D’après l’ivoirien Fahiraman Rodrigue Koné, sociologue et chercheur à l’Institut d’Etudes de Sécurité (IES), interrogé par notre consœur RFI, le retour de Gbagbo dans son pays est « une nouvelle opportunité pour une véritable réconciliation ». Le sociologue sous-entend que « la posture de Laurent Gbagbo a été très significative dans le dénouement de la dernière crise électorale (la présidentielle de 2021) dans son pays. D’autant qu’il a « désavoué, empêché la désobéissance civile ». Une posture qui, d’après toujours le sociologue, aurait certainement envoyé « un signal très positif » au pouvoir ivoirien. Ce qui aurait joué dans l’apaisement de la crise mais aussi facilité les négociations pour son retour au pays.
En 2001, Laurent Gbagbo au pouvoir avait fait rentrer d’exil Henri Konan Bédié. Lors de son premier quinquennat, Alassane Ouattara avait organisé un Forum de réconciliation national qui était censé apaiser le climat politique et booster la démocratie. Mais celui-ci n’a pas bien abouti, car un an après, le pays d’Houphouët-Boigny a encore basculé dans une très longue crise politique. Sans oublier que la fin du second mandat d’ADO a consacré le divorce entre ce dernier et celui qui était considéré comme son dauphin naturel, Guillaume Soro. Lequel a été contraint à l’exil et condamné (il y a quelques jours seulement) par la justice ivoirienne à la prison à perpétuité.
Toutefois, il est une évidence : le mot « réconciliation » se retrouve dans tous les langages politiques en Côte d’Ivoire. Et il traduit certainement la commune volonté de tourner une page sombre de l’histoire de ce pays d’Afrique de l’Ouest. Mais une autre en est que le mot impunité est également présent dans les propos d’une grande partie de l’opinion publique, notamment des victimes de la crise post-électorale de 2010-2011. Ces derniers pensent que la réconciliation dont font état les politiques dans leurs discours ne concerne pas le peuple. Et ils ont du mal à oublier les milliers de morts (selon l’ONU, les violences avaient fait plus de 3 000 morts lors de la crise de 2010-2011).
Il faut donc forcément concilier les deux positions politiques. Car, le retour de Gbagbo peut bien contribuer, en dépit du fait qu’une partie de l’opinion le désapprouve, à la décrispation de la vie politique. Et il est bien une « fenêtre d’opportunité pour une véritable réconciliation nationale ». Mais faudrait-il que les deux positions politiques se fassent des compromis nécessaires. Lesquels ne sont possibles sans l’engagement sincère de l’élite politique ivoirienne.
Gaoussou Madani Traoré