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Ali Inogo Dolo, maire de la commune rurale de Sangha: « J’interpelle l’Etat à faire confiance aux collectivités et à les accompagner pour sortir le Mali de la crise »

Ali Inogo Dolo est né en 1960 à Sangha-Bongo. Après ses études primaires à Barapirély, il fut de retour à Sangha en vue  de chercher le Diplôme d’études fondamentales (DEF), sans succès. C’est dans ces conditions qu’en 1983, il quitta son village natal pour la Côte d’Ivoire, pour  gouter à l’aventure. Là, M. Dolo a continué ses études et obtint un BTS en comptabilité, en 1989. Il travailla avec un commissaire priseur en Côte d’Ivoire avant d’œuvrer au service des recettes de la mairie d’Adjamé. Il a regagné le Mali le 25 Février 1999 pour se présenter aux élections communales à Sangha. En tant que candidat indépendant, Ali Dolo a remporté les premières élections communales et dévient ainsi premier maire de la commune rurale de Sangha. Au deuxième mandat, il a perdu les élections avec 11 conseillers sur 23, en 2004, sous les couleurs de l’Adema PASJ. Et Ali Dolo redevient maire en 2009 jusqu’à nos jours. Actuellement, il milite au sein de l’APEM-Maliko.  Il est marié avec Kadidia Diarra et est père de 8 enfants dont 4 filles et 4 garçons. Selon M. Dolo, la solution à la crise que traverse notre pays est le renforcement de la décentralisation. Suivez donc ses impressions !

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Présentez la commune rurale de Sangha

La commune rurale de Sangha a une superficie de près de 1000 kilomètres carrés. Elle est limitée au Sud par les communes de Barapirély, Dourou, Dandoli, Pellou, Wadba, une partie de la commune d’Ondogo, Bamba, Diangabou et Madougou ; à l’Ouest par la commune de Koporo-Pen. La commune est composée uniquement de l’ethnie Dogon. Sa situation géographique est composée de trois reliefs : le plateau, la falaise et la plaine. La commune est composée de 60 villages avec une population de près de 35 mille habitants. La commune de Sangha est le cœur du plateau dogon et une partie de la racine de la culture dogon, car, abritant le ‘’Arou’’  qu’on peut comparer au Vatican et qui sert de demeure au Hogon (le patriarche des dogon). Aussi, Sangha est le berceau des masques dogon et du Sigui (fête traditionnelle se déroulant tous les 60 ans) qui ont leur source au Youga Dogourou. C’est parce que la société dogon a toujours été bien organisée que Marcel Griol, ethnologue,  a mené des recherches et a écrit sur leur culture.

Quels sont les secteurs productifs de votre commune ?

Nous avons d’abord l’agriculture comme activité principale avec 5% des terres cultivables ; ensuite, la deuxième activité la plus productrice est le maraichage où la culture de l’échalote prend le dessus ; le tourisme également était une activité rentable. Malheureusement, pendant ces cinq dernières années, avec la situation sécuritaire, on a un grand problème dans ce secteur. Cependant, j’avais alerté, bien avant que le pire ne se produise, les acteurs de ce secteur de pratiquer parallèlement aux travaux de guides, antiquaires, etc. d’autres métiers comme le maraîchage pour qu’ils ne soient pas victimes un jour de l’arrêt du tourisme. Mais je ne fus pas écouté en ce moment parce que tout allait bien. Aujourd’hui, on vit le pire. Sangha recevait 100 mille touristes par ans. Mais aujourd’hui, nous sommes à zéro touriste. C’est la situation la plus catastrophique !

Malgré l’arrêt du tourisme et la pauvreté, les jeunes guides et autres acteurs du secteur touristique n’ont jamais été tenté de rejoindre les groupes armés du Nord. C’est pourquoi ils font ma fierté aujourd’hui. Le petit commerce et l’élevage occupent également une grande place dans la vie de tous les jours, à Sangha.

En somme, le sort de toutes les autres activités était lié au tourisme. Ce qui fait qu’aujourd’hui, rien ne va bien à Sangha sur le plan économique. Aussi, la pluie se fait très rare pendant la saison des pluies et les terres arables sont très pauvres puisqu’elles sont exploitées depuis des siècles sans l’application de l’assolement. Cela est dû à l’absence d’autres terres. Il faut, cependant, pour que la récolte soit bonne, mettre au moins cinq fois l’engrais par saison. Et cela provoque également la chute de l’économie. Le manque d’eau empêche également le maraîchage. Aussi, la plupart des diguettes sont ensablées et ont besoin d’être désensablées. Cela joue énormément sur les revenus des femmes. La plupart des touristes qu’on recevait faisait du tourisme solidaire (ce n’était pas pour le luxe). Ils parrainaient les femmes, créaient des petits projets de développement, etc. Tout cela est arrêté aujourd’hui. Sans ces touristes, les femmes sont maintenant dépourvues et ont du mal à joindre les deux bouts. Même le commerce ne marche plus beaucoup.  Car,  c’est l’argent des touristes qui permettait de développer ce secteur et c’est ce qui faisait tourner l’économie locale. C’est ainsi que tous les hôtels sont fermés et les guides sont au chômage. Et la majorité d’entre eux est entrain de s’adonner à l’alcool. Ce qui fait que le taux d’alcoolisme est très développé actuellement à Sangha. L’économie est en berne aujourd’hui à Sangha.

