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Après plusieurs mois, voire années de captivité: Le journaliste Olivier Dubois et l’humanitaire américain Jeffery Woodke libérés hier au Niger

Enlevés respectivement à Gao (Nord du Mali) en avril 2021 et à Abalak, (Nord du Niger) en octobre 2016, le journaliste français Olivier Dubois et l’humanitaire américain Jeffery Woodke ont été libérés, hier lundi 20 mars. Après leur libération, ils ont été acheminés au Niger d’où ils sont censés rejoindre leur pays respectif. Même si les conditions de ces libérations n’ont pas été dévoilées, de nombreuses sources évoquent des contreparties.

En effet, après 711 jours de détention, soit près de deux ans, le journaliste français Olivier Dubois, 48 ans, a été libéré. Son enlèvement a eu lieu, le 8 avril 2021, à Gao où ils devaient rencontrer des responsables du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM) pour des entretiens. Apparemment, tout ne s’est pas passé comme prévu. Depuis son enlèvement, il est apparu à deux reprises, en mai 2021 et mars 2022, dans un enregistrement vidéo dans lequel il affirmait que ses ravisseurs étaient du GSIM, tout en demandant aux autorités françaises de tout faire pour le libérer.

On se rappelle qu’il y a quelques jours, répondant aux questions du journaliste de France 24, Wassim Nasr, l’émir d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Abou Obeida Youssef al-Annabi, avait déclaré qu’il n’était pas hostile à des négociations en vue de la libération du journaliste Olivier Dubois mais que  » la balle était dans le camp des services secrets« . Ce sont sans doute ces négociations qui ont pu conduire à sa libération. En tout état de cause, Olivier Dubois est en apparu en forme, souriant mais visiblement dépassé, vêtu d’une chemise blanche, d’un tee-shirt et d’un pantalon beige. « C’est incroyable pour moi d’être ici, d’être libre », a-t-il déclaré, s’adressant à un petit groupe de journalistes. « Je veux rendre hommage au Niger pour ses compétences dans cette mission délicate et rendre hommage à la France, à tous ceux qui m’ont aidé à être ici aujourd’hui ».

Trois décennies  de vie au Niger 

Quant à l’Américain Jeffery Woodke, 61 ans, libéré hier en même temps qu’Olivier Dubois, il avait été enlevé, le 14 octobre 2016, alors qui travaillait comme agent humanitaire à Abalak, au nord-ouest du Niger, où il résidait depuis près de trois décennies. Son enlèvement n’avait pas été revendiqué, même si tout portait à croire que c’est le GSIM qui est derrière sa disparition. Depuis son enlèvement, il n’était apparu dans aucun enregistrement. Sa femme avait fait une vidéo en 2018 s’adressant au chef du GSIM Iyad Ag Ghali pour demander la libération de son époux. Elle déclarait aussi que les ravisseurs de son mari avaient demandé une rançon de plusieurs millions de dollars, mais que les « restrictions » du gouvernement américain l’ont empêchée de réunir ladite somme. En 2019, l’ancien président nigérien, Mahamadou Issoufou, dans une interview, déclarait avoir des preuves de vie de l’otage sans les dévoiler. Notons qu’après cette libération, à Washington, le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a tweeté qu’il était «  soulagé » de la libération de Woodke.

« Les États-Unis remercient le Niger pour son aide en le ramenant à tous ceux qui lui manquent et l’aiment » a-t-il déclaré.

Des conditions de  libération très floues 

Pour le moment, on ignore encore les conditions ayant permis cette libération, même si l’on sait que le GSIM et ses différentes composantes – toutes liées à Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) – sont très actifs dans le business des otages qui leur rapportent des millions de dollars en plus de leur permettre de faire libérer certains des leurs arrêtés au cours d’opérations antiterroristes. Cela a notamment été le cas en octobre 2021, lors de la libération de feu Soumaïla Cissé et trois otages occidentaux en contrepartie de l’élargissement d’au moins 200 détenus réclamés par le GSIM et le paiement d’une rançon de plusieurs millions de FCFA.

