L’une des victimes, Adaman Diongo, témoigne !
Fervent défenseur des valeurs sociétales du Mali en général et celle de sa communauté en particulier, Adaman Diongo est ce jeune dogon qui a décidé de consacrer sa vie à la défense des plus faibles, cela au risque même de sa vie. Une position qui, apparemment, dérange. Quand on sait que cette posture lui a coûté une arrestation dite arbitraire le jeudi 10 décembre 2020 par le Commissariat du 12e arrondissement du District de Bamako avec huit autres jeunes de différentes associations. Après trois jours dans les geôles dudit commissariat, il a été finalement libéré le samedi dernier. Sur l’affaire, le commissaire-adjoint du 12e arrondissement, Yaya Niambélé, s’est largement expliqué au micro de la page ‘’Ouverture média’’. Nous avons également rencontré Adaman Diongo. Lisez plutôt leurs réactions !
Alors que Adaman Diongo est toujours placé en garde en vue au commissariat du 12e arrondissement, le commissaire-adjoint, Yaya Niambélé, déclare sur les antennes d’une radio de la place : « Nous avons appris qu’il y a une famille à Djélibougou juste après la station Shell où plusieurs motos sont garées et que ces motos sont destinées à des terroristes et que Mahamoud Dicko serait derrière l’affaire. Donc, nous nous sommes levés pour aller vérifier l’information. Le commissaire même m’a dit de prendre l’affaire au sérieux. Nous sommes allés dans la famille et Dieu faisant bien les choses, nous avons trouvé un agent de la police logé dans la même famille et il nous a clairement dit que lesdites motos appartiennent à son jeune frère du nom de Souadou Diakité. Il a ajouté que le jeune les donne au ministère de l’Éducation ainsi qu’à des projets et qu’il mène cette affaire depuis plus de dix ans dans la légalité. Les gens qui nous ont donné l’information, on dirait que ce sont des membres d’une association, en tout cas, ce sont beaucoup de jeunes. Je leur ai clairement dit que l’affaire est claire, car il y a un agent de la police qui a témoigné. Mais, l’association voulait qu’on saisisse les motos. J’ai dit non »
Aussi,le commissaire-adjoint ajoute :« Après cela, nous avons demandé au policier de faire venir son jeune frère au commissariat pour que nous puissions vérifier les documents qui montrent que les motos sont fiables. Il est venu vers 20 heures passées avec ces documents. Nous avons tout constaté et il n’y a rien de suspect. Cela est parti d’un marché public avec le ministère de l’Éducation nationale et pour moi tout est clair. Selon ses explications, les motos étaient stockées ailleurs, mais c’est au moment du coup d’État qu’elles ont été acheminées à Djélibougou pour plus de sécurité. Les motos sont là-bas depuis ou cinq mois. C’est ainsi que nous avons dit aux jeunes qu’ils ont joué leur rôle de citoyens et que nous nous occuperons du reste. »
Toutefois, le commissaire-adjoint précise : « A notre grande surprise, nous avons vu les informations sur les réseaux sociaux avec les photos des mêmes motos prises dans la cour de monsieur Diakité et faisant croire qu’elles sont destinées aux terroristes. Nous avons clairement dit que cela n’est pas notre information et nous ne l’avons dit à personne. Alors que nous avions déjà appelé notre informateur pour lui dire que les documents des motos sont clairs, Souadou Diakité même s’est connecté et a vu les photos de ses motos publiées où l’intéressé a affirmé que lesdites motos sont destinées aux terroristes. J’ai dit que nous n’avons livré cette information à personne et que si quelqu’un a osé dire cela, ce n’est plus une affaire nationale, mais plutôt internationale. »
Au commissaire de conclure : « J’ai rappelé la source d’alerte pour savoir si c’est elle qui l’a publiée, la personne a répondu par la négative et du coup j’ai dit à Souadou Diakité qu’il peut porter plainte. Pendant ce temps, nous apprenons encore que les mêmes jeunes étaient partis dans la famille du monsieur. Nous, nous sommes demandé : mais que veulent-ils au juste ? Seraient-ils devenus des policiers ? C’est pourquoi, nous les avons mis aux arrêts tout de suite, car monsieur Diakité était en droit de porter plainte contre eux. Après les enquêtes, il se pourrait qu’il y en a parmi eux qui veulent la tête de Mahmoud Dicko parce que Souadou Diakité est un proche de lui, parce que c’est sa grande sœur qui est mariée à Dicko. Si tu cherches l’iman Dicko et que tu ne l’atteint pas, si tu passes par ces parents tu vas forcément l’atteindre. Ce qu’on peut dire clairement est que les motos ne sont pas destinées aux terroristes. »
Adaman Diongo réagit !
