La cérémonie d’ouverture de la journée a été une tribune pour Amadou Ousmane Touré (le Président de la Cour constitutionnelle) pour faire l’état des lieux de son Institution. A ses dires, un inventaire des lieux depuis l’adoption de la Constitution de 1992 à nos jours, serait une excellente chose, car, de cet inventaire pourrait naitre les termes de référence, pour un changement qualitatif de la Cour constitutionnelle du Mali qui est la moins bien connue et la mal comprise tant de l’opinion publique que de la plupart des professionnels des médias. D’où l’organisation de cette journée d’échange avec la presse pour que la Cour constitutionnelle soit mieux comprise et ainsi devenir utile, une alliée des médias, sans aucun compromis et dans le respect réciproque de son indépendance et de de la liberté de la presse ! Pour lui, ” il ne sera plus question pour la Cour constitutionnelle de se replier sur elle-même, de se retrancher derrière des “arrêts rideaux”, pour dénier le droit à l’information”.
Dans son intervention, il a fait savoir que la Cour constitutionnelle est juge de la constitutionnalité des lois et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des Pouvoirs publics. Il a informé qu’après leur prise de fonctions à la Cour constitutionnelle et conformément aux bonnes pratiques en cours, ils ont voulu commanditer un audit institutionnel et organisationnel afin d’évaluer d’une part, le cadre juridique en déterminant les dispositions législatives et réglementaires inadaptées, incomplètes ou désuètes ou aux applications extrêmement sensibles, et d’autre part, la structure organisationnelle relative aux fonctions support. Mais, par manque de moyens financiers, a-t-il souligné, cette importante activité pour tracer leur vision et leurs lignes de force dans la conduite de la gestion institutionnelle et juridictionnelle de la Cour constitutionnelle n’a pu se réaliser.
Selon lui, les résultats attendus de cet audit auraient été certainement, entre autres, la mise en place d’une stratégie de communication et son plan d’actions. “Nous avons voulu cette journée d’échange avec les femmes et les hommes des médias pour engager une nouvelle politique de communication institutionnelle qui concernera, les uns après les autres, tous les acteurs et observateurs du contentieux électoral. Pour ce qui est de la communication juridictionnelle, elle est déjà réalisée par les arrêts rendus par la Cour. En effet, un Arrêt rendu par une Cour constitutionnelle, au-delà de la décision qu’elle impose, est aussi un outil de communication.
Nous sommes tous d’accord que dans une République qui fonctionne sur la base d’un système et de mécanismes démocratiques, et se fonde sur un Etat de Droit, la Constitution est la norme supérieure de l’ordonnancement juridique. Comme un Dieu vivant, tout part d’elle et tout devrait se conformer à elle. En dehors d’elle, et bien sûr du bloc de constitutionnalité qui en constitue partie intégrante, toute activité politique ou publique, individuelle ou collective, tombe dans l’illégalité la plus absolue.
La réalité et l’effectivité d’un Etat de Droit assurent la puissance nécessaire et la durabilité utile à une Constitution. L’Etat de droit assure la soumission des pouvoirs publics au droit constitutionnel et garantit les droits fondamentaux des citoyens. Plus spécifiquement, l’indépendance des juges et les garanties démocratiques de cette indépendance, constituent une exigence majeure dans un état de droit. Un inventaire des lieux depuis l’adoption de la Constitution de 1992 à nos jours, serait une excellente chose, car, de cet inventaire pourrait naitre les termes de référence, pour un changement qualitatif de la Cour Constitutionnelle du Mali”, a-t-il dit.
Il a fait savoir qu’avec les avancées de la société dans de nombreux domaines, particulièrement celui de la communication, la Cour constitutionnelle se trouve à la croisée des chemins : s’en tenir à sa tradition, avec son corolaire de devoir de réserve, ou entrer dans la dynamique d’une ouverture médiatique, plus conforme à l’air du temps. “Au regard de cet enjeu, il nous a été donné de constater, que de toutes les Institutions, la Cour constitutionnelle est la moins bien connue et ainsi dire mal comprise tant de l’opinion publique que de la plupart des professionnels des médias.
Est-ce la raison pour laquelle, on trouve ce qu’on trouve dans la presse ? C’est-à-dire, de façon triviale je m’en excuse, une certaine caricature ou théâtralisation de nos décisions juridictionnelles. Certainement pas ! Dans tous les cas, nous espérons et c’est l’objectif général de cette journée, que mieux découverte, mieux connue, la Cour constitutionnelle serait mieux comprise et pourrait être utile, une alliée des médias, sans aucun compromis et dans le respect réciproque de notre indépendance et de votre liberté !”, a-t-il indiqué.
A son entendement, dans une société dite démocratique, il parait acceptable que les décisions juridictionnelles puissent faire l’objet de contestations et de critiques par les hommes politiques, la presse et les universitaires. Il a fait savoir que les nombreuses activités à mener constitueront la rampe de lancement de la politique communicationnelle de la Cour constitutionnelle du Mali.
