses interlocuteurs les plus hostiles. L’homme avait du caractère. Sa combativité, son intransigeance (même vis-à-vis de lui-même) et sa ténacité trouvaient leurs justifications dans un idéal profond. Mais il savait faire preuve, de réalisme, de pragmatisme et d’imagination créatrice pour faire triompher ses idéaux d’indépendance, de justice, de liberté et de paix.
Son combat politique et syndical était caractérisé par sa pugnacité, persévérance, son courage, ses sacrifices et sa dignité. Modibo Kéita, leader charismatique, écouté sur la scène internationale, a acquis, grâce à son action et à ses idées, prestige et respect. Il avait le verbe haut, le nationalisme à fleur de peau, de la dignité et de la distinction dans le comportement, le non-alignement comme principe et le panafricanisme dans la tête.
Le Challenger