À Dakar comme à Ziguinchor, des appels à manifester ont suivi l’incarcération de l’opposant. Le gouvernement campe sur sa fermeté pour prévenir « les mouvements insurrectionnels ».
Deux personnes ont été tuées le 31 juillet dans le sud du Sénégal, lors de manifestations qui ont suivi l’inculpation et le placement en détention de l’opposant Ousmane Sonko, candidat à la présidentielle de 2024, notamment pour appel à l’insurrection, a annoncé le ministère de l’Intérieur.
Ousmane Sonko a été inculpé et écroué pour divers crimes, dont l’appel à l’insurrection ayant provoqué des tueries justifiant la dissolution de son parti. À 49 ans, il voit ainsi s’ouvrir une troisième procédure judiciaire à son encontre, qui risque de compromettre encore davantage sa participation à la présidentielle de février 2024.
« Stabilité compromise »
Le ministère de l’Intérieur a annoncé que des « manifestations » ont éclaté dans la ville de Ziguinchor (sud) où « deux corps sans vie » ont été découverts, sans plus de précisions sur les circonstances. Moins de deux heures après l’inculpation d’Ousmane Sonko, le ministre de l’Intérieur Antoine Abdoulaye Félix Diome avait annoncé la dissolution de son parti, le Pastef, justifiant sa décision par ses appels « fréquents » à des « mouvements insurrectionnels » qui ont fait selon lui de nombreux morts en mars 2021 et juin 2023 et entraîné « des actes de saccage et de pillage de biens publics et privés ».
La « stabilité (du Sénégal) est désormais compromise, car le peuple n’acceptera jamais cette ultime forfaiture » du pouvoir contre « le favori » de la présidentielle, affirme le parti de Sonko dans un communiqué. Il a dénoncé un emprisonnement « sous des motifs fallacieux » et dit attendre une « notification » de la dissolution « anti démocratique » pour l’attaquer par des « voies légales ».
« Je me soumettrai, comme toujours, à la volonté divine »
« C’est une farce », a réagi Me Ciré Clédor Ly au placement en détention de son client pour huit chefs d’accusation, dont « appel à l’insurrection, atteinte à la sûreté de l’État, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste » et « complot contre l’autorité de l’État ». L’avocat a dénoncé « un dessein qui a été formé, réfléchi, planifié et qui a été exécuté ».
L’opposant poursuit sa grève de la faim, entamée le 30 juillet, ont dit ses avocats. Ils n’ont pas précisé le lieu où il allait être incarcéré. « Je viens d’être injustement placé sous mandat de dépôt. Si le peuple sénégalais, pour qui je me suis toujours battu, abdique et décide de me laisser entre les mains du régime de Macky Sall, je me soumettrai, comme toujours, à la volonté divine », a réagi Sonko sur les réseaux sociaux.
Des heurts sporadiques ont éclaté le 31 juillet au soir, aux Parcelles assainies, dans la banlieue, où des jeunes se sont attaqués aux forces de l’ordre qui les ont dispersés avec des gaz lacrymogènes. « Libérez Sonko ! », ont-ils scandé en brûlant des pneus et érigeant des barrages de pierres sur la chaussée.
Les autorités sénégalaises ont par ailleurs coupé temporairement l’accès à internet sur les téléphones mobiles en mettant en avant la « diffusion de messages haineux et subversifs » sur les réseaux sociaux, après les appels à manifester. Amnesty international a dénoncé cette restriction, qu’elle considère comme « une atteinte à la liberté d’information ».
jeuneafrique (Avec AFP)