ANTON OP DE BEKE est le Représentant Résident du Fonds Monétaire International (FMI) au Mali depuis octobre 2013. Au service du FMI depuis longtemps, son ambition est aujourd’hui d’aider le Mali dans ses relations avec la FMI. Il a plus de 25 ans de carrière au FMI et avant d’être Représentant Résident au Mali, il a travaillé dans d’autres pays en Afrique comme le Congo Brazzaville, le Gabon, le Tchad et l’Angola. Mais c’est la première fois qu’il est Représentant Résident en Afrique et ANTON OP DE BEKE est très content d’être ici, au bord du Djoliba. Il est d’un commerce très facile, nous l’avons rencontré dans ses bureaux à la Dette publique, au quartier du fleuve. C’est un partisan du développement du Mali qui nous a parlé. En exclusivité !
Le Républicain : La Directrice du Fonds monétaire international était au Mali du 8 au 10 janvier. Quelle signification donner à cette visite ?
ANTON OP DE BEKE : Madame la directrice générale se rend dans les pays membres, de temps en temps pour se familiariser avec les réalités sur le terrain. En général, elle visite des pays sur tous les continents et chaque année, elle a l’habitude de visiter deux pays en Afrique. Cette fois-ci, c’était le Kenya et le Mali. Les pays qu’on sélectionne sont en général des pays avec des activités et des relations intenses avec le FMI. Et pour le Mali c’est clair. C’était le programme de transition que nous avons soutenu avec notre facilité de crédit rapide, et maintenant au mois de Décembre, notre conseil a approuvé un nouveau programme triennal sur la facilité élargie de crédit (FEC). Un nouveau programme FEC sur trois ans avec le Mali ; ce sont des atouts et elle voulait s’informer personnellement de la situation au Mali.
Quel message a-t-elle lancé au gouvernement et aux acteurs économiques maliens ?
Dans son discours, Mme Lagarde a résumé ce message dans les trois ‘’P’’. Elle a souligné l’importance des investissements public comme premier P ; et le rôle essentiel que joue le secteur privé comme deuxième P ; la nécessité de cibler une croissance partagée comme troisième P. Elle a parlé des besoins de mobiliser plus de ressources internes pour financer ces investissements et là, il y a des opportunités à réduire l’évasion des impôts. Cela s’adresse aussi au niveau des exonérations. Pour le secteur privé, c’est une question d’améliorer le climat des affaires. Mme Lagarde s’est réjouie de l’importance que le gouvernement attache à la lutte contre la corruption pour améliorer la bonne gouvernance. Pour la croissance partagée, elle a mis l’accent sur la nécessité d’inclure les femmes, de bien utiliser tous les potentiels que constituent les femmes dans le développement du pays.
Quel regard le FMI jette-t-il sur le secteur informel malien ?
Le secteur informel est le secteur qui n’est pas formellement imposé. Sinon il y a une potentialité pour agrandir l’assiette, c’est à dire agrandir le nombre des opérateurs économiques qui sont couverts par les impôts. Le secteur informel est une partie très importante de l’économie. C’est un secteur très dynamique, qui génère des emplois et contribue au bien -être des gens. Ce secteur doit aussi contribuer au financement des services publics.
En plus de ce secteur, y a-t-il d’autres opportunités d’agrandissement de l’assiette dans notre pays ?
On peut parler des secteurs agricoles mais le plus important, c’est de réduire le secteur informel. Il y a une potentialité pour agrandir les ressources internes.
Le secteur agricole est multiforme, parlez-vous exclusivement de l’agro- industrie ?
Je parle en général des secteurs agricoles qui occupent une place importante dans l’économie. Il faut trouver des moyens afin que ce secteur aussi contribue selon ses capacités, aux financements de l’Etat.
Quelle est votre lecture de l’état actuel des Finances publiques du Mali ?
