A peine installé, le gouvernement allemand de coalition difficilement mis sur pied par Angela Merkel tangue déjà en raison d’une discorde sur l’immigration, augurant d’un dernier mandat difficile pour la chancelière.
L’épineuse question du regroupement familial pour les centaines de milliers de Syriens réfugiés en Allemagne met à mal depuis plusieurs jours la cohésion de cette “grande coalition” entre conservateurs et sociaux-démocrates.
Le ministre conservateur de l’Intérieur, Horst Seehofer, entend restreindre au maximum cette possibilité pour les réfugiés bénéficiant d’un titre de séjour de seulement un an renouvelable.
M. Seehofer représente la ligne dure de la famille conservatrice de la chancelière, qui ne cesse de croiser le fer avec Angela Merkel depuis lorsqu’elle a ouvert les portes de son pays à près d’un million de demandeurs d’asile en 2015.
Originaire de Bavière et membre du parti CSU, il est aussi engagé dans une campagne électorale en vue d’un scrutin dans cette région à l’automne, où il tente de récupérer une partie des électeurs partis vers l’extrême droite.
– Un millier par mois –
Dans le détail, l’accord de coalition laborieusement conclu entre les camps conservateur et social-démocrate, prévoit un contingent de 1.000 personnes maximum par mois pouvant rejoindre l’Allemagne au titre du regroupement familial.
Dans son projet, M. Seehofer veut restreindre le regroupement pour les frères et soeurs des réfugiés et surtout exclure de ce droit tous ceux qui vivent de l’aide sociale. Or de nombreux réfugiés, arrivés depuis trois ans à peine en Allemagne, n’ont pas encore rejoint le marché du travail mais suivent des formations ou des cours d’allemand et dépendent donc des subsides de l’Etat.
“Nous ne voulons pas d’un afflux dans le système de protection sociale. Nous en avons aussi parlé au sein de la coalition”, argue le ministre, dans un entretien au Spiegel à paraître samedi.
Son projet a suscité l’ire des sociaux-démocrates qui n’avaient accepté que du bout des lèvres le compromis sur l’immigration.
“Nous n’approuverons certainement pas des projets dont nous pensons qu’ils sont avant tout là pour restreindre le contingent” fixé, a averti le ministre des Affaires étrangères et figure influente du parti social-démocrate.
Mais le parti de M. Seehofer, la CSU bavaroise, agite déjà la menace d’une rupture gouvernementale. “Si le SPD ne répondait pas présent, la grande coalition serait terminée”, a jugé un de ses dirigeants Georg Nüsslein.
Horst Seehofer a quant à lui estimé que son projet de loi s’en tenait “strictement au contrat de coalition” et montré “peu de compréhension” pour les critiques du SPD.
Le ministre veut également accélérer les expulsions de demandeurs d’asile déboutés. Il a promis qu’un “plan d’action directeur pour un examen plus rapide des demandes d’asile et pour des expulsions conséquentes” serait présenté rapidement.
Mais les grincements de dents se font entendre au sein même des conservateurs.
“La vraie question est la suivante: gagne-t-on des élections avec des thèmes qui suscitent l’excitation mais sans vraiment changer les choses?”, s’est interrogé un des responsables du parti démocrate-chrétien de la chancelière (CDU), Armin Laschet.
– Islam –
Horst Seehofer n’en est pas à son coup d’essai. A peine installé le mois dernier dans son “super-ministère” rebaptisé de l’Intérieur et de “la Patrie”, il a affirmé que l’islam n’appartenait pas à l’Allemagne où vivent 4 millions de musulmans. La chancelière l’a publiquement recadré.
Angela Merkel a du fil à retordre avec toute l’aile dure de sa famille politique, qui entend profiter de son affaiblissement récent.
Un de ses propres ministres, Jens Spahn, chargé de la Santé mais qui s’exprime sur tous sujets pour incarner à la CDU l’alternative au cap centriste d’Angela Merkel, multiplie les provocations.
Dernière sortie en date de l’ambitieux élu: il a estimé que l’Etat allemand n’assurait plus “la loi et l’ordre” dans les quartiers sensibles.
Un porte-parole du gouvernement a assuré qu’il s’agissait d’une prise de position “personnelle” du ministre.
M. Spahn, qui se positionne en vue de la succession d’Angela Merkel, a aussi accusé les partisans du droit à l’avortement de davantage militer pour les droits des animaux que ceux des enfants à naître. Ou jugé que les chômeurs de longue durée n’étaient pas pauvres.
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