Âgé de 63 ans, Amadou Ousmane Touré, magistrat chevronné et grand commis de l’Etat a été élu par ses pairs, le 10 août dernier, président d’une cour constitutionnelle qui cristallise la crise politique malienne. Si le remplaçant de la dame dite de fer a jusqu’ici fait l’unanimité sur son indépendance et sa compétence, il s’attaque cette fois-ci à un autre chantier, celui de la politique où le respect de la parole donnée n’est pas la première qualité et surtout lui traine le préjugé défavorable d’avoir servi un homme qui fait partie du problème.
Ce sera certainement l’obstacle que M. Amadou Ousmane Touré devra franchir d’abord. Rassurer ses observateurs qu’il conserve son intégrité et son indépendance, qu’il n’est pas partisan. Jusqu’à son élection, il occupait le poste de directeur de cabinet du Premier ministre, Boubou Cissé, avec rang de ministre. Justement, cet homme fait partie du problème. Le M5RFP, principal protagoniste du pouvoir réclame son départ. Par ailleurs, les enquêtes diligentées le blanchiront nous l’espérons, il est cité dans les fusillades qui ont tué des manifestants dans la mosquée de l’imam Mahmoud Dicko à Badalabougou, lequel ne fait pas mystère de son opposition à son maintien à ce poste de Premier ministre. Il n’y avait pas de ministre au moment des faits et il était le seul maître à bord. Boubou servirait de couverture à son mentor et son départ aiderait à faire la lumière sur le gouffre financier que les Maliens soupçonnent le régime d’avoir creusé, croit beaucoup. Or, lui a longtemps servi ce Monsieur. Nul ne doute de sa compétence. Nommé Vérificateur général en remplacement de Sidi Sosso Diarra de 2011 à 2018, il a fait trembler plus d’un cadre avec des rapports incendiaires sur les atteintes aux biens publics qui incriminent et font trembler des intouchables. Le dossier lugubre de l’achat de l’avion présidentiel et l’épineux marché d’achat de matériels de l’armée n’ont pas à présent livré leur mystère. La liste de ses hauts faits d’armes est vraiment impressionnante. Mais, nous sommes au Mali. La compétence n’est pas le premier critère de nomination à un poste de responsabilité. Boubou Cissé aurait-il pris le risque de nommer un ennemi dans son cabinet ? Partager son environnement avec un serpent à sonnette ? C’est invraisemblable. Alors, le protégé d’hier ne va-t-il pas lui tendre la perche ? Pourquoi diriez-vous ? Parce que ce dernier(Boubou) est surtout un protégé d’IBK qui veut s’appuyer sur une majorité parlementaire à l’Assemblée nationale pour atteindre des buts non avoués pour le moment. IBK est un partant qui tire vers la fin de son mandat constitutionnel. C’est son dernier mandat. Faut-il croire que le Président de la République a pesé de tout son poids pour que Moussa Tembiné soit élu député et qu’il a osé contrarier les Tisserands pour faire de lui président de l’Assemblée nationale pour rien ? Il y a anguille sous roche. Il y a donc un lien possible entre IBK et le nouveau président de la cour constitutionnelle. Le terrain politique n’est pas celui de l’administration d’Etat. La nouvelle cour doit juger de la légalité de l’élection d’une trentaine de députés dont celle du protégé du Président de la République. Il est dit théoriquement dit que c’est le bureau de l’Assemblée nationale qui a nommé les représentants de cette institution au sein de la cour. Malheureusement, les Institutions ne font plus rien pour gagner la confiance des Maliens. Et on ne va jusqu’à exiger des moustiques pour paraphraser Guimba national, le dramaturge, « d’inventer le remède qui les exterminerait ». Là, se cache l’énigme de l’élection de M. Amadou Ousmane Touré. Les Maliens le tiennent à l’œil et tous les actes que lui et ses collègues poseront seront disséqués, scrutés et épiés. Qu’ils se rassurent.
Denis T. Théra