“Il n’y a pas de meilleur moment pour quitter”, assure le Franco-ivoirien qui passe des bords de la Tamise à ceux du lac Léman.

C’est peu de dire que Tidjane Thiam a brisé le “plafond de verre” auquel se heurtent nombre de ressortissants ou originaires du Continent.  La preuve : après la direction générale du premier assureur britannique Prudential, il prend celle du Crédit Suisse. Un vrai challenge. Autant qu’une consécration, c’est une confirmation de la reconnaissance des qualités de financier de haut vol de ce Franco-Ivoirien né en 1962 en Côte d’Ivoire. Illustration notée par le site du quotidien suisse “Le Temps” : “Il est le deuxième noir à arriver à la tête d’une grande banque internationale, après Stanley O’Neal qui a dirigé Merrill Lynch jusqu’en 2007”.

Un fort en thème descendant du président Félix Houphouët-Boigny

Tidjane Thiam est le fils d’un ancien ministre de l’Information, Amadou Thiam, mais surtout de l’une des nièces du Père de la nation ivoirienne, Félix Houphouët-Boigny. Ce qui en fait, dans la tradition baoulé, un héritier direct du Père de la nation ivoirienne. Au-delà de cette filiation, c’est sur les bancs de l’école que Tidjane Thiam va s’illustrer. Dans le sillage de brillantes études en France, il réussit le concours de l’Ecole Polytechnique ainsi que celui des Mines d’où il sort major en 1984. Le voilà lancé dans la vie active avec une première expérience au cabinet de consultants américain, McKinsey. Il y officiera à Paris et à New York jusqu’en 1994 quand le président Henri Konan l’appelle pour servir son pays.

Le retour au pays en 1994

On est à la veille de la dévaluation et les économies africaines vivent une vraie révolution avec les privatisations et les plans d’ajustement structurel du Fonds monétaire international (FMI). Pendant quatre ans, il dirige le Bureau National d’études techniques et de développement, ex-Direction Générale des Grands Travaux (DGGTX), une sorte de super think tank impliquée dans tous les grands projets du pays. En 1999, le voilà promu ministre du plan mais le coup d’Etat de décembre 1999 arrête net sa carrière politique. Un moment particulièrement compliqué pour ce fort en thème qui doit tout reconstruire car le voilà dépourvu momentanément de perspective.

Retour à la case départ en attendant Aviva

Car les choses ne sont pas simples… en raison justement de ce plafond de verre dont il s’est dit être victime à de nombreuses reprises. Il faut dire que côté diplôme et formation, Tidjane Thiam n’a rien à envier à personne. Ingénieur, major de sa promotion à la sortie de la prestigieuse Ecole des Mines, polytechnicien de surcroît diplômé d’un Master de l’Insead, la grande école de commerce de Fontainebleau. Après un retour à McKinsey où il est désormais associé avec la responsabilité de la direction du cabinet à Paris, le voilà démarché par un chasseur de tête pour le groupe d’assurance britannique Aviva en 2002. Marqué par les non-dits de son parcours, il lui précise qu’il est “noir et francophone”. Cité par Le Temps, il a confié dans un entretien à l’émission de la BBC Desert Island Disc avoir été “prudent”. Il aura fallu toute la force de conviction de Richard Harvey, directeur d’Aviva et aussi son ami pour qu’il cède et rejoigne l’assureur britannique comme directeur financier.

D’Aviva à Prudential

Avec son profil particulièrement rare à la City, il passe au bout de six ans d’Aviva à Prudential dont il prend la direction générale. Deux ans plus tard, il manque de quitter le navire Prudential avec son opération manquée d’achat de la filiale asiatique du géant américain  AIG. C’est que le pari de 35 milliards de dollars est osé et rencontre l’opposition des actionnaires dont certains demandent sa tête au cours d’une assemblée générale houleuse en 2010. Ce sont les mêmes qui risquent de le regretter aujourd’hui au moment il doit rejoindre le Crédit Suisse. Le cours de bourse de Prudential a triplé, son bénéfice opérationnel a augmenté de 14% en 2014, dont un tiers réalisé en Asie, un autre aux Etats-Unis. De quoi rassurer sur les bords du lac Léman où Tidjane Thiam devra relever un gros défi : celui de diriger de main de maître une banque internationale, une première pour lui.

Au Crédit Suisse, il remplace Brady Dougan

De fait, l’Américain Brady Dougan, directeur général de Credit Suisse, va lui laisser sa place en juin prochain. Celui-ci a passé huit ans aux commandes de Credit Suisse où il a eu à gérer le dossier de l’enquête menée par le ministère américain de la justice à propos de l’évasion fiscale. Dans ce dossier, la banque suisse a été condamnée l’an passé à payer une amende de 2,8 milliards de dollars. Prudential de son côté a confirmé le départ de son directeur général, en poste depuis 2009, et annoncé qu’un successeur avait été identifié et serait nommé sous peu.

Source: lepoint.fr