“Il ne sera plus question pour notre institution” de se replier sur elle-même, de se retrancher derrière des “arrêts rideaux”, pour dénier le droit à l’information. C’est d’une combinaison entre deux libertés, celle de statuer sur un contentieux électoral avec indépendance et impartialité et celle de bien informer que naitra une meilleure garantie des droits. Ainsi, des efforts seront faits pour renforcer ceux déjà accomplis par nos prédécesseurs pour améliorer cette communication par des partenariats, des diffusions d’images, de publications diverses auprès de publics spécialisés ou du grand public à des fins didactiques, de vulgarisation citoyenne etc.”, a-t-il promis.
Il partagé l’avis de ce grand politologue qui a dit que “ce sont les carences de nos grandes institutions qui font naître une certaine forme de presse” et celui plus solennel de Badinter qui a affirmé : “Il y a un progrès à admettre une caméra civilisée dans le prétoire plutôt qu’à subir uniquement des caméras sauvages dans les couloirs”.
Pour atteindre les objectifs importants d’appropriation de la justice constitutionnelle surtout celle électorale par les citoyens et les médias, il a fait savoir que des reformes sont indispensables. ” … Il serait utile d’évaluer et mesurer les procédures appliquées et surtout la méthode, les techniques et procédés par lesquels le juge électoral prend et rend ses décisions. Nous sommes d’avis et ceci est un phénomène général même dans les démocraties les plus établies que les décisions électorales, surprennent et étonnent, irritent et inquiètent et finalement elles déçoivent.
Malgré tout et sans être dans le déni de la réalité de la Cour constitutionnelle du Mali, nous exhortons et encourageons la culture de l’indulgence, et de la tolérance, parce que “la qualité de la démocratie c’est certainement la mesure, la modération, c’est le symbole des balances, l’équilibre. Et un équilibre, d’une part, entre le suffrage universel et les droits fondamentaux, et d’autre part, un équilibre entre les pouvoirs constitutionnels “(écrivait Rousseau)”, a-t-il indiqué.
D’après le Président, le débat politique actuel sur la Cour constitutionnelle est plus que préoccupant. “Il est inquiétant parce qu’il donne le sentiment que la Cour constitutionnelle,” est finalement responsable de la ruine lente de notre démocratie. En vérité, les difficultés politiques actuelles, sont en réalité les résultats tangibles d’une gouvernance publique désastreuse, de stratégies de développement aventureuses se basant sur des politiques publiques hasardeuses aux contours de prime abord insincères et irréels.
Le discours politique de certaines personnalités politiques sur la Cour constitutionnelle est totalement abscons tant il voudrait, selon notre lecture, faire passer le juge électoral pour un acteur politique et les hommes politiques, pour des nouveaux juges électoraux. Et, comme le dit ce moraliste : “C’est dans les défauts de l’autre qu’on trouve la justification de sa propre transgression”. Tocqueville ne disait-il pas à ce sujet : “Les politiques ne se bornaient plus à désirer que leurs affaires fussent mieux faites mais à vouloir les faire eux-mêmes”. Le contentieux électoral contrairement à la signification réductrice qu’on voudrait lui donner reste une fois de plus l’enjeu majeur des élections.
Il est évident, qu’une bonne organisation administrative, matérielle et logistique des élections affaiblirait substantiellement et considérablement, la nature et le volume du contentieux devant le juge électoral. Il reste tout aussi évident, qu’un seul dossier de contentieux électoral même juridiquement excellemment bien traité, mais ayant fait l’objet d’une communication partisane, sensationnelle et évènementielle pourrait créer le chaos social. En politique, à chacun son champion qui ne doit en aucun cas perdre. On gagne ou on gagne ! La fameuse formule ivoirienne.
Il est de notoriété publique que les sommes d’argent mises en jeu dans ces compétitions sont si importantes que les mauvais perdants sont potentiellement dangereux pour la société. A juste raison serait-on de dire, les décisions électorales deviennent aujourd’hui, un facteur d’union sacrée d’actions politiques et de grande mobilisation de l’opinion publique et souvent même de la presse, où, nous le savons tous, d’une manière générale il n’y a guère une unité de regards qui sont portés sur une élection.
Face à cette situation sociopolitique justifiée, l’unique bouclier et le meilleur, pour la Cour constitutionnelle est en amont et avant la tenue de toute élection, d’informer le peuple par tous les mécanismes et moyens de communication disponibles, sur l’organisation, le fonctionnement, les contraintes, les difficultés, les procédures, les pouvoirs et limites de l’institution”, a-t-il fait remarquer.
Parlant des réformes de la Cour constitutionnelle, le Président a suggéré, entre autres, l’organisation de débats autour des candidatures tout en associant les candidats. Par souci de transparence, il a proposé l’institution du virement bancaire des frais de candidature et de campagne ; le recrutement d’assistants juridiques pour renforcer les 9 membres de la Cour constitutionnelle et l’équipement de la Cour en outils informatiques. Il a espéré une vraie autonomie financière de la Cour, mais avec des possibilités de contrôle.
Auparavant, Bani Zan (Coordinateur du Cadre de concertation des directeurs de publication “CCDP”) avait exprimé sa reconnaissance aux membres de la Cour constitutionnelle avec à sa tête Amadou Ousmane Touré, pour la tenue de la journée d’échange. Siaka DOUMBIA
Source: Aujourd’hui-Mali