Retour sur la sombre année du M5 RFP
Sous la bannière du chérif de Nioro, Mohamed Ould Cheikhna dit Bouyé Haïdara et de l’ancien président du Haut Conseil islamique(HCIM), Mahmoud Dicko, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées à Bamako sur la Place de l’indépendance, vendredi 5 juin 2020, avec un mot d’ordre brandi en ultimatum : la démission du président de la République et de son régime. Par-delà des adeptes et alliés politiques du duo Bouyé-Dicko, l’appel à la démission a été porté par un triumvirat composé du mouvement Espoir Mali Koura, du Front pour la Sauvegarde de la Démocratie (FSD) et de la CMAS auquel le MPJ Faso Yelen s’est aujourd’hui substitué. Cet appel finira par trouver un écho et un accueil favorables au sein des forces vives à travers Anko Mali Dron, les mouvements FASODE, le MDP, les deux Centrales syndicales (CDTM et de la CSTM). Les partisans d’Oumar Mariko du Sadi, de Pr Clément Dembélé, de Moussa Sinko Coulibaly et de Modibo Koné se joindront ensuite à la vague en même temps que les enseignants venus réclamer l’application de l’article 39, les électeurs et candidats frustrés par la tournure spectaculaire des derrières législatives, des jeunes chômeurs, etc. Après trois mois de lutte sous le soleil, les coups de matraques et jets de gaz lacrymogène, des dizaines de blessés et morts, un groupe de colonels, avec à leur tête Assimi Goita décidé de parachever le combat du M5, le 20 aout 2020. Conduit manu-militari à la garnison de Kati, le Président IBK finira par signer sa démission. Le M5, qui se croyait au bout du tunnel, s’est vu détrôner par les colonels putschistes réunis au sein du CNSP. Contre toute attente, il est écarté de l’élaboration de la charte, du processus de désignation du Président et du Premier ministre de la Transition. Pire, aucun de ses membres, en dehors peut-être de la branche Mohamoud Dicko, n’a été sollicité pour un poste de responsabilité dans le gouvernement. Et depuis, la crème restante du M5 s’est mise dans une position irréversible de rectification de la trajectoire que les colonels ont ouverte. Il a fallu 9 mois pour qu’on leur donne ce qui leur revient de droit. En effet, sentant le pouvoir leur échapper, Assimi et compagnons ont décidé de déposer le Président de la transition Bah N’Daw et son Premier ministre Moctar Ouane afin de procéder à la rectification réclamée par le M5. Et pour couronner le tout ; les colonels ont décidé de confier les rênes de la primature au M5 de Choguel K Maiga.
Primature, l’offre politique qui rassemble à nouveau le M5 original
Sans atteindre la taille des manifestations de 2020, le M5 n’aura pas perdu le pari de la mobilisation. L’absence des deux figures religieuses et l’offre politique des colonels sont surement passées par là. Les manifestants, issus de divers horizons, scandaient à perte de vue des slogans «vive le président Assimi, vive le M5, vive le Mali, vive l’armée malienne », tandis que sur les pancartes on pouvait lire « Assimi Goita la jeunesse du Mali est avec vous, Assimi Goita l’incarnation du tournant générationnel, soutien au Famas, la relecture l’accord d’Alger gage d’une paix durable pour la nation malienne, un peuple du Mali réclame un accord militaire avec la Russie». Bizarrement aucun des manifestants n’a pensé à la France, à Barkhane et à la Minusma, pour l’une des rares fois lors d’une manifestation. Et ce malgré la tentative de l’Hexagone de porter une sanction des Nations Unies contre le Mali et sa décision de suspendre sa coopération militaire. Autant dire que les organisateurs n’ont rien laissé au hasard.
Choguel Kokalla Maïga pique et rassure…
Le leader de la coalition M5-RFP Chogel Kokalla Maïga prononce un discours devant des manifestants à Bamako, le 4 juin 2021.
Alors qu’il est pressenti pour succéder à Mocatar Ouane, Choguel K Maïga, dans sa peau de Premier ministre, a déclaré lors du meeting, que le Mali, par pragmatisme tiendrait ses engagements internationaux. “Nous respecterons nos engagements internationaux qui ne sont pas contraires aux intérêts fondamentaux du peuple malien”, a-t-il dit, tout en ajoutant qu’ « il n’y a pas d’engagements internationaux connus de tous qui soient fondamentalement contre les intérêts du Mali ».
A l’endroit de la communauté internationale, il dira que les sanctions et menaces ne vont que compliquer la situation. En effet, selon lui, le peuple du Mali a besoin qu’on lui tienne la main pour qu’il se sente debout, trouver sa dignité, son indépendance, sa souveraineté et son unité. Des paroles pour rassurer Paris qui, à la veille, a annoncé sa décision de suspendre toute coopération militaire avec les forces maliennes, après deux coups d’État. Choguel en a profité pour lancer des piques voilées en direction de la France en rappelant que c’est sur la même place de l’indépendance que le Président français François Hollande a déclaré qu’en aidant le Mali, la France ne fait que payer sa dette.
Putatif PM de la transition, Choguel a tenté également de jouer au rassembleur des Maliens autour de la patrie «le Mali», travers des messages que son futur employé l’aurait chargé de transmettre au peuple malien et à celui de son M5. «Les militaires et le M5 RFP ont scellé un partenariat pour une transition inclusive», a lancé Choguel avant de rassurer, au nom d’Assimi Goita, qu’aucun Malien ne sera laissé au bord de la route. Et ce n’est tout. Selon Choguel, le Président de la Transition, en attendant son adresse à la nation, l’a chargé de dire au M5 et au peuple malien que ses espoirs de réussite reposent. Assimi Goita l’aurait également chargé d’inviter le peuple malien à faire preuve d’humilité, de détermination et d’esprit de discernement pour ne pas confondre les priorités ou prendre en compte les rapports de force dans les décisions à prendre. Et comme pour faire la promotion de sa personne, Dr Choguel a prévenu en ces termes : «Nous rencontrerons des tempêtes, des cercles de feu que nous allons traverser pour conduire le peuple malien vers des horizons les plus heureux»
Cependant, l’héritier politique du Général- président Moussa Traoré n’a pas omis de rendre un hommage appuyé à son mentor idéologique, en invitant la foule de rendre un hommage à ce dernier. Cette phrase de Choguel semble être adressée à des leaders du mouvement démocratique, qui même après sa mort, refusent de pardonner à Moussa Traoré.
Amidou KEITA