En tant que représentant du FMI, j’échange avec les services publics tous les jours. Je connais maintenant beaucoup de fonctionnaires à titre personnel. Je les trouve très sérieux et très professionnels. En général, je trouve la gestion des fonds publics prudente et rigoureuse. La preuve est que pour notre plan triennal, nous avons adopté la loi de finances 2014 comme base. Nous avons discuté (septembre-octobre) les lois avec le gouvernement et on a conclu que si cette loi est mise en œuvre comme prévu, elle servirait de bonne base pour ce programme. C’est un budget qui assurera la sécurité macroéconomique. Les dépenses sont en ligne avec les recettes. Le gouvernement est soucieux de ne pas trop s’endetter. Ce n’est pas le cas dans tous les pays. On ne peut pas simplement adopter un budget comme base, il y a souvent des ajustements à faire dans le budget.
Parlez-nous un peu de ce de ce programme triennal ?
Il a deux composantes. Il y a d’abord cette politique qui doit assurer la stabilité macroéconomique, c’est-à-dire garantir un taux d’inflation assez bas. Mais aussi prévenir les arriérés internes et externes et veiller sur la position d’endettement du gouvernement. Secundo nous avons les reformes. Le gouvernement s’est engagé à continuer à reformer les finances publiques (recettes, qualité de dépenses, trésorerie, renforcer le système bancaire et d’améliorer le climat des affaires). L’importance de ce programme est que le service du FMI retourne chaque semestre pour faire une évaluation afin de s’assurer que le programme est mis en œuvre. Et ce sont ces évaluations semestrielles qui donnent lieu à un rapport qui est soumis à notre conseil. Et cela donne de la rigueur au programme. Dans ce rapport, les services décrivent en détails comment les programmes ont été mis en œuvre. Et c’est sur la base de ce rapport que le conseil approuve le prochain décaissement. Le programme est bâti sur des décaissements semestriels conditionnés à ce rapport. Les partenaires techniques et financiers regardent ces évaluations du FMI. Pour eux, ce sont des bons indicateurs et ça les encourage à continuer leurs appuis au gouvernement du Mali. C’est comme cela que le FMI aide les PTF (partenaires techniques et financiers) à aider les pays. Il faut que le conseil approuve pour qu’il y ait un prochain décaissement.
En même temps c’est une démarche prudente… s’assurer que le programme est appliqué ?
C’est exact. C’est pour ça que les montants que prêtent le FMI ne sont pas très grands. Pour tout le programme triennal, le montant est de 23 milliards de FCFA. Il y a des PTF qui contribuent beaucoup plus. L’important est qu’avec ce montant toute la procédure de prudence nous oblige à faire ces évaluations semestrielles, à rapporter franchement à notre conseil ; et le gouvernement peut l’utiliser pour crédibiliser sa politique vis-à-vis de la population malienne et vis-à-vis des PTF.
Le Mali s’est doté d’un pouvoir élu, y a-t-il eu une amélioration perceptible dans la gestion des finances publiques par rapport à la transition?
Oui je crois. Je suis très encouragé par l’accent sur la transparence, que le nouveau gouvernement, le Président de la République et le Premier ministre, mettent dans leur programme d’action. La transparence est extrêmement importante afin que le gouvernement rende compte aux citoyens. C’est à travers la transparence que les citoyens peuvent contrôler le gouvernement.
Comment garantir cette transparence et le climat de confiance, pour qu’il ne s’agisse pas de simples déclarations d’intentions ?
Il y a deux procédés à la transparence. C’est d’abord la capacité des citoyens de contrôler pour que le gouvernement rende compte. Et l’autre, c’est d’engager la population dans les décisions économiques. Cela améliore la qualité de la politique économique, à mon avis. Pour cela, je soutiens fortement cette initiative. Par exemple : le gouvernement s’est accordé de nous permettre de publier nos rapports d’assistance technique. Donc vous pouvez trouver maintenant sur le site web du FMI, dans les sections Mali, des rapports où les experts du FMI regardent les différents aspects de l’opération de finances publiques et où ils font des conseils sur l’exécution budgétaire, les recettes, les impôts, la douane etc. Je crois que cette intention est sincère. Maintenant c’est une question de publier d’une manière efficace toutes les informations qui sont déjà disponibles. En plus de créer des informations utiles qui ne sont pas disponibles pour le moment mais qui seraient utiles pour le citoyen à travers des intermédiaires comme la presse afin qu’elle informe le grand public.
Réalisé par Boukary Daou
Source: Lerepublicainmali