L’école du colonisateur fut créée dans le but d’acculturer les Africains et de les préparer à servir l’occident avec un esprit de servitude. Le colonisateur a réussi sa mission dans la mesure où les premiers intellectuels furent divisés en deux groupes distincts: une minorité qui est restée fidèle aux valeurs africaines et une majorité écrasante qui a perdu son identité africaine.
De nos jours encore nous rencontrons ce fléau qui jalonne progressivement la formation des jeunes africains. Au lieu que l’école soit une lanterne pour éclairer les jeunes Africains, elle crée de plus en plus un abime entre la jeunesse et les valeurs africaines. En effet certaines questions s’avèrent nécessaires :
Quel est le but ultime de la formation scolaire ? L’école africaine offre — t — elle aux étudiants la clé d’une émancipation intellectuelle ? Que manque-t-il à la formation des jeunes ?
- Le but ultime de la formation scolaire :
Le but ultime de la formation scolaire est la connaissance. Cependant, il y a différents niveaux de connaissance dont le sommet est la connaissance de soi. On a beau acquérir le savoir si la connaissance de soi manque, l’immense savoir acquis devient un géant au pied d’argile. Ainsi les sages africains font la différence entre l’intellectuel et le sage. La connaissance a trois grandes variantes dont : le savoir, le savoir-être et le savoir-faire. Le savoir est le fruit de l’intellect ou encore la capacité intellectuelle qui se mesure au bagage acquit pendant la formation académique. Le savoir-être est lié à la conduite que l’on affiche dans la vie quotidienne. Le savoir-faire est l’habilité ou encore la technicité avec laquelle on agit fasse à une situation donnée.
Eu égard à ce qui précède, on voit clairement que le concept de la sagesse est si profond en Afrique et qu’il constitue la pierre angulaire du tissu social. Qui est donc sage en Afrique ?
Celui qui se respecte :
Le respect de soi conduit au respect d’autrui. Ce qu’on aimerait que les autres fassent pour nous, nous devrions faire le premier pas dans ce sens. Le sage sait ce qu’il fait, quand il le fait et où il le fait. Il s’agit fondamentalement de circonscrire ses actes de façon autonome. Le respect d’autrui conduit à la protection de l’environnement qui est un milieu commun. Cette démarche triangulaire interprète la relation entre l’individu, son prochain et la société.
Celui qui est utile à soi et à autrui :
On dit couramment que la charité bien ordonnée commence par soi-même. Personne ne peut être utile à autrui s’il ne l’est à lui-même. Pour vaincre la vie parasitaire, l’individu doit compter sur soi et voler de ses ailes. Cela commence à l’école lorsque l’élève cultive son esprit à la recherche de l’excellence. Tout élève qui vole son résultat volera son État. Les notes de complaisances créent une dépendance morbide chez l’élève et étouffe ses potentialités et sa capacité intellectuelle.
Celui qui a une personnalité :
La personnalité n’est pas innée, elle se crée, elle se forge, elle s’entretient. Les hommes se distinguent, se singularisent par leur personnalité. L’école est un cadre réel pour permettre aux apprenants de découvrir leurs potentialités et de les incarner. À partir des savoirs acquis, on doit pouvoir se rendre utile par une personnalité que l’on se forge pour le bien de la société.
En fait la personnalité est la capacité de dire oui ou non quand il le faut. A ce niveau on cesse de se compromettre, quel que soit le contexte dans lequel on se trouve. La personnalité offre à l’individu un cadre de jugement à ses collaborateurs de son vivant comme après sa mort.
- La clé d’une émancipation intellectuelle :
L’Afrique est un beau continent qui est très riche par sa diversité culturelle, ethnique, géographique… Cependant l’image qu’ont donnée les détracteurs de l’Afrique est horrible et repoussante. Les racistes nous traitent de primitifs, de mendiants, de misérables.