Ainsi, pour le cas de la libération d’Olivier Dubois et Jeffrey Woodke, intervenue hier lundi 20 mars, certaines sources évoquent le paiement d’une dizaine de millions d’euros. Chose que leurs pays respectifs ne confirmeront sans doute jamais. Toutefois, cet événement intervient après les récentes visites effectuées au Niger par le Chef d’Etat-major des Armées françaises, le Général d’Armée Thierry Burkhard (11 mars) et le Secrétaire d’Etat américain Antony Blinken (16 mars). D’ailleurs, ce dernier avait même annoncé une enveloppe supplémentaire de 150 millions de dollars des Etats-Unis pour soutenir l’aide humanitaire dans les pays du Sahel. Hasard du calendrier ou simple coïncidence, c’est en tout cas juste après leur départ de ce pays que leurs deux compatriotes ont été libérés au Niger.

Encore plusieurs  otages au Mali

L’autre question qui reste à poser c’est comment ces otages ont pu être exfiltrés du Mali par les terroristes pour les faire libérer au Niger ? Il y a là, de nombreuses zones d’ombre que le temps permettra d’éclaircir.

Signalons qu’il reste encore de nombreux otages occidentaux et africains toujours détenus au Mali. Parmi eux figure le Roumain Iulian Ghergut, qui détient le triste record de la plus longue période de captivité. Son enlèvement remonte au 4 avril 2015 alors qu’il était officier de sécurité dans une mine de manganèse au Nord du Burkina Faso, près des frontières du Mali et du Niger. Sa dernière preuve de vie remonte à juillet 2017 dans une vidéo du GSIM. Il y a également Arthur Kenneth Elliott, un médecin australien de 82 ans enlevé à Djibo, dans le nord du Burkina Faso, le 15 janvier 2016. Il avait été enlevé avec son épouse Jocelyn Elliott, qui avait été libérée en février 2016. Le couple s’était installé au Burkina Faso depuis 1972. Cet enlèvement a été revendiqué par le JNIM qui a d’ailleurs exposé une preuve de vie du médecin dans une vidéo diffusée en juillet 2017. C’était sa dernière preuve de vie. S’y ajoutent  un couple italien Rocco Antonio Langone et Maria Donata Caivano ainsi que leur fils Giovanni Rangone, âgé de 43 ans, enlevés dans la nuit du 19 au 20 mai 2022, à Sincina, près de Koutiala. Membres de l’organisation Témoins de Jéhovah, ils sont originaires de Potenza, en Italie. Réagissant à cet enlèvement, un porte-parole de l’église des Témoins de Jéhovah du Sénégal a déclaré que le couple et leur enfant vivaient au Mali pour des raisons personnelles et ne sont pas des missionnaires. Depuis leur enlèvement, ils n’ont pas fait signe de vie. Depuis fin 2018, le GSIM diffuse rarement les preuves de vie des otages qu’il détient.

L’avant-dernier otage est surtout un prêtre allemand du nom de père Hans-Joachim Lohre, disparu subitement depuis fin novembre 2022, à Bamako. D’aucuns évoquent un probable rapt – au regard du mode opératoire pour l’exfiltrer de son véhicule alors qu’il revenait nuitamment d’une messe – qui n’a pas été revendiqué. Le dernier otage en date est notamment un Sud-africain répondant au nom de Gerco Van Deventer. Il était apparu dans une vidéo en date du 4 janvier dernier, dans laquelle il se disait  » otage du GSIM « . L’air serein, devant un tapis vraisemblablement fixé à un véhicule, il portait une tenue blanche avec une barbe pleine et s’exprimait en anglais. Dans cette vidéo d’un peu moins de deux minutes, l’orateur affirme qu’il a été capturé en Libye où il travaillait comme ambulancier depuis le 3 novembre 2017 avant d’être transféré au Mali. Avant la Libye, il avait travaillé pendant plusieurs années en Afghanistan où il a occupé plusieurs postes dans le secteur privé.

Ce n’est pas la première fois qu’un Sud-Africain est retenu en captivité au Mali. En 2011, Stephen McGrown a été enlevé à Tombouctou par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) avant d’être libéré en 2017. A l’époque, Pretoria avait déclaré n’avoir versé aucune rançon aux terroristes.

Massiré DIOP

Source: L’Indépendant

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