Le 4 septembre prochain, le président Ibrahim Boubacar Kéita aura bouclé exactement deux ans à la tête du Mali. Plébiscité en août 2013 par une écrasante majorité de ses compatriotes à la présidence de la République, IBK n’a pas encore comblé les attentes de ses concitoyens. Le chef de l’Etat a, certes, déployé des efforts immenses par rapport à la sortie de crise en parvenant à signer l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, mais les avis restent mitigés sur la gestion.
Après deux ans d’exécution d’un bail quinquennal, l’on peut se permettre, à défaut d’un bilan exhaustif, de jeter un regard dans le rétroviseur pour jauger le parcours. Et, comme le disent les sages, le bon arbuste, après deux de ses cinq années de saison, devrait se signaler ne serait-ce que par quelques bons fruits ! Cela ne semble pas être le cas pour le régime IBK. Des difficultés monstres jalonnent le parcours ! Des scandales ahurissants meublent la marche ! Point besoin de revenir sur les faits majeurs qui sous-tendent ce constat partagé par certains acteurs politiques.
En effet, même au sein des alliés politiques du chef de l’Etat, l’on n’arrive plus à cacher sa déception. Un député RPM de Sikasso (ayant requis l’anonymat) confiait récemment, commentant l’affaire des engrais dits frelatés, qu’il a l’impression que ce n’est pas le même IBK qui est à la tête du pays. Avant d’ajouter que la physionomie du prochain gouvernement post-Accord de paix lui dira s’il faut garder espoir ou s’il faut désespérer de ce quinquennat. Certains députés et cadres politiques proches du locataire de Koulouba, plutôt superstitieux, vont jusqu’à dire que IBK a été simplement «envoûté» au point d’être méconnaissable dans sa gestion du pays. D’autres ajoutent qu’il n’a pas d’emprise sur la gouvernance générale car mal entouré et presque «pris en otage» par qui, Dieu seul sait…!
Scepticisme dans les rangs des alliés
Dans une récente interview accordée à notre confrère Marchés Africains, le président du Parti citoyen pour le Renouveau (PCR-les libéraux), Ousmane Ben Fana Traoré n’a pas pu dissimuler son scepticisme quant à la gestion du pays. A la question de savoir s’il est » satisfait » de la conduite des affaires du pays deux ans après son ralliement au candidat IBK, ce candidat malheureux à la présidentielle 2013 dont le parti est membre de la majorité présidentielle a préféré se dire optimiste. »Le président IBK a hérité d’un pays divisé et ravagé… Deux ans, le temps passe vite. Mais j’ai la conviction que le président IBK comprend les enjeux. Il reste digne de confiance. A Rotterdam au Pays-Bas, à Marrakech au Maroc et récemment à Zurich en Suisse lors de rendez-vous importants des libéraux du monde, j’ai constamment demandé un soutien pour mon pays. Le président IBK est un homme à poigne, avec une solide réputation d’homme de parole. Sincèrement, je suis optimiste « , a-t-il déclaré. Non sans donner l’impression d’être embarrassé, puisque n’ayant pas répondu véritablement à la question.
D’autres leaders de la majorité au pouvoir n’hésitent pas à pourfendre le régime pour annoncer que le changement attendu ne se fait pas voir. Tel est le cas du député et président du parti SADI, Dr Oumar Mariko, pour qui, IBK doit revoir son mode de gestion du pays et chercher à délester son entourage de certains ministres se préoccupant plus de leurs intérêts qu’autre chose. Il a dans sa ligne de mire le ministre Sada Samaké à qui il a conseillé de « reprendre le chemin du bois « dont il estime avoir été retiré par sa nomination au gouvernement.
Désillusion ailleurs
Même l’ex-Premier ministre Moussa Mara trouve que le Mali a un problème de leadership. Ce qui sous-entend qu’il n’est apparemment pas satisfait du leadership de celui dont il a été un très proche collaborateur durant plusieurs mois. Avant lui, Oumar Tatam Ly avait aussi pris ses distances pour… déception ou plus une désillusion.
Du côté de l’opposition, point besoin de souligner que la déception est à son comble. Et Tiébilé Dramé du PARENA disait dans les colonnes de Marchés Africains ceci : « Vous ne rencontrerez personne au Mali qui vous dira qu’il est satisfait de la gouvernance du président IBK. Si vous en rencontrez, donnez-moi des signalements ! « . Mais ce que cet opposant a oublié c’est qu’au moins IBK lui-même devrait être satisfait de sa conduite du pays. Si ce n’est pas le cas, qu’attend-t-il pour rectifier le tir et surprendre agréablement ses compatriotes
Efforts réels et louables pour sortir le pays de la crise
Il faut tout de même reconnaître que la tâche du président IBK est simplement immense. Le Mali était, en effet, tombé dans un gouffre abyssal avec un Etat quasiment en déconfiture. Le chef de l’Etat devait alors engager un combat herculéen contre les mauvaises pratiques telles que la corruption, le laxisme et le laisser-aller, avant de poser les jalons du processus de paix ayant en face de lui des groupes terroristes et jihadistes des plus bellicistes.
On peut donc mettre au compte des déceptions actuelles les effets complexes de cette crise multidimensionnelle, qui ont grevé la gestion des affaires publiques. Avec un président, qui n’a pas toujours la main heureuse dans le choix porté sur certains de ses collaborateurs. Ce qui ne doit pas dédouaner une gouvernance plus critiquée qu’applaudie
Pour ce qui concerne les organisations de la société civile, le constat n’est pas brillant : les religieux et autres associations de défense des droits humains et des consommateurs se disent déçus par le mal-vivre, la rareté de l’argent, la hausse des prix des denrées comme celui de la viande, etc. Ils constatent que le pays s’enlise dans la crise sécuritaire, alors que tous les Maliens pensaient que seul IBK était l’homme de la solution.
Comme on le voit, même si le pays avait plongé dans une crise sans précédent, deux ans de gestion rigoureuse appuyée sur l’immense solidarité dont le Mali a bénéficié devraient faire estomper les doutes. Ce n’est pas encore le cas. C’est la satisfaction qui manque le plus ! L’on doit alors croiser les doigts et invoquer les dieux de la bonne gouvernance à venir au chevet du Mali. Pour le mieux-être attendu. Légitimement.
Bruno D SEGBEDJI
Source: L’Indépendant