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Affaire Dupont et Verlon : « Nous demandons plus de transparence de la justice »

À l’occasion de l’anniversaire de l’assassinat des deux journalistes de RFI, les proches des victimes ont fait un point sur l’enquête à Dakar.

« Nous nous étions promis de revenir ensemble à Dakar mais le temps ne nous en a pas laissé l’occasion », glisse avec mélancolie Marie-Solange Poinsot, mère de Ghislaine Dupont. Sa fille, journaliste à RFI, a été exécutée voilà quatre ans avec Claude Vernon, preneur de son, dans le désert, à dix kilomètres de la ville de Kidal dans le nord du Mali.

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La plupart des responsables de ces meurtres sont toujours en fuite et les zones d’ombre encore nombreuses. C’est pour les dénoncer que l’association Les Amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont donné, mercredi 1er novembre, une conférence de presse dans la capitale sénégalaise.

Devant salle comble, les proches des victimes ont critiqué la lenteur de l’instruction menée par les justices française et malienne. « Quatre ans après, ce sont les mêmes questionnements et la même absence de réponse », s’agace Christophe Boisbouvier membre du bureau de l’association et journaliste à RFI.

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Lien avec les otages d’Arlit

Si le double assassinat a rapidement été revendiqué par Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), le motif reste obscur. Selon les membres de l’association, il y aurait un lien entre le rapt des deux reporters et l’affaire des otages d’Arlit au Niger. Les quatre derniers captifs d’Areva et de Vinci sont libérés par AQMI, le 29 octobre 2013. Ghislaine Dupont et Claude Verlon sont, eux, enlevés et tués quatre jours plus tard par la même organisation.

« La libération des otages d’Arlit n’a pas fait que des heureux, avance Christophe Boisbouvier. Des katibas [groupes de combattants djihadistes] se sont senties lésées dans le partage inégal de la rançon payée par le gouvernement français. Ils auraient donc enlevé Ghislaine et Claude afin de négocier une nouvelle rançon. » Le rapt aurait mal tourné et les ravisseurs les auraient exécutés sans préméditation.

Plusieurs hypothèses expliquent ce geste, selon l’association. « Le véhicule auprès duquel les corps ont été trouvés présentait une panne mécanique. Ce qui aurait obligé les ravisseurs à fuir à pied, qui paniquant, auraient alors éliminé les otages. » Ou serait-ce la frayeur provoquée par la présence d’un hélicoptère non identifié, probablement de l’armée française ou de la mission des Nations unies au Mali (Minusma), qui aurait précipité l’assassinat ? « On sait que le chef de la Minusma s’envolait au moment même de l’enlèvement », affirme Pierre-Yves Schneider, porte-parole de l’association.

Des faits troublants

Cette théorie, partagée dans l’émission Envoyé spécial diffusée le 26 janvier sur France 2, a été vivement critiquée par le juge Jean-Marc Herbaut chargé de l’affaire depuis septembre 2015 en remplacement du juge Marc Trévidic. « Lors de la seule audience qu’il nous a accordée le 15 juin 2017, il a dit que c’était une présentation des faits malhonnête », soutient Danièle Gonod, présidente de l’association.

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Mais d’autres faits troublants viennent s’ajouter à l’affaire. Ghislaine Dupont qui enquêtait sur les négociations pour la libération des otages d’Arlit a subi deux « visites » inopportunes sur son ordinateur. L’une cinq semaines avant sa mort, l’autre le jour même, une heure avant son assassinat, alors que celui-ci se trouvait dans son appartement parisien. « Y a-t-il un lien avec son décès ? Est-ce une surveillance des renseignements ? Un piratage ? Ce sont des questions que l’on se pose, explique Christophe Boisbouvier. C’est pourquoi nous avons remis l’ordinateur au juge pour analyse. »

Deux ou trois suspects toujours en vie

Sur les six djihadistes suspectés, un est mort dans un accident de moto et deux ont été tués par les forces françaises. L’un d’entre eux, commanditaire présumé, est Abdelkrim Al-Targui dit « le Touareg », abattu lors d’une opération militaire en mai 2015 près de Tessalit au Mali. « Il resterait alors deux ou trois suspects encore en vie, dont un second commanditaire nommé Sedane Ag Hita », avance Christophe Boisbouvier.

Ce dernier avait à l’époque des faits deux neveux incarcérés dans une prison malienne coupables de la capture, deux ans plus tôt, d’otages français. « Il est possible que l’enlèvement de nos collègues visait une négociation future pour [leur] libération. C’est en tout cas dans ce sens qu’a témoigné un autre djihadiste, Akinan Ag Atther dans le reportage de France 2 ».

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Aujourd’hui, Sedane Ag Hita est toujours en vie. « Il a passé la frontière malienne et se trouve dans une vallée à l’extrême sud du Sahara algérien, à proximité du grand chef djihadiste touareg Iyad Ag Ghali, affirme M. Boisbouvier. Ce dernier revendiquait dans une vidéo publiée en mars la direction de l’ensemble des katibas de la région. »

Documents lourdement caviardés

Toutes ces informations émanent d’enquêtes personnelles ou de celles de confrères, ce qui conduit l’association à « déplorer amèrement l’inertie et le manque de communication de la justice, résume M. Schneider. Les juges se sont refusés à recevoir les journalistes et il n’y a eu aucun effort d’explication de la part des autorités ».

Si le juge Herbaut a obtenu en 2016 la déclassification de documents de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de la direction du renseignement militaire (DRM) et du ministère des armées, ceux-ci sont lourdement caviardés. « Au point que ça devient illisible, s’irrite M. Boisbouvier. Aujourd’hui nous demandons plus de transparence dans cette affaire, la levée du secret défense et que tout soit entrepris pour arrêter les suspects sur le territoire algérien. »

Grâce à une loi passée en mars 2016 suite aux attentats du 13-Novembre permettant aux associations de victimes de terrorisme de se constituer partie civile, l’association Les Amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon pourra dès cet hiver accéder au dossier d’instruction qui lèvera sans doute le voile sur quelques mystères. En attendant, ils honorent à Dakar la mémoire de leurs proches en inaugurant une exposition de dessins pour la liberté de la presse à l’Institut français,. Jeudi 2 novembre, ils remettront la bourse de journalisme radio RFI à l’occasion de la journée internationale de lutte contre l’impunité des crimes commis contre les reporters. Un rendez-vous créé par les Nations unies en hommage à Claude et Ghislaine.

Source: lemonde

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