Certains de ces constats sont justifiés malheureusement par certains Africains qui sont eux-mêmes les ennemis de l’Afrique. En tant que citoyens africains nous avons tous le mandat de changer ces perceptions négatives de notre chère l’Afrique. Certaines démarches sont indispensables pour y parvenir :
La prise de conscience :
La jeunesse africaine souffre de trois maux : l’inconscience, l’insouciance et l’indifférence. Ces trois maux doivent inéluctablement trouver leur solution à l’école. La première mission de l’école c’est de produire un éveil de conscience chez l’élève. La prise de conscience crée une soif qu’on peut nommer le souci de s’assumer. Celui qui s’y engage ne saurait croiser les bras en spectateur, il agit nécessairement. L’heure n’est plus à la dénonciation du temps colonial, mais à un éveil spirituel pour éviter que le pire ne se reproduise. Si chaque élève malien s’engage à marquer son temps avec une ambition noble dans un demi-siècle, le Mali sera un pays émergent. Si chaque élève est résolu à combattre la corruption sur son banc d’écolier, nous aurons dans un futur proche des fonctionnaires qui auront pour totem le denier public et les dessous de table.
L’amour de la patrie :
Thomas Sankara en son temps a révélé le secret du développement de l’Afrique à travers son slogan : « La patrie ou la mort, nous vaincrons. » Ce slogan n’est pas que BURKINABE, il est universel. Il s’agit d’être déterminé à défendre les intérêts de sa nation par amour pour la nation. Certains langages communs sont des venins mortels à cause du dégât que cela pose inconsciemment, mais qui détruit réellement. J’entends les gens dire souvent que le Malien n’est pas sérieux quoiqu’ils soient eux-mêmes maliens. Les militaires qui stipulent que si on meurt pour le Mali on est mort pour rien. Ces propos mensongers démotivent, désorientent les citoyens dans leurs initiatives personnelles. Le nord du Mali n’est pas tombé parce que les militaires étaient incapables. Il est tombé parce que les militaires étaient démotivés pour plusieurs raisons en l’occurrence le mauvais exemple des chefs militaires, l’injustice dans la sélection et bien d’autres motifs.
Une idéologie nationaliste :
Les idées régionalistes freinent le développement de l’Afrique de façon générale. Les rébellions en Afrique naissent toujours sur la base des idées régionalistes qui sont exploitées par les ennemis de l’Afrique. Il est temps que des conceptions nationalistes soient rependues d’une part dans le programme éducatif de nos pays, et d’autre part vécues par les responsables et les acteurs politiques. Il ne suffit pas de dire par exemple que le Mali est un et indivisible, il s’agit de le vivre. Au-delà de nos appartenances ethniques et de confessions religieuses, nous sommes fils d’un même pays qui appartient à tous et qui attend la contribution de tous.
- Ce qui manque à la formation scolaire :
L’apport de l’école dans le changement de l’étoile de l’Afrique est d’une immense importance. Il appartient à l’école de combler les besoins précédemment cités comme : l’amour de la patrie, la prise de conscience et la formation idéologique. Pour y parvenir, il faut impérativement changer le contenu du programme éducatif en l’adaptant à la réalité africaine et aux besoins des Africains. C’est le contenu du programme qui va propulser l’Afrique en avance et émousser progressivement les tares de la colonisation. Malheureusement l’école est utilisée par les hommes politiques comme un moyen de pression pour satisfaire leurs besoins égoïstes.
Mieux, l’école devrait être aussi un lieu de découverte de talents qui dorment dans chaque apprenant. L’homme est comme un grain de blé, de maïs, d’une céréale quelconque. Le grain est un assemblage de possibilités, de potentialités à l’état virtuel. Le grain d’arachide par exemple est l’huile, la pâte, un apéritif en puissance. De même chaque homme possède en lui un assemblage de compétences si riches et si diverses qu’il est obligé de faire une sélection selon le besoin qui s’impose. Car nous avions dit précédemment que le sommet ultime de la connaissance est la connaissance de soi. Avec le contenu que nous avons, la connaissance de soi est juste un rêve utopique. Cela interpelle les acteurs de l’éducation et tous ceux qui rêvent de voir l’émergence de l’Afrique. L’enseignant doit être vigilant afin d’aider les élèves à découvrir leur potentialité.
Conclusion :
L’école est un outil précieux entre nos mains pour changer la destinée de l’Afrique et des Africains. L’homme est un être qui se construit, qui se forme. L’école est donc un moyen sûr pour y parvenir si seulement les acteurs de l’éducation prenaient conscience des vertus de l’éducation dans ce contexte. Quant aux élèves africains, ils doivent avoir une autre perception de l’école qui n’est pas que l’obtention des notes, mais aussi la formation de leur personnalité. Les élèves ont besoin de faire confiance aux éducateurs et de se soumettre volontiers aux principes de l’école.
Dr Yacouba COULIBALY
Professeur de philosophie et chercheur en science politique.
SOLONI