Rencontré le 14 décembre 2020 au siège du CAJPD, Adaman Diongo nous livre son témoignage : « J’ai été surpris de ce qui m’est arrivé l’autre jour parce que je ne savais pas qu’en voulant défendre son pays d’un quelconque mal, on peut avoir des soucis avec la police. Mais, c’est arrivé. »
Dans les détails, il explique : «J’ai été informé par quelqu’un, une connaissance qui est comme moi, C’est-à-dire longtemps victime de cette insécurité dans la région de Mopti. On s’est rencontrés et il a commencé à me montrer des images de plusieurs motos dans une cour. Je voulais informer la police, mais il m’a fait savoir qu’il a pris des précautions pour ça. Alors une fois la police informée, nous sommes allés ensemble sur les lieux à Djélibougou pour constater les faits. Parce que c’est quand même suspect en ce temps de voir autant de motos de ce type. Sur place, un monsieur s’est présenté pour dire que les motos appartenaient à son frère et il a commencé à donner des explications et la police nous a dit qu’elle s’occupait de l’affaire et nous a demandé de quitter les lieux, nous sommes donc partis. C’est le lendemain que, quand le monsieur qui m’avait informé au départ m’a appelé pour me dire qu’il y a une suite à l’affaire et qu’il voudrait qu’on se retrouve près de la famille, j’y suis allé parce que j’avais vraiment besoin de savoir la suite. C’est quand je suis arrivé au niveau de la station de Shell qui est à coté de la famille, que j’ai trouvé mon ami avec quelques journalistes et d’autres associations. Bon, je me suis dit que cela entre dans le cadre de la transparence des actes que les uns et les autres vont poser. On était là et sûrement que les journalistes allaient nous poser des questions sur ce qu’on a vu et ce qu’on pense de la situation. J’étais prêt à donner mon avis, mais je n’avais encore rien dit. C’est entre-temps que le téléphone du monsieur a sonné et quelques minutes plus tard, la police a débarqué et elle nous a encerclé pour nous demander de monter dans leur véhicule. J’ai dit mais, on a rien fait à part venir suivre la suite d’un processus qu’on avait entamé hier. Ils nous ont dit justement que nous saurons la suite une fois au commissariat. C’est le 12earrondissement. Je suis monté à cœur joie, parce que j’étais pressé de savoir la suite. »
Il continue : « Arrivé au commissariat, la police nous a dit deux choses : premièrement, ils ont dit que l’information a été publiée par quelqu’un sur les réseaux. Deuxièmement, ils ont été informés des attroupements autour de la famille et que la famille serait en danger. Je me suis dit mais qu’est-ce que ça veut dire. Je n’ai pas parlé et je n’ai rien publié et jamais je n’ai appelé à une mobilisation quelconque. Entre-temps, la police a fait venir le propriétaire des motos un certain Souadou Diakité. Ce dernier a dit : je vais porter plainte contre vous tous. J’étais vraiment surpris de sa réaction. Plainte pourquoi ? Le fait d’avoir alerté la police ou le fait qu’on était près de sa maison ? La police dit qu’on restera et que le lendemain on sera écouté un à un. Ce qui a été le cas. Après encore, on nous dit que c’est désormais au procureur de la Commune I de fixer notre sort. Alors, j’ai compris qu’il y a un problème. Le lendemain le procureur nous a interrogé sur procès-verbal et par la suite il a dit qu’il y a un d’entre nous qui sera jugé le 24 de ce mois ; deux autres personnes et moi avons été retenus pour témoigner le jour du procès. Nous attendons cela. En tout cas la police a dit que ce n’est pas ce que nous croyions et que les motos sont prévues pour d’autres fins. Je souhaite que ce soit le cas (silence et sourire)…
« Au cours de ma garde à vie, je n’ai pas suivi de violence sauf que connaissant les commissariats de Bamako, on ne peut être dans des meilleures conditions. Je ne regrette rien du tout, au contraire, je ressens de la reconnaissance envers les personnes qui m’ont soutenu pendant cette période. Nous étions nombreux. Je n’ai pas vu une mobilisation aussi importante que la mienne. J’ai senti que j’avais des gens derrière moi et que pendant tout ce temps, je n’agissais pas dans le vide. J’ai vraiment senti que j’occupais une place dans le cœur des uns et des autres, surtout chez mes parents dogons »,conclut-il.
Amadou Kodio
Source : Ziré