15% de commerce intrarégional (au-dessus de beaucoup d’autres organisations régionales) ; une libre circulation des personnes et des biens, même si les tracasseries persistent ; un attrait économique certain, etc. Autant d’efforts consentis par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour devenir, aujourd’hui, l’une des structures d’intégration africaine les plus citées en exemple.
Avec ses 48 ans d’existence, la Cedeao, par son expérience, se détache de loin parmi les autres entités régionales africaines d’intégration. Que ce soit l’Union du Maghreb arabe (Uma) ou la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceaac), la Communauté de l’Afrique de l’Est (Eac), le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa) et la Communauté de développement de l’Afrique australe (Sadc), aucune de ses structures ne dépasse l’organisation ouest-africaine en termes d’acquis liés à l’intégration régionale. Ce n’est pas pour rien qu’en 2017, un pays comme le Maroc, même en étant membre d’une autre communauté économique régionale, l’Uma, avait déposé une demande d’adhésion à la Cedeao. Pour toutes ces raisons, les Ouest-Africains devraient manifester plus d’indulgence à leur structure d’intégration que de la vouer aux gémonies ou même demander sa disparition. C’est vrai qu’avec la crise structurelle que traverse le multilatéralisme, la Cedeao a quelques fois peiné à répondre à certaines attentes. Mais, de là à la faire disparaître, il y a un pas à ne pas franchir. L’Organisation des Nations unies, qui est la plus grande structure multilatérale du monde, est sujette à beaucoup de reproches de la part de beaucoup d’acteurs étatiques émergents comme la Chine et les autres membres des Brics, mais jusqu’ici, tous ces pays n’ont appelé qu’à des réformes, surtout dans sa gouvernance, avec le Conseil de sécurité. C’est la meilleure voie à suivre pour la Cedeao pour qu’elle puisse avoir plus de poids et être ainsi la voix des sans voix. Cela, en devenant la Cedeao des peuples. Vœu pieux et radieux !? Cette crise du Niger peut être une belle opportunité d’arriver à cela en incluant dans la médiation les approches africaines d’arbre à palabres ou utiliser les figures coutumières et religieuses. C’est vrai que la visite du Sultan de Sokoto, lors des premiers jours de la crise nigérienne, n’était pas un succès, mais, il ne faudrait pas désespérer. Y associer des chefs religieux comme le Khalife de Médina Baye ne serait pas mal, vu l’influence que la Fayda niassène a dans la zone du Niger-Nigeria auprès des Haoussas. Par sa trajectoire historique et politique et aussi avec ses différentes mutations, la Cedeao a eu à jouer un grand rôle dans les crises majeures que l’Afrique de l’Ouest a traversées. Dans les années 90, la plus grande menace venait des pays dits du Mano River (Libéria, Sierra Leone, Guinée) avec des rébellions sanglantes et des coups d’État à répétition. C’est grâce à la force armée de la Cedeao, l’Ecomog, que beaucoup de pays du Mano River, tels que le Libéria et la Sierra Leone, ont pu sortir la tête de l’eau et amorcer une vague de démocratisation qui est en train de faire son chemin malgré quelques houles. Il y a eu aussi la crise du terrorisme djihadiste qui est en train de consumer certains États ouest-africains. Le Mali a été la première victime. La Cedeao a été la première à déployer des troupes au Mali avec sa Mission qui, par la suite, est devenue la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (Misma) pour aider ce pays à faire face avant que les Nations unies et d’autres pays européens s’y joignent. Donc, certains reproches sur cette structure ne sont pas justes, même si elle n’est pas exempte de reproches dans sa façon et manière de faire. L’un des reproches à faire à cette organisation régionale, c’est de ne pas avoir les mêmes postures face à toutes les menaces de la démocratie : les prises du pouvoir par les armes (coups d’État) et sa conservation par les urnes (3ème mandat). L’autre fait sur un supposé alignement sur les intérêts vitaux et stratégiques de la France ne tient pas face à une analyse rigoureuse. La Cedeao, c’est 15 États avec huit pays francophones, dont trois sont suspendus, en plus du Niger. La locomotive et géant démographique et économique, le Nigeria, n’est pas francophone. Donc, comment la France peut-elle manipuler cette institution régionale ? Mais, aujourd’hui, l’urgence est d’aider cette organisation à traverser cette crise structurelle et existentielle comme pour tout le multilatéralisme ; ce qui passera par un renforcement de ses moyens de correction de certains manquements et de coercition sur d’autres dépassements comme les coups d’État ou les tripatouillages constitutionnels. Il faudra aussi insister sur l’appropriation par les populations ouest-africaines du projet d’intégration qui n’est pas effective du fait d’une communication défaillante sur les acquis de l’intégration, le trop faible investissement dans le community building et des incohérences politiques récentes. Donc, évitons de jeter le bébé avec l’eau du bain et aidons la Cedeao à avoir une renaissance et un nouvel air de jouvence…
seneplus