Une dégringolade des prix du baril qui fait pourtant grincer des dents à Port-Gentil, deuxième ville du pays. Si les principales compagnies pétrolières « ne pleurent pas », selon les mots d’un haut fonctionnaire, leurs sous-traitants ont été contraints deréduire la voilure. C’est cette ville volontiers frondeuse, poumon économique du Gabon, qu’a choisie le chef de l’Etat pour se déclarer candidat à sa propre succession lundi. Il souhaitait ainsi envoyer un message à l’opposition, tout comme il l’avait fait six jours auparavant pour un précédent discours dans le bruyant amphithéâtre de l’Enset (Ecole normale supérieure de l’enseignement technique). Le chef de l’Etat y avait annoncé le lancement d’un programme pour l’égalité des chances, dont le slogan sonnait comme celui d’une campagne : « Changeons ensemble ».
En avril 2015, dans ce quartier de l’université réputé acquis aux opposants de l’Union nationale (UN) de feu André MbaObame, la mort de ce dernier avait donné lieu à des débordements de violence. L’ambassade du Bénin, pays d’origine du directeur du cabinet du président, Maixent Accrombessi, avait été incendiée par des émeutiers, incontrôlables. En revenant sur le terrain de cette contestation, Ali Bongo démontre son envie d’en découdre. Ses détracteurs ne l’ont d’ailleurs pas attendu pour déclencher les hostilités. Grandie sous le long règne d’Omar Bongo Omar, l’élite politique ne s’est pas encore totalement renouvelée et les amis d’hier sont les rivaux d’aujourd’hui.
Le rival Jean Ping
Ancien ministre des affaires étrangères d’Omar Bongo de 1999 à 2008, puis président de la commission de l’Union africaine de 2008 à 2012, Jean Ping s’est déjà lancé dans la course présidentielle. Dans l’entourage d’Ali Bongo, on s’agace de la bienveillance des médias français à l’égard de ce vieux routier de la politique gabonaise. Un ancien conseiller d’Omar Bongo exhibe sur son téléphone portable une compilation de vidéos de meetings de Jean Ping, où les prédictions les plus sombres sur l’avenir du pays le disputent aux anathèmes contre l’entourage du président et autres métaphores tirées du bréviaire animalier. « La dernière fois qu’on a désigné l’autre camp comme celui des cafards, c’était au Rwanda. On se souvient comment ça s’est terminé », met-on en garde.
La rivalité entre Ali Bongo et Jean Ping, qui a été le compagnon de Pascaline, la sœur et principale rivale du président, n’est pas nouvelle. Elle s’est cristallisée fin 2012, quand l’ex-ministre a échoué à rempiler à la tête de la commission de l’UA. « Jean Ping est convaincu qu’Ali Bongo lui a savonné la planche, le président accuse Ping d’avoir toujours médit de lui et comploté derrière son dos », résume un observateur avisé du marigot gabonais.
Mais le président a la rancune tenace. Interrogé sur son rival, il fait mine de répondre à côté. Avant de décocher cette flèche :« Pour moi, président du Gabon n’est pas un second job. Ce n’est pas parce que j’ai échoué ailleurs que j’ai décidé de meporter candidat à la présidentielle. » Il peut surtout compter sur une équipe de conseillers fidèles. La « team Ali » met en avant les réalisations du premier septennat : croissance soutenue (près de 6 % de moyenne sur la période 2010-2014), cadre légal pour le développement durable, hausse des investissements étrangers (4 milliards de dollars en sept ans), etc.
Aussi à l’aise à Libreville qu’à Paris ou à Dubaï, les trentenaires discrets qui entourent le président sont à l’image de leur « boss », comme ils l’appellent. Pour aller avec leurs costumes ajustés et leurs véhicules 4 × 4 de couleur sombre, ils ont adopté la novlangue des cabinets mondiaux de stratégie. Pour les besoins de sa campagne, Ali Bongo a d’ailleurs recruté Ogilvy PR, la compagnie londonienne de communication publique.