Le tribunal de grande instance de Ouagadougou doit rendre, ce mercredi 30 avril, sa décision sur la demande d’exhumation du corps de Thomas Sankara, assassiné en 1987. Si l’exhumation est autorisée par la justice, des tests ADN seront effectués à la demande de la famille du président défunt, pour s’assurer que la dépouille dans la tombe est bien celle de Sankara.
La décision a déjà été reportée deux fois. Pour les proches, la justice burkinabè freine la procédure, car elle pourrait gêner les plus hautes autorités de l’Etat.
C’est la veuve de Thomas Sankara qui est à l’origine de cette demande lancée pour la première fois en 2010 devant la justice du Burkina, jusqu’ici sans succès. L’objectif est de réaliser des prélèvements ADN qui seront ensuite comparés à ceux des enfants de l’ancien président burkinabè. Pour Mariam Sankara, il s’agit d’abord de pouvoir faire son deuil, 27 ans après la mort de son mari, mais il s’agit aussi de maintenir une forme de pression sur les autorités du pays sans perdre espoir de pouvoir un jour faire la lumière sur les circonstances de son assassinat.
« Les gens se rendent sur cette tombe pour chaque anniversaire, mais nous ne savons jamais réellement si c’est lui. Il n’y a jamais eu de funérailles, il a été assassiné et on nous a dit qu’il a été enterré rapidement à cet endroit, mais on ne sait pas si c’est exact surtout qu’à cette époque il y a eu beaucoup de tombes collectives. Vraiment, nous ne savons rien, il n’y a jamais eu de recherches pour expliquer ce qu’il s’est passé. J’ai attendu plusieurs années et en 1997, j’ai décidé de déposer une plainte contre X pour connaître la vérité et [pour] que justice lui soit rendue. Jusqu’à présent, nous sommes confrontés à un déni de justice au Burkina Faso, mais nous continuons », explique la veuve de l’ancien président.
Des implications jusqu’au sommet de l’Etat ?
Depuis des années, Mariam Sankara engage des procédures. Malgré le soutien du Conseil des droits de l’homme de l’ONU en 2006, aucune enquête n’a jamais été lancée au Burkina Faso. Une première plainte pour assassinat a pourtant été déposée en 1997, dix ans après la mort de Thomas Sankara, le 15 octobre 1987, jour de la prise du pouvoir par son ami et actuel président Blaise Compaoré. Pour l’avocat de la famille, c’est d’ailleurs ce qui explique que la justice soit aussi lente.
Car selon Me Ferdinand Djassem Nzepa, une enquête indépendante autour de l’assassinat de Thomas Sankara pourrait incriminer les plus hautes autorités du Burkina Faso : « C’est parce qu’il y a une pression en haut niveau que les choses n’avancent pas. Nous avons affaire à un mur. Toutes les procédures qu’on engage sont bloquées. On sait comment Thomas Sankara a été tué : il a été criblé de balles au sein du Conseil de l’entente. Celui qui était le grand ami de Thomas, celui avec qui il avait fait le coup d’Etat, c’est celui qui est actuellement président, c’est Blaise Compaoré. C’est lui qui a pris le pouvoir à la suite du décès de Thomas Sankara. Donc, on peut raisonnablement penser qu’il n’est pas innocent dans l’affaire et qu’il n’a pas intérêt à ce que la lumière soit faite sur les circonstances de la mort de Thomas Sankara. D’autant qu’après tant d’années au pouvoir, Blaise Compaoré est aujourd’hui présenté comme un des « sages » de l’Afrique et comme un médiateur. Résultat des courses, tout est bloqué. »
Contacté par RFI, le ministre de la Justice burkinabè n’a pas souhaité s’exprimer, par souci du respect de « l’indépendance de la justice ». Le ministre porte-parole du gouvernement a, lui, demandé deux heures de réflexion pour préparer sa réponse, mais n’a plus répondu à aucun appel ni aucun message de RFI par la suite.
par David Thomson / rfi.fr