Le Mouvement du 05 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) espère toujours prendre le contrôle de la transition politique au Mali en renvoyant les «Colonels» dans les casernes. Ainsi, après avoir obtenu (c’est ce que pensent ses animateurs) la dissolution du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), ce mouvement (qui n’est pourtant aujourd’hui que l’ombre de lui-même) exige toujours celle du Conseil national de Transition (CNT). C’est ce que ses animateurs ont révélé lors d’un point de presse animé la semaine dernière.
Dissoudre le Conseil national de Transition pour «illégalité et défaut de légitimité» ! Telle est l’une des exigences formulées par le Comité stratégique du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) qui a animé un point de presse la semaine dernière. Et pour ce faire, il a annoncé avoir saisi la Cour suprême du Mali pour excès de pouvoir contre le décret N°2020-0239/PT-RM du 03 décembre 2020 fixant la liste nominative des membres du Conseil National de la Transition (CNT). «Cet organe doit être purement et simplement dissout pour illégalité et défaut de légitimité en tant que représentation nationale», a réclamé Dr Choguel Kokala Maïga dans sa déclaration liminaire.
La création des conditions d’une relecture immédiate et consensuelle de l’Accord pour la paix et la réconciliation ; la détermination des modalités de création d’un organe unique et indépendant de gestion du processus électoral ; l’institution d’un cadre de concertation politique pour convenir des objectifs et modalités de relecture consensuelle des textes électoraux sont, entre autres, des revendications du M5-Rfp.
Le mouvement exige désormais la tenue des Assises nationales de la refondation pour opérer des réformes consensuelles pertinentes. Comme si le Dialogue national inclusif tenu en décembre 2019 et les Assises nationales de septembre dernier n’ont servi à rien. Mais, derrière toutes ses revendications, se cachent des sentiments que Choguel et compagnie ont désormais du mal à dissimuler : amertume et frustration ! Et cela d’autant plus que les animateurs du mouvement rappellent à ceux qui les écoutent encore que «la lutte patriotique du Peuple malien déclenchée le 5 juin 2020» a été confisquée par «un groupe de militaires regroupés» au sein d’un Conseil national pour le salut du peuple (CNSP). Et cela parce qu’ils croient que les «Colonels» devaient aussi leur faire allégeance en s’éclipsant à leur profit dans la gestion du processus parce qu’ils ont «parachevé» l’action du M5-Rfp. Le CNSP apparaissait ainsi un moment comme le «partenaire naturel» du M5-Rfp pour «conduire une transition de rupture avec les pratiques contre lesquelles les Maliens s’étaient dressés à Bamako, à l’intérieur du Mali et dans la Diaspora», a martelé Choguel. C’était oublier que la classe politique actuelle est discréditée aux yeux de tous, y compris de l’opinion internationale à laquelle les contestataires s’accrochent toujours en espérant avoir gain de cause.
La frustration d’avoir tout perdu à force de vouloir tout avoir
«Qui trop embrasse mal étreint», dit-on. A force de vouloir tout contrôler, comme si l’ensemble du pays leur était redevable, les dirigeants du M5 ont tout perdu dans la mise en place des organes de la Transition. Et les revendications formulées la semaine dernière ressemble beaucoup à un baroud d’honneur après avoir intimidé et brandi des menaces en vain. La vie de la nation ne saurait être liée à l’humeur de ceux qui ont toutes les raisons de se taire parce qu’étant en partie responsables des maux dénoncés dans la rue entre le 5 juin et le 18 août 2020.
Convaincu qu’ils n’ont plus la même capacité de mobilisation, surtout sevré de l’aura de leur autorité morale qui s’est aussi brouillé avec sa marionnette, les dirigeants du mouvement jouent au dilatoire en dénonçant par exemple «une complicité objective et une convergence d’intérêts et d’objectifs entre l’ancien régime et les autorités militaires qui dirigent de fait la Transition et qui ont fait main basse sur toutes les institutions et tentent une OPA sur l’ensemble de notre Pays et sur tous les leviers d’exercice de sa souveraineté et sur le processus de réformes politiques et institutionnelles».
Ils dénoncent également, les «pseudo-opérations coup de poing de démolition d’immeubles» et «la tentative rocambolesque d’application de l’Accord issu du processus d’Alger systématiquement mis en œuvre sans réserve aucune»… Une véritable opération de charme pour s’allier tous les mécontents du moment afin de tenter de déstabiliser la Transition en cours. Le M5-Rfp se veut «porteur des légitimes revendications du peuple malien qu’il entend faire aboutir par tous les moyens légaux et démocratiques».
Ses responsables prennent donc leurs propres ambitions politiques comme les vraies aspirations du peuple. Sinon ils auraient dû se remettre en cause après que ces nombreux sondages aient prouvé que la majorité des Maliens était favorable à une transition gérée par les militaires que par la classe politique.
A notre avis, «la refondation et la restauration d’un Mali démocratique, républicain et laïc doté d’une gouvernance responsable et vertueuse» exigent aussi la mue de la classe politique à laquelle les composantes du mouvement ne sont pas visiblement disposées. Et pour eux, la Transition est la meilleure opportunité de réaliser leurs ambitions parce qu’ils savent qu’ils ne feront pas le poids dans les urnes. Sinon pourquoi ne pas prendre leur mal en patience, s’investir sérieusement dans la préparation les futures échéances politiques pour conquérir le pouvoir dans les urnes ? A défaut de Koulouba, la majorité à Bagadadji (Assemblée nationale) peut leur offrir l’opportunité de changer la gouvernance du pays comme ils le souhaitent !
Hamady Tamba
Source : LE MATIN