Sur le plan alimentaire, avec l’appui des partenaires comme le Programme alimentaire mondial (PAM), de World Vision et d’Enda-Mali, le cercle de Bandiagara a bénéficié de plus de 17 mille tonnes de céréales. C’est ainsi que la population vit de ces dons.

Sangha mérite-t-elle d’être un cercle aujourd’hui ?

Sangha mérite vraiment d’être un chef lieu de cercle. D’abord, la commune de Sangha est très bien connue à l’extérieur (Europe, Amérique, etc.). Et puis, l’école de Sangha a été créée en 1909 ; donc, plus ancien que la plupart des écoles du Mali. Actuellement, la commune a 32 écoles, 9 médersas et 5 Centres de santé communautaire (CSCOM). Egalement avec l’appui des partenaires dont Seydou Nantoumé de Toguna Agro-industrie et d’autres partenaires européens, nous sommes entrain de construire un lycée professionnel à Sangha. Le système éducatif actuel au Mali ne forme que des chômeurs. Actuellement, la Direction nationale de l’éducation travaille sur les filières à enseigner dans ce lycée. Nous avons, au préalable, pensé à l’hydraulique, plomberie, forage, hôtellerie et tourisme, électricité, énergie renouvelable, maçonnerie, taille des pierres et carrelage. On a vraiment besoin de la technicité pour booster le développement et l’économie. Le lycée en question coûtera 1 milliard de FCFA. Ceci est la contribution d’un hollandais qui a déboursé 600 millions et de Seydou Nantoumé avec 400 millions. Et la direction nationale de l’enseignement secondaire a prévu l’ouverture de ce lycée pour le mois d’Octobre prochain. En plus de ceux-là, en collaboration avec l’Hydraulique, nous avons équipé 10 villages du cercle d’adduction d’eau sommaire.  Ainsi, avec tous ces édifices et toute la renommée de la commune, la moindre des choses que Sangha mérite, c’est d’être un cercle.

Aujourd’hui, le seul secteur qui enfreint à notre développement, c’est l’électricité. Tout développement passe par l’énergie. Donc, nous interpellons les autorités administratives pour qu’on ait de l’électricité à Sangha. Aussi, la route reliant Sangha à Bandiagara, distant de 45 kilomètres, est dans un état de délabrement assez avancé. Tout cela entrave au développement de la localité.

Décentralisation, régionalisation, autonomie et fédéralisme. Quelle est votre solution à la crise que traverse actuellement notre pays ?

La décentralisation n’a pas été appliquée comme on l’avait souhaité au départ. Le gouvernement a toujours transféré les compétences, mais n’a jamais donné les moyens nécessaires. Je pense que c’est à cause de la décentralisation que pendant l’occupation des trois régions du  Nord, certaines activités marchaient car les collectivités prenaient leur responsabilité. Donc pour moi, la décentralisation est la meilleure solution à la crise que nous traversons. Il suffit de renforcer ce processus pour que le pays soit stable. L’Etat doit donner les moyens aux collectivités.

Cela doit être bien appuyé par la régionalisation qui verra la région prendre son destin en main.

Cependant, je ne suis pas d’accord avec la disparité entre les régions et les cercles.

Qu’en pensez-vous de la nouvelle prorogation des mandats des collectivités ?

Il y a des avantages notoires. D’abord, ça permet de stabiliser le pays car, on ne peut pas laisser une partie du pays aller aux élections pendant qu’une partie est sous occupation. Si on partait aux élections dans ces conditions, on allait cautionner, nous-mêmes, la partition du Mali.

Par contre, avec la prorogation, on n’est pas bien assis dans notre peau, le mandat étant terminé. C’est pourquoi, je préférerai qu’il y ait très rapidement les élections.

Serez-vous candidat aux prochaines communales ?

Oui je suis candidat ! J’ai engagé beaucoup de projets  comme le lycée professionnel qui est venu de nulle part. Nous ne pouvons pas attendre l’Etat, car l’Etat ne peut pas tout faire. C’est à nous-mêmes de développer notre localité. C’est pourquoi,  j’ai pris des initiatives que des partenaires appuient. Donc, je veux poursuivre les actions que j’ai entreprises. Je pense également que Marcel Griol doit être immortalisé à Sangha. C’est la raison pour laquelle je vais entreprendre la construction d’un mémorial en son nom ; qui servira de bibliothèque, médiathèque, etc. Donc, pour attendre ces objectifs, je serai candidat aux prochaines communales.

Quel appel avez-vous à l’adresse de la population de Sangha et du Mali tout entier ?

Sangha est une belle commune qui est très riche car notre richesse c’est notre culture. Au Sud, on parle de l’or et au Nord, du sel.  Mais notre or et notre sel à nous, c’est notre culture. Que la population sache que l’Etat, c’est d’abord nous et j’interpelle tout le monde à s’acquitter de son devoir. Celui qui paye ce qu’il doit à la collectivité a aussi le droit de revendiquer ce qu’il veut au profit de la population. Les citoyens ont le droit de contrôle sur les institutions. Donc, je demande à tout le monde de payer régulièrement les taxes et impôts. Et à s’associer à la gestion de la commune.

Aussi, j’interpelle l’Etat à faire confiance aux collectivités et à les accompagner pour sortir le Mali de la crise.

Entretien réalisé par Alfousseini Togo

Source: Le Canard de la Venise

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