En créditant Mahamadou Issoufou de 48,4% des suffrages exprimés contre 17,7% pour son opposant Hama Amadou, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), a ouvert la voie à un second tour de la présidentielle au Niger. Des résultats globaux provisoires qui n’exaucent pas du tout les vœux du Président sortant qui espérait remporter le scrutin dès le premier tour. Une situation inédite mais très intéressante qui met face à face, au second tour, deux « ennemis intimes » du jeu politique nigérien.
Pour rappel, l’ancien Président de l’Assemblée Nationale avait permis à l’actuel Chef de l’Etat d’être élu au second tour en 2011. Mais depuis trois ans, tout oppose les deux hommes politiques. Jusqu’à ce que Mahamadou Issoufou a pu réussir à éjecter Hama Amadou du perchoir, pour enfin l’enfermer dans les geôles à travers une affaire de trafic présumé de bébés nigérians. De même que bon nombre des cadres de son parti, pour tentative présumée de coup d’Etat.
Ainsi, malgré l’écart de voix considérable (plus d’un million) entre le président sortant et l’ancien président de l’Assemblée Nationale, les observateurs politiques nigériens estiment que le second tour sera très discuté entre les deux hommes. Or en raisonnant de façon arithmétique, même si le report de voix des autres candidats de la COPA s’effectue à souhait, le Chef de l’Etat sortant serait en avance sur son challenger, ce dernier ne recueillerait qu’un suffrage avoisinant les 40%. Pas suffisant pour remporter le scrutin. Cependant, les deux camps ont une dernière carte en mains pour atteindre leur but. Ils devront chercher à convaincre les 44% des indécis qui n’ont pas voulu exprimer leurs suffrages au premier tour.
A priori, la tâche semble aisée pour le président sortant qui va continuer ses déplacements à l’intérieur du pays profond avec les moyens de l’Etat, en confondant campagne électorale et missions officielles. Au cours desquelles, il ne cessera de défendre son bilan des cinq ans à la tête du Niger. Sans compter que lui-même, dans ses premières déclarations après la proclamation des résultats globaux provisoires du scrutin, ne s’est pas privé d’avertir l’électorat que c’est son parti qui aura à former, quel que soit le résultat du second tour, le futur gouvernement nigérien. Tout simplement, parce que sa coalition politique étant déjà créditée de plus de 90 de députés, soit la majorité absolue au Parlement.
Pourtant en réalité, le jeu n’est pas si simple que ça, même si Hama Amadou devra continuer de battre campagne par procuration. Puisque les ténors de l’opposition, regroupés au sein de la COPA, pourraient travailler sur l’optimisation de la «victimisation » de leur champion pour ramener le plus d’électeurs possibles dans leur camp. D’autant plus que l’ancien président de l’Assemblée nationale, ne pouvant pas battre soi-même campagne, sera privé d’un face-à-face télévisé avec le Président sortant, pour débattre des questions cruciales de la nation et défendre son projet politique. Mais aussi, puisque la COPA, contrairement à ses premières déclarations, étant désormais prête à aller au second tour, pourrait user de tous les recours juridiques pour réduire l’écart entre les deux candidats. L’opposition devrait aussi redoubler de vigilance pour empêcher toute éventuelle fraude lors de ce second tour.
Tout compte fait, le vote du 20 mars des citoyens nigériens sera très déterminant pour l’avenir de leur pays. Car, une victoire de Hama Amadou, une grande première en Afrique, pourrait basculer le pays de Hamani Djori dans une nouvelle cohabitation de son histoire politique récente.
Gaoussou Madani Traoré
Source : Le Challenger