Avec la décentralisation qui permet le transfert par l’Etat aux collectivités locales d’un certain nombre de compétences qui étaient initialement du ressort de celui-ci, le développement et la démocratie se délocalisent. Ils cessent d’être l’affaire seulement de l’Etat et des partis politiques pour devenir l’affaire aussi des populations, des citoyens. Le droit et le devoir de participer vont désormais se nourrir du droit et du devoir de veille sur la gestion des affaires de la collectivité, car avec la décentralisation chaque collectivité locale, avec les populations locales qui y vivent, a désormais la possibilité de construire son destin, c’est à dire de le concevoir et d’organiser la mobilisation et la mise en œuvre des moyens de sa réalisation. Et, c’est de la vitesse de ce processus de construction et de la tangibilité des résultats acquis que dépendra surtout le développement local.
Plusieurs facteurs entrent en jeu pour déterminer la vitesse du processus : la qualité des ressources humaines existantes, les capacités d’accumulation de l’activité économique, le niveau d’aspiration des acteurs économiques, la nature de la demande sociale et la force de pression de la société civile, le niveau de participation et d’adhésion des populations aux grandes décisions, les domaines de compétence transférée à la collectivité et le degré d’autonomie dont celle-ci dispose, etc.
Cette vitesse, en définitive, peut se concevoir comme la résultante de diverses forces, tantôt contradictoires, tantôt synergiques, qui s’articulent et se conjuguent à des degrés et à des niveaux divers. Et le rôle des organes dirigeants des collectivités locales devient alors celui d’un manager consistant à réguler le jeu des forces, à ajuster réciproquement les divers intérêts en compétition, mais aussi et surtout à créer continuellement les meilleures conditions qui soient dans les domaines qui sont de son ressort pour générer un progrès réel et une élévation des niveaux de satisfaction.
La démocratie n’est pas seulement l’existence formelle des libertés humaines fondamentales qui permettent aux citoyens de participer de façon significative au processus de prise de décision dans les affaires de la cité, mais elle est aussi la garantie réelle et effective assurée par l’Etat de la pratique par les citoyens de ces libertés mêmes. Or, cette pratique dépend de conditions qui doivent être assurées en amont, surtout dans des domaines stratégiques tels l’éducation et la formation, l’information, l’emploi, etc., dont le niveau de généralisation et d’impact conditionne, non seulement, la compréhension des règles de la démocratie, mais aussi de l’enjeu des droits pour le changement social qui la constituent. Ceci veut dire que l’état de la démocratie dans un pays donné est fortement conditionné par le comportement de ces variables et leur impact aux niveaux social et mental. C’est quand la démarche et sa pratique conséquente deviennent un fait culturel qu’elles constituent véritablement un facteur de développement. Cette démocratie est à conquérir ou à parfaire là où ces conditions premières ne sont pas satisfaites. Ceci pose toute la problématique de la construction et de la perfectibilité de la démocratie, surtout dans les pays en voie de développement.
De ce point de vue, la question de la transparence dans la gestion des affaires de la collectivité locale va susciter des attitudes et des réactions différentes chez les différents acteurs du processus du développement, selon qu’elle se rapporte à tel ou tel domaine de gestion.
Quelles sont les catégories d’acteurs en présence et en compétition dans les collectivités locales ? Et quelles sont, notamment, celles qui sont susceptibles d’avoir un intérêt réel pour la transparence ? Cette dernière question, surtout, mérite d’être posée, car c’est de sa réponse que dépendra la définition du profil des acteurs susceptibles d’être les éléments moteurs du mouvement pour la transparence dans la gestion des affaires locales.
Par ailleurs, les réalités sociales, économiques, etc., n’étant pas les mêmes d’une collectivité locale à une autre, les dynamiques sociales y seront par conséquent également différentes. Mais, ce qui est important de savoir, c’est que selon les caractéristiques spécifiques de la collectivité locale, en terme de dynamique sociale, les domaines et objets sociaux auxquels se rapportent les tensions et conflits en rapport avec la façon dont les affaires de la collectivité sont gérées ,varient également.
Cette analyse doit permettre une meilleure compréhension des enjeux de la décentralisation, de la démocratie et des questions de transparence, ce qui facilite l’élaboration de mesures ou d’actions de rectification, quand celles-ci portent sur ces domaines sensibles comme la transparence budgétaire.
De ce fait, pour créer les conditions de l’émergence et du développement d’une culture de la transparence dans les domaines de gestion des collectivités locales quelques mesures mériteraient d’être prises.
L’Etat du Mali, à l’aune d’une ère nouvelle, pourrait et devrait s’inspirer de son voisin sénégalais dans la voie d’un développement basé réellement sur une transparence et une bonne gouvernance accrues de sa gestion des collectivités locales.
Abdoulaye A. Traoré